Le coup de tête de François Hollande à Kinshasa
PORT-AU-PRINCE, 13 Octobre – Est-ce que François Hollande n’est pas allé trop loin à Kinshasa (République démocratique du Congo) où se tenait ce dernier week-end le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie ? Jusqu’à ne pas applaudir le discours d’ouverture du président de la république, Joseph Kabila (dépêche Reuters)…
Les raisons du coup de tête du président français sont multiples. La victoire de Kabila aux présidentielles de novembre 2011 n’aurait pas été régulière. Le candidat malheureux, Etienne Tshisekedi, a été reçu pendant environ une vingtaine de minutes par Hollande à la Résidence de France.
Le président français a aussi inauguré une plaque en l’honneur d’un militant des droits de l’homme congolais, Floribert Chebeya, assassiné en juin 2010.
Avec Joseph Kabila on rapporte que François Hollande a eu un entretien ‘franc et direct’ au palais présidentiel de Kinshasa, à la suite duquel il a qualifié à nouveau d’’intenable’ la situation des libertés en RDC.
‘Je l’ai dit, nous sommes dans une démocratie où le processus n’a pas encore été complet (…). Il y a encore des réalités inacceptables.’
Mais l’attitude plutôt cavalière du président français a d’autres causes. Alors que Joseph Kabila était sous pression après les présidentielles controversées du 28 novembre 2011, Washington a rompu avec le chœur des critiques et a reconnu sa victoire.
Tout en souhaitant un gouvernement ‘inclusif’, l’ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa déclarait : ‘La position des Etats-Unis est claire : nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les 5 prochaines années.’
Alors que de son côté, la France espérait peut-être une évolution de la situation vers ce qui, pour des raisons semblables, a entrainé en Côte d’Ivoire la chute de Laurent Gbagbo et l’arrivée au pouvoir du protégé de Paris, Alassane Ouattara.
Sur ce, on commence à parler d’un accord secret entre les Etats-Unis, Kabila et le président du Rwanda, Paul Kagame, dont l’armée occupe l’est de la République démocratique du Congo.
Kagame est un proche des Etats-Unis. Au point qu’il a décidé d’écarter le français comme langue officielle au Rwanda pour le remplacer par l’anglo-américain.
Kabila serait-il tenté de glisser aussi dans la mouvance américaine ?
La compétition est très forte aujourd’hui entre les puissances industrielles pour le partage des ressources naturelles de l’Afrique.
En tête la Chine et les Etats-Unis. Le président Barak Obama a proclamé l’Afrique le continent de l’avenir et la secrétaire d’Etat Hillary Clinton y a accompli récemment une tournée très remarquée où elle n’a pas hésité à accuser Pékin de n’en vouloir qu’aux richesses matérielles sans un regard pour les libertés démocratiques et les droits de la personne.
Mais François Hollande a aussi des raisons de politique interne. La cote du président et du premier ministre français continue à baisser à cause de la crise économique et plus récemment de la menace terroriste.
Voici donc Hollande qui prend des airs de Sarkozy, son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui a conduit la stratégie ayant abouti, pour cause d’élections non démocratiques, au renversement en Côte d’ivoire de Laurent Gbagbo pour le remplacer par Ouattara, un fidèle de la France.
On connaît aussi le rôle qui fut joué par Paris aboutissant au bombardement par des avions de l’Alliance atlantique (OTAN) des troupes du chef d’Etat libyen Mouammar Kadhafi. Et en dernière heure, la balle dans la tête qui a mis fin aux jours de Kadhafi aurait été tirée par un agent des renseignements français placé dans les rangs des rebelles.
Enfin la mauvaise humeur de François Hollande peut s’expliquer aussi que la France ne joue plus le même rôle qu’autrefois dans la Francophonie - la France de André Malraux et du sénégalais Léopold Sedar Senghor.
Au dernier sommet qui s’est tenu à Québec, il s’est révélé que si, comme le souligne François Hollande, ‘c’est en français que les révolutionnaires de 1789 ont proclamé et écrit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen’, la langue française n’est plus un monopole de la France (en 2050, 80% des francophones vivront en Afrique) et donc celle-ci ne peut pas l’utiliser non plus aujourd’hui comme un instrument d’ingérence.
Marcus-Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince