Meurtres classés sans suite !
MIAMI, 19 Juin – Un couple est assassiné. Comme ce sont des gens connus on en parle un jour ou deux. Puis on passe à autre chose.
La semaine dernière la presse a rapporté un meurtre choquant. Celui d’une institutrice, Farah Martine Lhérisson ainsi que de son époux, Lavoisier Lamothe.
Dans la nuit du lundi 15 juin, la directrice du Collège St Léonard et son époux ont été tués de plusieurs balles, à leur domicile à Péguy-ville (un quartier de Pétionville, banlieue de Port-au-Prince).
Farah Martine Lhérisson, 49 ans, est aussi un membre du petit cercle littéraire du pays. Sa disparition est regrettée par le Ministère de la Culture tout comme par celui de l’Education nationale qui demandent aux responsables de la sécurité publique de ne ménager aucun effort pour retrouver les coupables.
Cet horrible carnage a failli coûter également la vie à un gardien de sécurité de la maison qui a été touché de deux projectiles, cela en présence d’un fils des deux époux et de deux femmes de ménage.
Cependant plus rien. On ne saura rien de ce qui s’est passé. Qui sont les criminels ? Que voulaient-ils ? Nenni.
C’est un peu sans précédent la situation qui règne en ce moment en Haïti.
Une véritable descente de lieux opérée par des tueurs. Un couple tué de plusieurs balles. Plusieurs témoins. Outre les voisins qui ont aidé à transporter les malheureux à l’hôpital mais c’était déjà trop tard. Cependant seulement deux lignes dans la presse ‘epi, epi anyen’. Pas un commentaire des responsables de la sécurité. Ni de la police, ni de la justice.
Haïti réellement n’existe plus !
Le public est laissé à ses propres suppositions. Certains comparent à l’assassinat spectaculaire mais jamais élucidé du journaliste et propriétaire de Radio Haïti Inter, Jean Dominique, le 3 avril 2000 mais encore plus à celui de Guiteau Toussaint, 56 ans, lors directeur général de la BNC (Banque Nationale de Crédit), le dimanche 12 juin 2011.
Ce dernier qui avait réussi le sauvetage de la BNC menacée de faillite, s’était vu confier la tâche gigantesque d’un projet de reconstruction de la capitale, Port-au-Prince, après le séisme du 12 janvier 2010 qui a détruit le centre-ville.
Le projet en question, une affaire de plusieurs milliards bien sûr, ne sera jamais accompli. Et pour cause. Les fonds ont été dilapidés. Petrocaribe etc.
Cet assassinat ne passa cependant pas inaperçu, tout de même. Le nouveau pouvoir (le président Michel Martelly venait à peine de prêter serment) ne pouvait rester indifférent. La police nationale annonça des arrestations. Mais cela avant que le dossier ne soit prestement enterré.
Dans le privé on apprit que Guiteau Toussaint a été assassiné par un commando débarqué chez lui dans la soirée du dimanche 12 janvier (et pour cause à une heure où on est moins sur ses gardes !) non pour voler mais pour lui enlever la vie.
Les assassins ne lui laissèrent aucune chance. A genoux et une balle au front.
C’était par conséquent des tueurs en mission.
La comparaison avec l’assassinat du DG de la BNC fait plus référence ici que celui de notre confrère Jean Dominique dont le mobile était plus directement politique … mais dans quelles activités le couple Farah Martine Lhérisson et son époux l’ingénieur Lavoisier Lamothe, 56 ans, pouvait-il être engagé à part celles tout à fait professionnelles qu’on leur connait ?
Le crime a été commis devant témoins. Une première conférence de presse aurait dû avoir lieu où les autorités auraient rapporté les premiers indices relevés qui permettraient de commencer à se faire une idée de ce qui s’est passé.
Est-ce que les tueurs étaient venus pour voler ? Qu’ont-ils emporté ? Ou est-ce une double exécution préméditée ? Il n’est pas besoin de Sherlock Holmes pour relever ces premiers faits.
Comme aurait d’ailleurs dit ce dernier : ‘Elémentaire, mon cher Watson !’
De là commence l’enquête.
Non, mais c’est comme si on se trouvait en présence de responsables de la sécurité qui seraient eux aussi des complices du double assassinat !
Or voilà que même dans les années 1970 sous la présidence à vie de Jean Claude Duvalier, que la presse de l’époque (la ci-devant ‘Presse indépendante’) pouvait forcer le pouvoir à un plus grand effort après un événement de ce genre.
Lors ce sont les journalistes qui menaient l’enquête, fouillant partout, mettant la police politique le dos au mur, le colonel Jean Valmé s’arrachant les cheveux. Et le pays participait, à tous les degrés de la société. C’était le réveil … Mais aujourd’hui c’est la fin. La mort ! La police comme la justice se trouvent apparemment en ‘confinement’, les seuls d’ailleurs pouvant se le permettre car c’est le confinement qui a permis peut-être aux tueurs de surprendre plus facilement les époux Lhérisson-Lamothe.
Non seulement les tueurs sont partout (les démons sont lâchés !) mais les responsables de la sécurité ont même perdu la parole.
Le cynisme absolu. Circulez. Seulement un couple qui est mort, et après !
Tout ce carnage ne semble devoir finir que le jour où il y aura, si l’on peut dire : beaucoup plus de tueurs … que de victimes !
Marcus - Haïti en Marche, 19 Juin 2020