De Washington à Port-au-Prince : la crise politique fait rage

JACMEL, 24 Mai – A Washington comme à Port-au-Prince la crise politique fait rage.
Vous avez bien entendu, à Washington. Et alors ?
N’est-ce pas la guerre ouverte entre le président Donald Trump et son opposition Démocrate qui détient la majorité à la Chambre des Représentants et qui est bien décidée à lui faire rendre des comptes sur tout et sur rien si l’on peut dire.
Depuis quelques jours le mot ‘impeachment’ ou destitution est sur toutes les lèvres, les congressmen Démocrates martelant le président à coups de convocations de ses collaborateurs les plus immédiats, ceci assorti de toutes sortes d’exigences comme celle de se faire remettre sa feuille d’impôts etc.
Mais le plus étonnant ce sont les propos échangés qu’on n’aurait jamais imaginé comme pouvant résonner sous les lambris dorés d’institutions aussi prestigieuses comme la Maison blanche et le Congrès à Washington DC.
Donald Trump traite la chef de la Majorité Démocrate, une noble dame de 78 ans, de ‘Crazy Nancy’ (Nancy la folle), Mme Nancy Pelosi qu’on dit une fine stratège politique.
Justement au lieu de répondre à l’adversaire du tac au tac, celle-ci en appelle à la famille Trump pour garder le président dans sa niche car il est en train de dérailler.
A-t-on jamais entendu pareils propos entre dirigeants haïtiens quelque aigue que soit la crise ?
Comme aujourd’hui. Même les plus violents dans leurs attaques qui n’aient encore traité le président de la République de voleur !
Comme dirait l’autre : voleur peut-être mais pas ‘vòlè.’
Mais il y a encore plus grave.
Le président Trump réagit en interdisant à ses collaborateurs de répondre aux convocations de la Chambre.


Cela s’appelle ‘contempt of Congress’ ou mépris du Congrès.
Tout comme il ne fait pas montre d’obéir à deux décisions judiciaires demandant aux firmes comptables responsables de la gestion de ses biens de remettre aux législateurs les renseignements demandés sur la fortune personnelle de l’hôte de la Maison blanche comme tous ses prédécesseurs l’ont fait jusqu’ici.
Trump, rompant avec aussi bien le législatif que la justice, c’est un dictateur, entend-on crier.
Trump ‘kase kòd’.
En Haïti c’est tout à fait le contraire, le président Jovenel Moïse se mettrait à genoux devant son opposition parlementaire pour obtenir la ratification du nouveau gouvernement que celle-ci ne bouge pas : pas question !
Et pourtant c’est en Haïti que nous coulons à pic tandis qu’aux Etats-Unis la situation économique avait rarement été aussi positive.
Comme dit un humoriste : y a comme un défaut !
Le défaut c’est que Haïti n’est pas un vrai pays comme … les Etats-Unis.
Haïti est un pays qui a cessé de grandir depuis le jour même de son indépendance le 1er Janvier 1804.
Indépendance acquise par les armes certes, mais dès le lendemain même de cette date : les héros sont fatigués.
Et jusqu’à date.

Un pays ce ne sont pas seulement des politiques (de grandes gueules !) mais ce sont aussi un cerveau qui planifie l’avenir, en essayant autant que possible d’éviter les écueils, y compris ceux que nous pouvons créer pas forcément de mauvaise foi ; c’est aussi un cœur pour rappeler que le partage est la meilleure forme d’enrichissement individuel …
Contrairement aux Etats-Unis, Haïti n’est donc pas suffisamment constituée en tant que Pays, voire Etat, pour se payer des crises politiques aussi longues.
L’actuelle dure en effet depuis … le 7 février 1986, date du renversement de la Dictature.
Se peut-il que, comme le pensait Papa Doc, Haïti ne soit pas prête pour la Démocratie ?
Et que là, comme c’est le titre d’un film, où une ‘Tempête à Washington’ ne laisse pas la moindre égratignure, la moindre crise, pardon la moindre brise chez nous, c’est la fin du monde.
En effet, à ce jour, les Haïtiens n’ont toujours pas fait la différence entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, tous les mêmes : ‘gwo palto’, ‘chèf’, ‘pouvwa’, ni entre la fortune individuelle et l’argent public (d’où difficulté pour sensibiliser à la dilapidation des fonds Petrocaribe), tout le monde ‘se fè ti pa m’.
Cela fait longtemps, depuis environ deux cents ans qu’un auteur constatait : Haïti est née mais l’Etat haïtien n’existe pas.
Pourquoi nos crises politiques ressemblent tellement aujourd’hui encore à des démonstrations tardives de … cannibalisme.

Haïti en Marche, 25 Mai 2019