A nous l’aéroport de Miami !
MIAMI, 23 Octobre – Haïti serait-elle le seul pays au monde immunisé contre le Covid-19 ? C’est du moins ce qu’il en semble à voyager aujourd’hui entre notre pays et les Etats-Unis.
Bien que les sites internet indiquent aujourd’hui ‘0 cas’ à la mention d’Haïti, mais il faut le voir pour le croire.
Le vol American Airlines en provenance de Port-au-Prince est le seul, oui le seul, qui atterrisse vendredi à midi 45 à l’Aéroport International de Miami, je répète l’unique avion de passagers venant du monde entier.
Nous sommes les seuls, nous Haïtiens, au nombre d’un peu plus d’une centaine à nous engager sur le tapis roulant et à embarquer dans le petit train qui conduit au contrôle de l’immigration.
Nous répétons l’immense aéroport de Miami est totalement vide, totalement à nous … les passagers du vol 1181 de la American Airlines en provenance de Port-au-Prince, Haïti.
Vous rendez-vous compte de ce que je vous dis. Un aéroport où se bousculent jour et nuit plusieurs dizaines de milliers de personnes de tous les coins du monde, mais où soudain ne défile un jour qu’une poignée venant d’un seul endroit, Port-au-Prince, Haïti (West Indies), un tout petit coin de la Terre !
Cela mérite de figurer dans les livres d’Histoire. Avec bien sûr, avec hélas comme tête de chapitre : le Coronavirus.
Nous ne pouvons en croire nos yeux. Cela voudrait-il dire que Haïti est le seul pays au monde je ne dirais pas, qui ne soit frappé par l’épidémie qui a fait plus d’un million de décès dans le monde (à date 1 million 145.847, dont aux Etats-Unis seulement : 223.948 tandis que le bilan affiché pour Haïti c’est 231), oui le seul qui serait immunisé au point d’être parmi les rares pays auxquels on ne ferme pas la porte au nez alors que le monde entier, en ce même mois d’octobre 2020, est à nouveau forcé de s’enfermer à double tour, ce qu’on appelle la Deuxième Vague tant redoutée. Bref le monde entier devant fermer la porte au nez au … monde entier.
En tout cas tel n’est pas le sentiment pour nous autres qui arrivons ce vendredi 23 octobre avant 8 heures a. m. à l’aéroport de Port-au-Prince pour embarquer à bord du vol de la American Airlines en partance moins de deux heures plus tard pour Miami, Floride.
L’aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince n’a pas la foule des grands jours. Quelques passagers nous dépassent comme s’ils étaient plus pressés. C’est un vol pour Santo Domingo, capitale du pays voisin, la République dominicaine. Pas grand monde. La pandémie fait beaucoup de ravages aussi par là.
La Sunrise Airways annonce pour bientôt la reprise de ses vols vers Cuba mais ses bureaux ordinairement toujours affairés, sont encore vides ce vendredi.
Donc déjà ici à Port-au-Prince on a tout l’aéroport pour nous. D’un bond on a passé le contrôle des passagers et bagages, puis du service d’immigration et nous voici à l’étage dans la salle d’attente d’American.
Où est le test Covid ?
A l’entrée de l’aéroport de Port-au-Prince on vous fait ce qu’ils appellent un contrôle de votre température.
Espérons que ce n’est pas seulement pour la forme.
L’avion est à l’heure.
A 9 h am on commence à embarquer.
Dans le couloir est indiqué qu’il faut respecter la distanciation : 1 m 50 ou 6 pieds entre les passagers.
On commence par observer puis de plus en plus on oublie, l’insouciance haïtienne reprend ses droits. Par contre le port du masque est obligatoire et respecté. Sauf pour les enfants bien que certains parents y tiennent pour leur progéniture.
Cependant partout on vous tend de l’eau oxygénée pour les mains.
Mais aucune différence avec les embarquements ordinaires. J’entends par là que les passagers sont placés côte à côte. Carrément.
Pour une surprise !
En effet assis les uns à côté des autres, oui collés les uns aux autres.
Et pourtant pas une personne à bord, si l’on peut dire, qui tousse, ni éternue !
Vous êtes dans l’avion d’American Airlines en route pour Miami, Florida.
American n’est pas fou pour exposer la vie des plusieurs centaines de passagers qu’elle a pour mission de conduire à bon port. Safely !
Cependant pas un seul d’entre nous qui ait été testé ?
C’est donc qu’on part sur l’hypothèse que le Covid en Haïti, connais pas !
Comment est-ce possible ?
En tout cas pour commencer, dans les rues de Port-au-Prince, une ville qui abrite, croit-on, près de 3 millions d’habitants, personne qui porte un masque sinon un cas sur mille.
Cependant on ne voit jamais quelqu’un succomber, en pleine rue, d’étouffement ou ayant du mal à respirer qui est l’un des symptômes les plus connus de la maladie à sa phase ultime.
Donc passons.
Le vol se déroule sans incident, la seule différence est que rien n’est servi aux passagers, alors que c’est l’heure du petit déjeuner !
Et déjà le pilote annonce qu’on est au-dessus de l’aéroport de Miami.
On atterrit.
Sans perte de temps, sans le besoin de ‘taxi’ puisque, à la surprise générale, mais oui, on est le seul avion à rouler sur la piste. L’aéroport de Miami totalement immobile, mort, croyez-moi.
Non vous ne le croiriez pas. Tout l’immense bâtiment que vous connaissez, à nous les passagers débarquant de Port-au-Prince, pour nous tout seuls.
Pourtant tout est aussi reluisant que d’habitude. Cela doit faire un gros déficit économiquement.
Attention donc au futur prix des tickets !
Tous les interminables couloirs, si fatigants à parcourir, le tapis roulant, puis le petit train, roulant dans un sens puis dans un autre, comme un tourniquet à Disney World, pour aboutir après trois stops enfin au terminal du contrôle de l’immigration.
Mais quand on a déjà son passeport ou sa carte de résidence permanente en main pour le contrôle automatique, surprise : on est dirigé directement devant les guichets de l’immigration.
On jette un coup d’œil autour de nous : rien que nous les passagers du vol 1181 de la American en provenance de Port-au-Prince, Haïti.
En un mot, du moins pour ce vendredi 23 octobre 2020, entre midi et plus de 3 heures de l’après-midi, nous avons été les seuls visiteurs, ou plus sûrement résidents revenant d’un séjour en Haïti, à mettre les pieds dans cette fourmilière qu’a été depuis toujours le Miami International Airport.
Pas un seul passager d’aucun autre coin de la terre, ni même de l’Amérique latine, parce que c’est partout que le Coronavirus ne fait pas signe de diminuer ses ravages.
Ironie de la situation : les messages sont diffusés sur le haut-parleur de l’aéroport, y compris indiquant les précautions concernant l’épidémie, mais uniquement en anglais et en espagnol alors que toutes les oreilles à ce moment-là sont haïtiennes.
Et c’est ainsi depuis combien de temps ?
Mais surtout pendant combien de temps le seul vol débarquant à Miami sera-t-il d’Haïti ?
Quand nous autres Haïtiens en sont quand même à nous demander : à quoi devons-nous cet honneur ?
Ce n’est pas du vodou. Ni du complotisme !
En tout cas c’est pas mal de voir (un jour) nous Haïtiens, considérés depuis toujours comme les moins importants de tous, au point malgré la présence d’une importante communauté de langue créole en Floride de n’avoir dans cet immense aéroport pas une seule annonce en cette langue ni écrite ni audio, cela sonne comme une petite revanche du destin. Toujours est-il que les contrôleurs et douaniers ne semblent pas en croire leurs yeux.
Haïti est en train, mine de rien, de faire l’Histoire.
Merci Corona !
Shut, ne le dites pas trop fort.
Bien sûr.
Marcus Garcia, 23 Octobre 2020