PORT-AU-PRINCE, 8 Février – La journée des dupes, c’est une page bien connue de l’Histoire de France. Alors que tout le monde donne le Cardinal de Richelieu comme ayant perdu la confiance du roi, retournement total de la situation, Louis XIII reconfirme son premier ministre ou premier de ses ministres et envoie la reine mère, son encombrante mère, Marie de Médicis, en exil.
Un peu comme Baby Doc qui pour pouvoir se marier, devait sortir aussi des jupes de sa maman.
Or c’est tout à fait ce que nous venons de vivre ce 7 février 2022. C’est mot pour mot : tel est pris qui croyait prendre ou … une autre journée des dupes !
Alors que tous les médias, surtout sociaux, donnaient le premier ministre de facto Dr. Ariel Henry pour être renvoyé à son cabinet médical, conclusion : la capitale haïtienne n’avait jamais été depuis longtemps aussi tranquille.
‘Frèt kou nen chen.’
On a dû passer la journée au téléphone à répondre : Non, Point du tout ; Non le Champ de Mars n’est pas en train de brûler ; non le cadavre de Joseph Félix Badio n’est pas trainé dans les rues …
Badio est le plus célèbre des présumés assassins du président Jovenel Moïse, et le premier ministre Ariel Henry est donné - surtout dans la presse américaine (New York Times, CNN) pour être l’un de ses plus proches.
Mais alors qu’on nous avait promis l’enfer sur terre si Ariel Henry ne faisait ses bagages pour se réfugier dans l’une des ambassades du Core Group (autre appellation pour la communauté internationale), Doc Henry (aucune référence à Papa Doc !) n’a pas dit dans sa déclaration solennelle en fin de journée du 7 février 2022 : ‘nou kanpe rèd kou yon ke makak’, mais c’est tout comme.
Plus calme que jamais, il a repris ce qui est devenu son credo : Pas de président au palais présidentiel s’il n’a été élu !
Et élu - en tout cas ajoute-t-il toujours : dans des élections populaires et démocratiques ( ? ).
Cela dit du ton le plus assuré, surtout qu’en face il n’y avait rien. Le 7 février 2022, Port-au-Prince n’avait jamais été aussi ‘cool’ parce que aussi, de peur des violences annoncées sur les réseaux et par nos champions du ‘conspirationnisme’, tout était chômé de force : école, business, bureaux publics etc.
Partant faut-il déclarer Ariel vainqueur ?
Doucement !
En effet ce n’est pas à l’expression journée des dupes que nous devrions faire référence que plutôt à celle dite : ‘deus ex-machina’.
Dans la littérature grecque, dans la grande tragédie classique, c’est lorsque le scénario est totalement coincé, qu’on ne sait pas quel va être le dénouement, mais parvenu au top du suspense, comme la journée écoulée du 7 février 2022 … soudain un nouvel événement survient, totalement inattendu, et qui met fin à tout ça. Et … tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli !
Ce fut le cas ce 7 février 2022. Une sacrée date ! Un événement sans événements !
Cependant reste une question primordiale : qui est ce deus ex-machina ?
Qui est donc cet élément surgissant de nulle part, et qui mit les plaideurs d’accord si facilement ?
En effet, bizarrement le camp anti-Ariel ne pipait mot jusqu’au lendemain de cette journée si spéciale. Puis, le moment de surprise passé, la machine s’est remise en marche. Oui comme une machine.
Mais revenons à la question clé : qui est donc ce deus ex machina, cet intervenant totalement inattendu, venu de nulle part, et qui solutionna comme dit le créole ‘sans bruit sans compte’ ce qu’on avait annoncé comme l’une des dates les plus turbulentes de l’histoire de notre pays ?
Puis surtout pour disparaitre aussi mystérieusement qu’il était venu !
Nous ne saurions y répondre puisque c’est ça le deus ex machina, une créature tombée du ciel, venue de nulle part.
Mais conclusion : c’est donc que tout ce que nous vivons aujourd’hui, depuis plusieurs mois, voire déjà quelques années, c’est donc que tout cela peut prendre fin aussi subitement que les événements qui avaient été prévus pour le 7 février 2022, c’est donc que derrière tout ce que nous vivons et des plus terribles (kidnappings, assassinats etc) il y a, il y aurait un metteur en scène, et qui peut décider en un clin d’œil, comme le 7 février 2022, de changer totalement de scénario.
Comme dit le créole, c’est donc que, contrairement à ce qu’on croit : ‘peyi a gen mèt.’ ‘Peyi a gen mèt li.’
Ou encore, nous sommes en liberté surveillée.
Et liberté, même pas.
Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince