Les élections haïtiennes auront-elles un impact sur les présidentielles américaines ?
MIAMI, 14 Juin – Hillary Rodham Clinton a ouvert officiellement sa campagne aux présidentielles de 2016 lors d'un grand meeting à New York, le samedi 13 juin, où la candidate du parti Démocrate, sans rivalité à l'intérieur de son propre camp, s'est positionnée comme le champion des moins fortunés et des plus infortunés.
Ce qui lui vaut ce titre du New York Post, édition du dimanche 14 juin : 'Rodham Hood', pour Robin Hood (Robin des Bois).
Mais déjà tous font aussi référence aux frasques de son époux, l'ex-président Bill Clinton, tant au niveau de sa vie privée (affaire Monica Lewinsky pas morte) que de son peu d'état d'âme pour garnir les caisses de sa fondation, pour considérer que ce dernier risque de constituer un sérieux boulet pour la campagne de son épouse.
Et l'adversaire déjà ne s'en est point privé. En font foi de nombreux articles parus dans le Washington Post (ou sur la chaine Fox News), y compris sur l'utilisation des fonds de l'assistance post-séisme pour Haïti.
'Sustainable development' ...
Bill Clinton a co-présidé une commission chargée de guider l'utilisation de ladite assistance : plusieurs milliards de dollars. Même si l'ex-président américain n'a pas eu à gérer de ces fonds lui-même. Mais beaucoup en Haïti (ainsi qu'à l'étranger) s'obstinent à penser, que vu ses positions en faveur du tandem Martelly –Lamothe au pouvoir en Haïti (interview au Miami Herald en décembre dernier pour prendre la défense, en termes plus qu'élogieux, du premier ministre Laurent Lamothe forcé à la démission), il est possible que sa fondation ait bénéficié de certaines facilités de la part des gouvernants haïtiens. Lui-même Clinton eut à dire que la tendance politique de ses bienfaiteurs lui importe peu, ce qui compte c'est l'usage qu'il fait lui-même des fonds reçus.
Toujours est-il que tous savent, et à l'étranger mieux encore qu'en Haïti, combien le pactole post-séisme n'a rien laissé sous forme de 'sustainable development', de développement durable. En effet, Haïti n'a pas plus d'eau potable, ni plus d'énergie renouvelable, ni plus d'assainissement qu'avant le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et ses plus de 250.000 victimes. Tandis qu'un mal jusqu'ici inconnu, le cholera, fait rage.
La campagne Clinton en 1992 ...
Autant d'arguments dont les adversaires de la candidate Démocrate n'hésiteront pas à faire état. Et, via son époux, à essayer de lui en faire porter la responsabilité elle-même.
Les 'espions' des Républicains doivent donc être partout en ce moment en Haïti, faisant les poubelles.
Une fois encore, Haïti va donc revenir au sein de la campagne présidentielle américaine.
Cela commença en 1991 après le coup d'état militaire qui renversa le président élu Jean-Bertrand Aristide, 7 mois seulement après son entrée au palais national.
La diaspora haïtienne aux Etats-Unis prit dans sa majorité fait et cause contre les putschistes violateurs massifs des droits humains de Port-au-Prince.
Les présidentielles américaines arrivent l'année suivante, en novembre 1992.
Une grande campagne est menée au sein de la communauté haïtienne en faveur du candidat Démocrate. C'était Bill Clinton.
Deux années plus tard, celui-ci dépêcha une force militaire qui ramena Aristide au pouvoir en octobre 1994, 3 années presque jour pour jour après le putsch militaire, dont on a des raisons de penser qu'il avait reçu indirectement l'approbation du prédécesseur, le président Bush père.
Une disposition bipartisane ...
Depuis Washington semble plutôt s'arranger pour que désormais les événements d'Haïti (de la minuscule Haïti) ne puissent influencer le vote aux Etats-Unis.
Ou pour agir par personne interposée. Facile depuis l'introduction dans le pays d'une force internationale (Minustah ou mission de casques bleus onusiens) à la faveur des troubles politiques de 2001-2004 qui aboutiront à un second renversement d'Aristide.
Ainsi lors des présidentielles de 2011 qui amèneront à la présidence Michel Martelly, que tous, y compris lui-même, considèrent comme un homme de Washington, c'est le chef de la Minustah, le diplomate Edmond Mulet, qui fut chargé de tordre les poignets pour y arriver.
Cependant cette décision de tenir Haïti en dehors de la campagne électorale américaine (ne serait-ce que par dignité : comment la plus grande puissance du monde peut-elle en effet se laisser influencer par un nabot, situé de plus dans son arrière-cour ; passe encore la Corée du nord et les frasques de son jeune président stalinien après l'heure), oui cette nouvelle attitude semblait désormais une affaire définitive, bipartisane, c'est-à-dire adoptée aussi bien par Républicains que Démocrates.
Un amendement Marco Rubio ...
Jusqu'à cette prise de position, le mercredi 10 juin dernier, par l'un des candidats Républicains, le sénateur Marco Rubio, proposant un amendement pour bloquer l'aide américaine à Haïti si aucune décision venait à être constatée pour 'disqualifier des candidats aux élections haïtiennes pour des raisons politiques.'
Le sénateur Rubio serait l'une des dernières cordes utilisées par l'ex-premier ministre haïtien Laurent Lamothe exclu de la course aux présidentielles haïtiennes de 2015 pour absence de preuve qu'il avait fait une bonne gestion des fonds publics.
Le Sénat américain a voté récemment une loi selon laquelle il a pouvoir de revenir, tous les trois mois, sur l'aide attribuée à Haïti par les Etats-Unis.
Cependant l'initiative de Marco Rubio n'a eu aucun impact sur les événements de Port-au-Prince. Lamothe est officiellement 'out'. Le conseil électoral provisoire (CEP) a rendu publique, le jeudi 11 juin, la liste finale des candidats à la présidence. Au total : 58 candidats, dont 4 femmes (seulement).
Siffler sur la colline ...
Le candidat Républicain n'a pas eu plus de succès que le conseiller spécial pour Haïti au Département d'Etat, Thomas Adams, qui a recommandé de réduire les élections de cette année à deux séries au lieu de trois, ce qui aurait fait économiser 30 millions de dollars (dans une économie totalement anémiée).
Le président du CEP, Pierre-Louis Opont, a renvoyé les uns comme les autres siffler sur la colline.
Le conseil électoral ne prendra ses décisions qu'en vertu du décret électoral et de la Constitution en vigueur.
Cependant le Département d'Etat a pu trouver les arguments pour convaincre le président Martelly de ne pas prendre de décret pour avantager les candidats proches du palais. Dont Laurent Lamothe.
Jusqu'à présent il n'y a rien côté haïtien qui semble menacer les élections américaines. C'est Washington par contre qui, intervenant dans le processus électoral haïtien, à un niveau ou un autre, pourrait créer des circonstances capables d'avoir un effet boomerang sur la campagne présidentielle américaine.
Qui vivra verra.
Marcus – Mélodie 103.3 FM