La Communauté internationale multiplie les appels à la raison
PORT-AU-PRINCE, 29 Mai – Deux avertissements coup sur coup de la communauté internationale que notre pays ne peut continuer comme il va.
C’est la semaine précédente une mission onusienne composée de représentants de 11 pays et conduite par le diplomate canadien Max Blanchard qui, après une visite spéciale de deux jours, au nom du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Ecosoc (conseil économique et social), constate que Haïti se trouve dans une crise aigue et qu’en même temps que les problèmes politiques, sinon à cause de ceux-ci, le pays a fait un plongeon vertigineux et qu’il faut, toutes affaires cessantes, une ‘assistance humanitaire pour au moins 2 millions et demi’ de personnes.
Tout aussi préoccupants pour la mission spéciale onusienne la question des gangs armés ainsi que le sort des quartiers sur lesquels règnent ces derniers.
D’après Max Blanchard, la prochaine ‘mission politique spéciale’ qui succédera en octobre prochain à la Minujusth (mission de l’ONU pour l’appui à la justice en Haïti) devra aussi se colleter avec ‘les défis posés par les questions liées aux gangs éparpillés un peu partout dans le pays. Il faut toucher au symptôme mais aussi à la racine de certains de ces problèmes.’
Tous problèmes qui ne semblent cependant pas effleurer l’esprit de la plupart des acteurs politiques haïtiens qui se battent comme des chiffonniers qui ne semblent pas voir le bout de leur nez.
Et justement afin que nul n’en ignore, voici la Délégation de l’Union européenne qui moins d’une semaine plus tard, tente elle aussi de nous remettre sur les rails.
Allant droit au but, la longue déclaration de l’UE souligne que ‘le pays reste depuis près de deux mois dans l’attente de la ratification d’un nouveau gouvernement.’
Relevant les conséquences immédiates de ce raidissement : c’est la gourde qui fond comme beurre au soleil, la pauvreté qui s’aggrave et l’investissement à l’arrêt … ainsi qu’une profonde détérioration de la sécurité et de la situation des droits humains.
Et pour finir, incertitudes sur la tenue des législatives prévues en octobre prochain … ce pour ‘prévenir le vide institutionnel’.
Or toutes choses peut-être que les politiques haïtiens non seulement ne pensent pas à arrêter mais peut-être au contraire qu’ils souhaitent provoquer, tant leur comportement est déroutant.
La seule porte de sortie, selon la Délégation de l’UE, c’est ‘un dialogue inter-haïtien franc et inclusif, sans pré-conditions, en vue de parvenir à un projet national fédérateur.’
Oui, un projet national fédérateur, c’est-à-dire qui unisse tous autour de lui. C’est-à-dire exactement ce que refusent les acteurs politiques haïtiens, ceux de tout bord, car en bon créole : ‘ti barik mayi a twò piti’, traduisez : y en a pas assez pour tout le monde.
Donc c’est le ‘chen manje chen’ ou ‘ôte toi que je m’y mette.’
C’est-à-dire la barbarie comme on a vu récemment lors de maintes tentatives de ratification du nouveau gouvernement au Sénat de la république.
La Déclaration de l’UE poursuit : ‘La mise en place d’un nouveau gouvernement doit offrir une opportunité d’accélérer la réalisation des réformes conformément aux engagements pris par l’Etat haïtien’ (donc ce n’est pas un blanc seing non plus pour le pouvoir en place) : réformes à mener pour renforcer les institutions, améliorer la gestion des finances publiques et stimuler l’investissement en vue de mieux répondre aux besoins fondamentaux de la population.
Besoins que certains pensent qu’on puisse les remplir avec les caisses vides ! Y compris ceux qui viennent de les vider les caisses mais qui font aussi semblant, de l’audace, encore de l’audace !
La déclaration de l’Union européenne (mais n’est-ce pas ce que réclament aussi ceux qui disent parler au nom de la population ?) voit aussi dans la mise en place de ce gouvernement ‘inclusif, fédérateur’ (comme disait l’autre : largement large) l’aboutissement dans les meilleurs délais des actions en matière de reddition de comptes, par l’avancement des procédures légales en cours (justement la Cour des comptes vient de livrer son rapport plus définitif sur l’affaire Petrocaribe !), ainsi que l’investigation exhaustive des violations des droits humains, y compris sur les événements de La Saline et d’assurer la protection des droits humains et des défenseurs des droits de l’homme (sic).
Et d’ajouter : ‘Le gouvernement pourra dans ce contexte compter sur l’appui offert par l’Union européenne ainsi que par d’autres acteurs de la communauté internationale.’
Voici une Déclaration on ne peut plus complète et sans aucun parti pris déclaré. Tout le monde est renvoyé à revoir sa copie.
L’opposition bien sûr appelée à s’asseoir à la table du dialogue ‘inter-haïtien’, c’est-à-dire rappel aux acteurs haïtiens à apprendre à traiter leurs différends entre eux, et non comme au temps de ... la ‘diplomatie des canonnières.’
Mais rappel aussi au pouvoir en place qu’il ne peut pas être le principal responsable de la crise (ou de son aggravation) et en même temps vouloir se conduire en ayant droit. Par exemple dans la formation du nouveau gouvernement pour imposer des ministres dont le but est d’assurer la réussite des mêmes aux prochaines législatives (‘j’y suis j’y reste’), donc avec la prochaine crise déjà au programme.
Mais à la vérité c’est à nous tous Haïtiens que s’adressent ces deux appels de la communauté internationale : la semaine précédente celle de l’ONU/ECOSOC et celle-ci de la Délégation de l’Union européenne en Haïti.
Les Haïtiens sont-ils capables d’entendre la voix de la raison pour corriger leurs propres erreurs ou devons-nous attendre chaque 5 ans, après chaque mandat présidentiel, un nouveau débarquement des Marines ?
Or qui pis est, les responsables de ces crises ce sont toujours les mêmes. Puis qui le lendemain, se battent entre eux.
A quoi servent donc les élections ?
Mais n’allons pas plus loin puisque le temps devrait être au dialogue inter-haïtien (Entre-Nous), alors à chacun de faire cet effort, d’y aller du sien.
Nous aussi de la presse !
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince