A Miami, le 18 Mai n’est plus ce qu’il était

MIAMI, 18 Mai – La fête du Drapeau Haïtien, le 18 Mai, qui est traditionnellement le sommet du Haitian Heritage Month (Mois de l’Héritage Haïtien) aux Etats-Unis, et en Floride tout particulièrement, a été cette année plutôt pâle.
Des ‘bands’ (groupes musicaux) attendus de Port-au-Prince, n’ont pas tous pu faire le voyage.
Par conséquent le marasme socio-politico-économique qui sévit en Haïti, est en partie responsable du manque d’ambiance ce 18 Mai dans la communauté haïtienne du Comté de Dade (Dade County) qui commémore cette date avec ferveur depuis plusieurs décennies.
Par exemple, le gouvernement haïtien qui apporte son quote-part (envoi subventionné d’artistes et d’œuvres d’art) cette année a adopté un profil bas, cela en raison de la crise politique : blocage de la ratification du nouveau gouvernement au Parlement.
Mais il y a aussi des raisons internes à la communauté haïtienne, dans ce manque de couleurs.
Qui dit communauté haïtienne signifie Little-Haiti (Petite Haïti), quartier haïtien au centre de la métropole de Miami, fondé dans les années 1980 par les premières vagues de réfugiés fuyant la misère et la violence sous la dictature Duvalier.
Little-Haïti en est venue à constituer un symbole même si ce ne sont pas les plus réussis financièrement qui y ont habité.
Mais c’est à Little-Haïti qu’on trouve une vraie petite cathédrale répondant au nom de Notre-Dame D’Haïti ; une école élémentaire portant le nom de Toussaint Louverture ; une magnifique réplique du Marché en Fer de Port-au-Prince, le Caribbean Market Place et surtout le Little-Haiti Cultural Center, le plus beau centre culturel haïtien sur toute la terre, eh oui.
Ainsi que plus de rues et d’avenues dédiées aux héros haïtiens de l’Indépendance et à nos plus éminents créateurs dans le domaine des arts et des lettres que … en Haïti même.
Or Little-Haïti déjà n’est plus ce qu’elle était.
En effet le quartier haïtien se retrouve soudain au centre de l’appétit vorace de promoteurs immobiliers qui font assaut à coups de centaines de millions.
Près des trois quarts de Little-Haiti a déjà été ‘bulldozé’, attendant les gratte-ciel qui remplaceront les petits shops haïtiens.
Tandis que la communauté haïtienne s’est éparpillée aux quatre vents, dont le plus grand nombre à North-Miami, plus au nord, etc, mais désormais perdue dans la grande masse.
Aussi manque-t-il cet effet choc que faisaient chaque année tous les stores de Little-Haïti décorés aux couleurs du drapeau haïtien bleu et rouge tandis que les voitures arborant les mêmes couleurs, défilaient en jouant du klaxon.
Allant même jusqu’à avoir le plus grand gratte-ciel du down-town Miami, illuminé bleu et rouge.
Et le maire de la ville de Miami prenant un édit spécial à cette occasion.
Mais plus rien de ce genre cette année. Rares sont les véhicules qui passent avec le bicolore haïtien.


Little-Haiti ne peut pas résister aux milliards des promoteurs immobiliers, mais est-ce que son empreinte culturelle doit aussi disparaître ?
Nous avons été visiter le bloc culturel composé surtout du Caribbean Market Place et de l’iconique Little-Haiti Cultural Center (coin 2e Avenu NE 59th Terrace).
En dehors de ces deux institutions phare, on découvre déjà aujourd’hui tout un quartier s’étendant sur plusieurs rues et continuant chaque jour à gagner du terrain, consacré uniquement à la conservation d’œuvres d’art, celles-ci produites dans le monde entier.
Les œuvres en question ne sortent de leur cache que lors de grandes expos internationales du genre du célèbre Art Basel qui se tient chaque décembre à Miami Beach.
Des artistes haïtiens y sont aussi des participants incontournables comme les peintres Edouard Duval-Carrié et Philippe Dodard, actuel directeur en Haïti de l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS).
Cependant quelle ne fut notre surprise (mauvaise et même très désagréable) de découvrir la salle d’exposition du Little-Haiti Cultural Center non seulement vide mais désaffectée, avec la mention : ‘Fermé pour rénovation’.
Or ces travaux dureraient depuis déjà plusieurs mois.
Cela en plein mois de l’Héritage Haïtien à Miami.
La seule trace d’héritage haïtien trainant aux alentours c’est une réplique de ‘tap tap’ haïtien mais qui git là comme abandonné depuis très longtemps.
Il est évident que ce qui devrait être le plus important héritage de Little-Haiti même après que le quartier aurait changé de main, c’est son Centre Culturel si bien équipé (du moins jusque-là) et l’église Notre Dame d’Haïti flambant neuve (ainsi que le Toussaint Louverture Elementary School et les avenues Henry Christophe, Alexandre Pétion, Félix Morisseau Leroy et … plus récemment Emmanuel – Manno – Charlemagne, il est vrai une initiative du maire haïtien de North-Miami, Smith Joseph).
Mais il est évident que le Little-Haïti Cultural Center, le cœur de tout l’héritage, est abandonné à des incompétents. Du moins dans le domaine haïtien de la culture.
Aussi en collaboration avec les autorités de Dade County (nous pensons au Commissionnaire Jean Monestime qui vient de dédier un Centre Communautaire à l’un des fondateurs de Little-Haïti, le défunt Père Gérard Jean Juste) et avec les services culturels de l’administration américaine (spécialement le Smithsonian, à Washington), eh bien le Ministère Haïtien de la Culture pourrait avoir ici un important rôle à jouer.

Haïti en Marche, 18 Mai 2019