Seule solution : Développement !

PORT-AU-PRINCE, 19 Juin – A toute époque de décadence c'est pareil. Et nous vivons une époque de décadence, même si personne n'a jamais prononcé le mot. A moins de considérer que nous n'avons jamais été suffisamment haut pour qu'on puisse parler de décadence. Mais ce n'est pas seulement la richesse matérielle qui fait la décadence ou pas.
L'empire romain de Jules César et du siècle d'Auguste n'a rien à voir avec le règne de Caligula.
Peu avant 1789, la France sombra dans une grave crise économique et le peuple monté à Versailles avant la tête du roi exigeait du pain.
Selon les romans de Jacques Stephen Alexis, le président Lescot n'a pas été renversé en 1946 seulement pour plaire aux intellectuels de l'hebdomadaire littéraire La Ruche (dont il faisait partie) mais parce que sous son pouvoir le peuple dormait (comme aussi aujourd'hui d'ailleurs) à la belle étoile et à même le Champ de Mars où les filles se prostituaient pour un morceau de biscuit (petit pain local).
Et avant la chute de Baby Doc (Duvalier), Haïti Demain-Hebdo de Pierre Clitandre, journaliste exilé à New York, écrivait : 'au marché de La Saline, le peuple mange des bonbons ('konparèt') en terre cuite.'

Une participation de pas moins de 80% tombée à 6% ...
Tout se combine. Tout est dans tout. Et tout ça se retrouve dans la situation qu'actuellement nous vivons.
Autrement dit, si c'était en 1946, l'armée aurait renversé le gouvernement pour installer un pouvoir d'une autre tendance. Ce fut Dumarsais Estimé qui se dépêcha de rétablir la balance politico-économique. Ce fut le pouvoir noir ; ce fut le lancement des deux plus grands chantiers de l'Histoire d'Haïti (à part la Citadelle Christophe) : la Cité de l'Exposition, à l'occasion du Bicentenaire de la fondation de Port-au-Prince, et le Barrage de Péligre (Artibonite).


Si on était en 1986, idem. Le régime actuel aurait été capoté comme Duvalier. Puis ce fut novembre 1987, les Forces armées des généraux Namphy, Régala, Jean-Claude Paul et Prosper Avril massacrant en plein jour la population pour empêcher l'avènement d'un régime à orientation de gauche.
Mais cela n'empêchera, trois années plus tard, en décembre 1990, une participation de pas moins de 80% lors des élections qui porteront au pouvoir un jeune prêtre nommé Aristide.
Aux élections qui seront gagnées par Michel Martelly en 2011, la participation n'a pas dépassé 10%.
Le dernier président élu d'Haïti, faut-il le rappeler, l'a donc été avec seulement quelques dizaines de milliers de voix.
Aux dernières législatives (août 2015), on a parlé d'une participation de 6%.
Quant aux présidentielles d'octobre 2015, impossible de savoir puisque celles-ci ont été annulées pour fraudes et pratiquement association de malfaiteurs !
Comment l'appelleriez-vous si ce n'est la décadence ?

Trump pas tant un impromptu ...
Mais comme on a vu, Haïti n'est pas un cas unique dans l'Histoire. Ni par la fraude électorale, ni par la disparition de la population aux urnes.
Par exemple encore, les événements survenant actuellement aux Etats-Unis dans la campagne électorale ne sont pas quelque chose d'impromptu. Ils marquent un détachement de la population avec les politiciens de la capitale fédérale, Washington.
Les gens applaudissent Donald Trump parce qu'il parle un autre langage. Quitte à dire n'importe quoi, ce dont personne n'ignore le danger. Mais d'abord, il y a un mal plus profond.
En France, c'est pire. L'actuel gouvernement Hollande-Valls a perdu apparemment toute prise sur le pays réel.
C'est quelque chose qui menace depuis longtemps. La classe politique française, depuis belle lurette, fonctionne comme une aristocratie d'autrefois. Comme on dit en Haïti : 'La France, capitale Paris !'
On pourrait en dire autant de l'Espagne, de l'Italie voire de la Grèce.
Tous ces pays ayant un point commun : ils sont des victimes de la crise économique.
Aussi chaque semaine le président François Hollande de faire un étalage de statistiques pour montrer que le nombre de nouveaux emplois a augmenté. Nenni.

Le cinéma du téléphone rose ...
Donc, pour tout ce monde, la solution se trouve dans un seul mot : la reprise.
L'Italie des années 1950-1960, celle de la Démocratie chrétienne au pouvoir et des fortes émigrations vers les Etats-Unis, se remettant difficilement de la guerre où l'avait entrainé le règne fasciste mussolinien, cette Italie-là, par la corruption politique et les élections maquillées, ressemblait en tout point à ce qui se passe aujourd'hui chez nous, hélas.
C'était aussi la plus grande pauvreté. Le cinéma en rend bien compte. Les films s'appellent 'Riz amer', 'Le Voleur de bicyclette', etc.
Puis c'est le miracle économique italien. La voiture Fiat roule sous tous les cieux. Les nouvelles stars italiennes elles aussi sont adulées partout. C'est le règne de Sophia Loren, Gina Lollobrigida. Le cinéma du téléphone rose.

Jobs, jobs, jobs ! ...
Donc Haïti attend elle aussi aujourd'hui son miracle économique. Oui, la population n'attend que ça. D'où son refus de ces élections de carnaval puisqu'elle n'y met plus jamais les pieds.
N'écoutez aucun autre discours. La seule chose capable de nous sortir du pétrin : jobs, jobs, jobs !
Que ce soit dans l'agriculture, l'industrie ou les services. N'importe. Oui comme dit le créole : 'Nenpòt'.
Ainsi donc, en 1957, on n'aurait pas voté Duvalier mais pour un certain entrepreneur nommé Louis Déjoie.
En espérant que, entre-temps, nous avons dépassé un autre handicap majeur qui est la question de couleur. Si déterminant en 1946.
Et surtout en 1957 !
Mais ce n'est pas la couleur qui nous empêche de faire aujourd'hui ce bond qualitatif seul capable de nous sortir du pétrin, de nous tirer d'affaire.
C'est le cas de dire qu'il n'y a pas comme les affaires ... pour nous tirer d'affaire !

Haïti en Marche, 19 Juin 2016