La Traite et la Dette !
PARIS, 17 Octobre – On est le 17 octobre, anniversaire de la mort par assassinat du fondateur de l’indépendance d’Haïti, le futur empereur Jean Jacques Dessalines.
Ces jours derniers ont circulé sur l’Internet de prétendus documents attribués aux principaux chefs de la conjuration qui a emporté le premier chef d’Etat de la première république noire du monde et où les généraux Alexandre Pétion et Etienne Gérin (deux mulâtres anciens libres) laissent éclater leur haine contre leur empereur et ancien général en chef de la guerre de l’indépendance (l’équivalent d’un George Washington !). Le premier écrivant même à Mme Dessalines comment avez-vous pu épouser un tel monstre ?
Monstre c’est ce que pensait la France de Bonaparte, de Louis XVIII et Charles X de celui qui avait ordonné le massacre des colons français restés dans l’ancienne Saint Domingue au lendemain du 1er Janvier 1804 (à l’exception de ceux qui pouvaient être ‘utiles’ à la nouvelle république).
Les assassins de Dessalines étaient donc implicitement de mèche avec l’ancien colonisateur.
La Dette de l’indépendance…
Quelques années plus tard les nouveaux dirigeants d’Haïti acceptent en effet de verser une indemnité de 150 millions de francs or à la France en échange que celle-ci cessera de menacer la petite république.
Renégociée en 1838, cette somme sera réduite à 90 millions.
C’est ce que nous appelons depuis la Dette de l’indépendance et qui pèsera tellement sur le développement de notre pays qu’on n’achèvera de la payer que près d’un siècle et demi plus tard.
Finalement il y a une semaine, lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa (République démocratique du Congo), le premier ministre français Jean Marc Ayrault a laissé croire que la France pourrait accorder des réparations pour les dommages occasionnés par la Traite. Même quand (dixit) ce ne serait pas sous une forme financière.
25% morts pendant la traversée…
On appelle la Traite le déplacement forcé de plusieurs millions d’individus du continent africain vers le Nouveau Monde (9 millions de transplantés en Amérique) sur un total d’environ 112 millions de victimes, dont 25% morts pendant la traversée sur lesdits vaisseaux Négriers.
La plus grande délocalisation de l’Histoire de l’Humanité, pour employer un terme à la mode. Et aussi le dépeuplement brutal d’un continent, ce qui peut expliquer entre autres son immense retard par rapport au reste de la terre.
Est-ce que le chef du gouvernement français sait réellement de quoi il parle ou est-ce une simple politesse diplomatique ?
Avant d’atteindre Kinshasa, le président François Hollande s’arrêtait au Sénégal, pays politiquement proche de la France et qui abrite la tristement célèbre Ile de Gorée qui était la dernière étape avant l’embarquement.
Le commerce de leurs propres frères…
Mais c’est quoi la Traite. Des chiffres existent. Plus ou moins approximatifs. Mais les principales victimes, les contrées d’Afrique, n’en parlent presque pas. Peut-être parce que des chefs africains eux-mêmes ont fait le commerce de leurs propres frères. Prisonniers de guerre. Ou kidnappés et vendus par des peuples voisins. Il est donc plus conflictuel d’évoquer la Traite dans les pays qui ont été saignés à blanc par le phénomène que dans l’un des pays qui l’ont organisée et utilisée pour devenir l’un des plus puissants de l’Europe du 17e et du 18e siècle : la France.
A titre d’indication la presse française n’a pas fait grand cas des propos du premier ministre Ayrault.
Peut-on dédommager tout un peuple?…
Quant à l’esclavage, il est mieux documenté et des études n’en finissent pas de paraitre dans des pays où il a sévi dans notre continent : Etats-Unis, Brésil …
Il existe des villes ou quartiers ou même Etats abritant spécialement des noirs dans ces pays (Nouvelle Orléans, Salvador de Bahia) mais contrairement aux autochtones (les dénommés indiens qui peuplaient le futur Nouveau Monde d’avant la Découverte de 1492), il n’existe pas de ‘réserves’ ou territoires placés sous l’administration directe ou autonome d’aucune minorité afro-américaine dans notre continent. Nous pouvons nous tromper, bien sûr…
Par contre peut-on dédommager tout un peuple dirigeant son pays en pleine souveraineté ?
Comme l’Allemagne versant une aide spéciale à Israël pour tenter de se faire pardonner les crimes du nazisme.
Documentée et chiffrable…
Par contre la Dette de l’indépendance est documentée et chiffrable. C’est autre chose que la Traite dont les ‘ayant droit’ peuvent être difficiles sinon impossibles à identifier.
D’autre part des familles françaises se sont enrichies grâce à la Dette.
En plus des villes françaises qui ont bâti leur fortune sur la prospérité de Saint-Domingue.
Voilà pourquoi l’évocation de la Dette de l’indépendance n’est pas de nature à avoir autant de succès chez les dirigeants de la France. Aujourd’hui comme hier …
Haïti en Marche, 17 Octobre 2012