MIAMI, 24 Janvier – Il était une fois une communauté haïtienne en train de prendre naissance à Miami (Floride) et où la pire crainte des mères haïtiennes était que leurs enfants ne se mettent à fréquenter ce qu’on appelait les petits ‘Haitian Bahamians.’

Ces derniers ce sont les enfants nés des Haïtiens qui avaient émigré aux Bahamas dans les années précédentes et qui ont décidé eux aussi de faire route pour les Etats-Unis, à la faveur de l’acceptation par les gouvernements de Jimmy Carter puis Ronald Reagan (années 1970-1980) d’accorder l’asile politique, puis la résidence permanente à plusieurs dizaines de milliers d’Haïtiens qui avaient bravé la mer pour fuir la dictature Duvalier.

Ce fut la création de Little-Haïti, le quartier haïtien de Miami.

Pourquoi cette peur des ‘Haitian Bahamians’ ou petits haïtiens nés aux Bahamas et établis eux aussi avec leurs parents dans la communauté haïtienne naissante à Miami ?

C’est d’après les parents venus d’Haïti, parce qu’ils n’auraient pas les mêmes mœurs que ‘nos’ enfants.

Ce sont comme on dit chez nous des ‘enfants mal élevés.’

Par conséquent qui sont susceptibles de communiquer leurs ‘mauvaises mœurs’ à nos propres enfants.

Qu’un enfant sèche ses cours au Toussaint Louverture Elementary School, la faute en est au mauvais exemple par la fréquentation des petits collègues venus des Bahamas.

Etc.

Or nos braves parents venus d’Haïti ne savaient pas si bien dire, constate-t-on en ce moment.


Qui sont en effet les ‘Haitian Bahamians’ ?
Quelle différence avec les enfants nés quant à eux en Haïti ?
D’abord les Bahamas n’accordent pas la nationalité bahamienne aux enfants des immigrants.
Donc ces enfants nés de parents haïtiens aux Bahamas, sont Haïtiens au niveau de leur état civil.
Mais c’est tout ce qu’ils ont d’Haïtien.
Leurs mœurs et habitudes sont totalement différentes.

Un comportement tout-à-fait de ‘san manman’ ...

Qui plus est, n’ayant pas été admis dans le pays où ils sont nés (les Bahamas sont le pays le plus anti-immigrant qui se puisse imaginer), ils n’appartiennent sur le plan culturel à aucun pays en particulier.
Entendez par culture : des habitudes ou moeurs acquises à la naissance. En premier lieu : rapports avec la famille, la société, la patrie.
Voilà donc ce qui a choqué tout de suite le parent venu d’Haïti. Pour un peu les petits ‘Haitian Bahamians’ seraient des ‘sans-famille’, ‘sans-patrie’, ou pire encore des ‘sans-manmans’.
Or voilà que la question rebondit aujourd’hui, du moins il semble, dans notre actualité la plus brûlante. Le comportement de nos gangs armés actuellement en Haïti rappellerait tout-à-fait ce qu’on reprochait autrefois à Little-Haiti aux petits haïtiens nés aux Bahamas ?
Un comportement tout-à-fait de ‘san manman’.
Ces jeunes lourdement armés, âgés de pas plus de trente ans, qui aujourd’hui en Haïti tuent, enlèvent, violent comme s’ils étaient dépourvus de tout sentiment humain.
Une véritable boulimie criminelle qui n’a aucun regard ni pour la souffrance des populations que leurs exactions forcent à abandonner leurs foyers pour se réfugier à tous les diables, ni pour les hôpitaux desservant les plus pauvres du pays qu’ils forcent à fermer (Médecins sans Frontières et autres), bref contrairement à ce qu’on apprenait ( ? ) depuis l’enfance chez nous : sans aucun respect pour les plus vieux, ni pour la veuve et l’orphelin.
C’est bien le cas de dire : ‘san fanmi’.
Mais pourquoi en Haïti ?
Or voilà ce qu’il se dit aujourd’hui à Miami.
Nos petits ‘Haïtians-Bahamians’ des années 1970-1980 ont grandi comme tout autre dans la communauté haïtienne de Miami dite ‘Little-Haiti’.
Certains en bien, certains en mal. Comme partout ailleurs.
Sauf que, nous dit-on, une plus grande facilité dans le milieu anglo-saxon fait qu’il serait plus nombreux parmi ceux qui ont mal tourné.
Mais quel rapport avec ce que nous vivons actuellement en Haïti ?
On y arrive.
Car pourquoi avoir laissé une riche métropole comme l’est aujourd’hui Miami, Floride pour Haïti, un pays pauvre et totalement inconnu ?

Sans famille, sans patrie, sans attaches culturelles avec le milieu local ...

Réponse : Cette forte influence des ‘Haitians-Bahamians’ qu’on croit percevoir aujourd’hui en Haïti serait la conséquence des déportations opérées, massivement, par le département américain de la justice.
C’est là qu’intervient le gouvernement américain dans cette équation mortelle.
Même né aux Bahamas, mais n’ayant pas la nationalité bahamienne, tout membre de ce groupe qui contrevient aux lois aux Etats-Unis, est condamné … or la pire punition ce n’est pas la prison que la déportation …
Et où ?
En Haïti.
Puisque c’est leur nationalité. Leur état civil.
Or les gouvernements haïtiens non seulement l’acceptent. Mais ils ont signé des accords et conventions à ce sujet. Et qui plus est, ils reçoivent probablement des aides financières et autres appuis.
Par conséquent ce sont nos gouvernements qui sont encore la cause de l’enfer que nous subissons aujourd’hui.
Sans aucune pitié. Et sans aucune perspective d’amélioration à l’horizon. Du moins dans l’immédiat.
Mais bien sûr c’est d’abord le gouvernement des Etats-Unis qui n’hésite pas à vider ses poubelles par-dessus nos têtes.
On dit aussi les gouvernements canadien et autres.
D’où cette perception absolument sans précédent chez les gangs armés qui règnent en maitres actuellement en Haïti : sans famille, sans patrie, sans attaches culturelles avec le milieu local.
D’autre part leurs attaches dans la communauté haïtienne de Miami facilitent plutôt la transformation que l’on constate également aujourd’hui d’une Little-Haiti qui sert de base-arrière aux pires exactions qui se commettent en Haïti … Et cela jusqu’à l’assassinat du président de la république Jovenel Moïse qui aurait été conçu dans tous ses aspects, en Floride.
Bien entendu ceci étant dit, la piste ‘Haitian Bahamian’ n’est pas la seule explication au drame que nous traversons.
Mais c’en est une.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 24 Janvier 2022