PORT-AU-PRINCE, 28 Janvier – Déclaration du responsable haïtien des finances publiques : ‘Il s’avère plus que nécessaire de décréter l’état d’urgence économique.’
Le ministre de l’économie et des finances Wilson Laleau ne nous cache pas que l’Etat haïtien n’est plus en mesure de faire ses frais.
Une telle déclaration est de nature à jeter la panique dans tout autre pays que Haïti. Et on ne sait pas si on en est vraiment à l’abri étant donné qu’on n’a pas attendu la déclaration de Mr Laleau pour savoir que nous sommes tous sur la paille.
Mais voilà désormais au moins c’est officiel.
Première conséquence, tout responsable, surtout dans le privé, sait qu’il ne doit pas se laisser dépasser par les événements.
C’est en ce sens que la déclaration du ministre peut faire irresponsable parce qu’un officiel ne peut se contenter d’ameuter la communauté sans proposer une porte de sortie.
Qu’est-ce que les gouvernants haïtiens ont l’intention de faire pour nous sortir de ce mauvais pas ?
Mais secundo, c’est peut-être l’objectif même de la déclaration : rechercher une telle porte de sortie. Supposons que l’Etat se sait incompétent pour résoudre le problème, la déclaration de Laleau devient alors un coup de sonde. A l’adresse de qui ? De qui de droit.
Visitant récemment le nouveau premier ministre Evans Paul, le responsable du bureau haïtien au Département d’Etat américain, Tom Adams, avait trois points à son agenda : la préparation des élections, l’état des finances publiques et les manifestations anti-gouvernementales.
Washington n’ignore donc pas le problème évoqué par le ministre Wilson Laleau …
Mais c’est du donnant donnant. Si les élections sont bien engagées, cela fournirait un argument pour contrecarrer les manifestants.
Mais la question économique est vraiment celle qui conditionne le tout.
Sans un sou en caisse, comment calmer la rue, celle-ci multipliant chaque jour ses revendications qui dépassent de plus en plus le domaine politique proprement dit et touchent à la cherté de la vie et aux prix des produits de première nécessité et exceptionnellement aussi du carburant à la pompe …
Et avec de plus en plus de foules dans les rues, aux quatre coins du pays, peut-on espérer que des élections puissent se passer normalement ?
L’appel du ministre Laleau signifie que le gouvernement reconnaît qu’il est dépassé, mais cela suffit-il pour voler à son secours ?
Qu’est-ce qui garantit qu’il va respecter les autres termes du deal ? Qu’il n’essaiera pas de détourner les résultats du scrutin ?
Or le plus compliqué est que le Département d’Etat n’est plus aujourd’hui le seul concerné.
Il ne suffit pas de ce genre de chantage déguisé en déclaration ministérielle pour débloquer quelques centaines de millions en faveur d’Haïti.
Parce que ce n’est pas le Département d’Etat ni la Maison blanche, c’est le Congrès américain qui vote les fonds de l’assistance étrangère.
Or le Congrès, dans ses deux chambres, est aujourd’hui sous domination Républicaine.
Les Républicains sous aucun prétexte ne vont donner de l’argent à l’administration Obama pour dépanner Martelly s’ils n’y voient pas aussi leur intérêt.
Il faudrait donc obtenir une visite au pays par une délégation bipartite, c’est-à-dire avec des membres des deux partis, Démocrate et Républicain.
Et il faut convaincre les parlementaires Républicains qu’Haïti n’est dans aucun ‘konfyolo’ (aucune combine) avec les Démocrates parce que les présidentielles américaines elles aussi sont déjà pratiquement engagées entre les deux camps.
Le message du ministre Wilson Laleau a beaucoup plus de chance d’être à l’adresse de Washington que de nous autres au pays, mais la réponse sera moins rapide que d’habitude parce que engageant beaucoup plus d’acteurs que d’habitude.
Mais il n’y a pas que le gouvernement Martelly-Paul, il y a le peuple qui rue dans les brancards. Et celui-ci peut ne pas pouvoir attendre jusque là.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince