Où se situe le mouvement des Droits Humains ?
MIAMI, 12 Février – Il fut un temps où on luttait seul, les mains nues et sans le support d’aucune X organisation de défense des droits humains.
Cela jusqu’à l’assassinat de notre confrère Gasner Raymond (1er juin 1976) par la police politique de Baby Doc et des colonels Jean Valmé et Ti Boulé …
Puis est élu un président américain, le démocrate Jimmy Carter. C’est lui qui mit à la mode le mot ‘droits humains.’
La politique de défense des droits humains.
Entendez bien, une politique !
C’est d’ailleurs bien ainsi que l’entendit la dictature de Port-au-Prince. Pas plus qu’une politique. C’est pourquoi Carter n’étant pas réélu aux présidentielles de 1980 que toute la presse dite indépendante est prestement cueillie et parachutée en exil le même mois de novembre 1980.
Mais comme toujours en Haïti on confondit la politique du dirigeant du jour avec celle du système lui-même. En effet les droits humains venaient d’entrer dans le dispositif stratégique nord-américain en lieu et place de l’arme nucléaire. C’est désormais l’arme maitresse du système dit démocratique. Nord-américain tout au moins. Celle brandie aujourd’hui encore face à Poutine, à la Chine, à l’Iran aussi etc.
Mais revenons en Haïti.
Plus encore qu’à la chute de Duvalier en 1986, ce sera surtout dans les bagages des forces armées américaines accompagnant le retour de Washington du président exilé Jean-Bertrand Aristide en 1994 que la doctrine de défense des droits humains fit son entrée triomphale en Haïti.
Qui ne se souvient de cette blague du petit voleur pris la main dans le sac et qui s’écria : ‘mennen m bay blan yo’ (conduisez moi au blanc !).
En même temps que lesdites organisations de défense des droits humains se mirent à fleurir comme champignons après la pluie.
Voire dans toutes sortes de domaines : protection de l’enfance ; droits de la femme ; droits des prisonniers ; etc. Mais tout cela, hélas, beaucoup trop comme une mode.
Le mouvement des droits humains eut probablement son heure de gloire. Sous les gouvernements Aristide, surtout dans la lutte qui aboutira au second renversement de ce dernier mais sans qu’on sache où le situer exactement ; avec moins d’impact sous le président René Préval parce que c’est principalement la Minustah (dite mission internationale de maintien de la paix) qui, partant, régnait donc principalement dans ce domaine. Puis les droits humains rebondirent sous le président Michel Martelly dont la personnalité provocatrice par elle-même, en faisait aussi le jeu …
Mais pour se renforcer tout à fait et définitivement sous la présidence Jovenel Moïse à cause des faiblesses inhérentes et du manque d’équilibre fondamental de cette dernière …
Ainsi de suite apparait, par voie de conséquence, un nouvel aspect : les droits humains se découvrant ouvertement comme un ‘instrument politique’.
Pleinement engagé dans la ‘bataille politique’.
Et rien d’autre.
Désormais il ne s’agit plus seulement d’une force réactivant au traitement des droits du citoyen par le pouvoir en place.
Mais les droits humains en eux-mêmes deviennent un pouvoir.
Pouvoir de contrebalance au pouvoir en place ?
Qui plus est comme autrefois le Vatican dans le vieux monde occidental. Distribuant compliments et coups de martinet ici et là. Dans la bonne tradition intitulée : marcher à Canossa ! En créole : ‘Bo men papa w’.
Ce sont désormais nos organisations de défense des droits humains - et non plus l’électorat, celui-ci bien sûr trop occupé à se protéger des gangs qui occupent le terrain - ni non plus les parlementaires, le parlement n’a pas été réélu et sans que cela ne dérange personne – voici donc les droits humains seuls à décider de la sanction à donner aux politiques du pouvoir en place.
A celles aussi de l’opposition. Jusqu’à finalement la disparition de cette dernière qui a définitivement trop de trous dans sa manche.
Or tout cela marche mais c’est tant que le système politique lui-même continue de fonctionner, même bon an mal an.
Or patatras, le président de la république en exercice, Jovenel Moïse, tombe sous des balles assassines, le 7 juillet 2021.
Soudain tout bascule. Mais y compris nos grandes et puissantes organisations de défense des droits humains qui, oubliant totalement leur rôle de défenseur de la veuve et de l’orphelin, se retrouvent plongées veux-veux pas la tête la première dans la politique.
Voire la politique la plus politicienne.
Mais cela ne s’arrête pas là. Le pouvoir en place, autour d’un premier ministre Dr. Ariel Henry trop nul pour jouer à ce jeu du ‘lago kache’, du faire semblant, tout cela force aussi nos champions des droits humains à des contorsions si compliquées qu’ils en perdent eux-mêmes leur équilibre.
On en veut pour preuves ces dernières prises de position où il faut condamner les forces de police qui ont abattu sans sommation les 5 agents d’un corps forestier dénommé BSAP - mais où aussi les 5 morts sont condamnés à leur tour dans la même dépêche pour avoir retourné leurs armes contre le pouvoir en place - or pouvoir en place qui est rejeté bien entendu par la population pour sa nullité face aux gangs persécuteurs. Mais cette dernière (la population) est bien obligée de se trouver un champion pour défendre sa cause.
Conclusion : situation contradictoire ou qui-pro quo qui fait le pouvoir tant honni se retrouver apparemment ou plutôt objectivement à la même enseigne que nos défenseurs des droits humains parce qu’ayant le même adversaire : Guy Philippe et le BSAP.
Où se situe notre mouvement des droits humains hier fer de lance de la lutte contre la dictature, contre toutes les dictatures (politiques, économiques, socialo-macho-maso etc), aujourd’hui dans cette véritable pétaudière ?
Certains diront que les droits humains sont pris au piège. Mais aussi à leur propre jeu. Ou pour citer encore qui vous savez : on ne peut servir à la fois deux maitres !
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 12 Février 2024