PORT-AU-PRINCE, 19 Juillet – Un pays ne saurait être plus dépendant.
Haïti n'est pas le seul dans son cas mais difficile de trouver un autre exemple à se complaire autant dans sa situation.
Récemment tout le gratin gouvernemental était réuni à l'aéroport international de Port-au-Prince.
C'était pour l'installation de 4 nouveaux scanners à la salle d'arrivée de l'aéroport, un don du Canada.
Ces appareils étaient en service au Canada, a-t-on souligné incidemment.
Il est vrai qu'on ne sait pendant combien de temps ils peuvent continuer à marcher chez nous !
Le lendemain, même exercice à l'occasion d'un don de chariots pour le même aéroport.
Entre-temps combien de ces nouvelles SUV style Jeep, toutes neuves, blindées, pour les cortèges officiels, à avoir été commandées pour le pouvoir !
La semaine dernière, devant l'impossibilité de lancer la campagne pour les prochaines législatives (9 Août) par manque de liquidités (10 millions de dollars), voyage au siège de l'ONU, à New York, du chef du gouvernement et du président de l'organisme électoral.
Hourra, ils obtiennent des promesses de plus de 15 millions, et ladite campagne peut commencer.
Plus de 56 gourdes pour 1 dollar ...
Le gouverneur de la banque centrale est appelé à s'expliquer sur la décote accélérée de la monnaie nationale (qui perd en une année 10 points, taux officiel : plus de 56 gourdes pour 1 dollar américain).
Le gouverneur Charles Castel dit tout ce que l'institution bancaire déploie pour que la décote de la gourde ne coïncide avec une banqueroute générale. Mais que voulez-vous, le pays importe pour 4 milliards et il exporte pour à peine 500 millions (principalement en articles de sous-traitance).
Et qu'est-ce qui permet d'alléger ce déficit commercial de 3 milliards et demi l'an : le support budgétaire international (descendu à 500 millions, après avoir dépassé le milliard comme aide d'urgence au lendemain du séisme de janvier 2010) mais surtout l'aide principale à Haïti qui n'est autre que les transferts effectués par sa diaspora et d'un total de 2 milliards.
Reste toujours un déficit des finances publiques d'environ 1 milliard.
Fantaisies royales ...
C'est le même argent qui sert aussi à financer le carnaval des fleurs, et probablement aussi d'autres fantaisies royales comme les grands concerts entièrement gratuits avec des Rappeurs américains organisés par fiston Martelly.
Outre que le président Michel Martelly continue à répéter comme un disque rayé, que l'économie nationale n'avait jamais été aussi florissante. Il est vrai appuyé, cornaqué, par l'ambassadeur américain, Mme Pamela White, comme lors de sa prestation pour la fête de l'indépendance américaine le 4 Juillet dernier.
Palais de la Cour de Cassation ...
Le 14 Juillet écoulé a été inauguré le premier bâtiment qui vient faire revivre le centre-ville de la capitale depuis le tremblement de terre de 2010, le Palais de la Cour de Cassation.
Un don de la république de Chine (Taiwan) dont le président, Ma Ying-Jeou, a voyagé spécialement pour l'occasion.
Taiwan a financé et construit le bâtiment pour environ 16 millions de dollars américains.
La propagande gouvernementale a aussitôt présenté l'événement comme un succès de la politique de reconstruction nationale du chef de l'Etat ... oubliant que c'est le même pouvoir qui a confié la reconstruction de la presque totalité des bâtiments publics à un groupe appartenant à un sénateur dominicain (République Dominicaine), Felix Bautista, qui sera peu après jugé dans son pays pour corruption et détournement de fonds, laissant la grosse majorité des projets à lui confiés en Haïti inachevés, debout comme un parc de gigantesques fantômes au milieu duquel s'élève le lumineux Palais de la Cour de Cassation.
'Enbesil ki pa bay' ...
Ce n'est donc pas que Haïti soit un pays dépendant jusqu'à la moelle qui devrait choquer, mais que ses dirigeants en tirent gloriole. C'est donc qu'ils s'en foutent. Que c'est devenu une nouvelle façon pour eux de gouverner. 'Enbesil ki pa bay' (vaut mieux bien entendu ne pas traduire cette expression pour nos amis étrangers).
Et probablement rien ne va changer. A voir la ruée vers les postes (parlementaires, municipaux et celui de président de la république) et l'insouciance à la fois dans la désignation des candidats ainsi que dans leur ramage.
La dépendance à ce point totale et acceptée, peut se considérer comme une nouvelle forme d'occupation par les natifs interposés !
Haïti en Marche, 19 Juillet 2015