Conseil pour un expatrié tenté par le retour

MIAMI, 25 Octobre – La tendance actuelle est à faire revenir les expatriés pour mettre leurs compétences au service du pays natal.
Très bien.
Ces derniers peuvent se laisser tenter d’autant qu’un amendement Constitutionnel récemment publié dans le journal officiel accepte désormais la multiple nationalité.
On peut être américain, français, canadien, allemand ou autre et rester pas moins haïtien.


Mais haïtien jusqu’à quel point ?
Précisons tout de suite que la question ne s’adresse pas au plan politique ni électoral ni constitutionnel ou autre. Il s’agirait plutôt d’une réflexion d’ordre personnel ?
Et cela dû à la différence entre ce que représente d’un côté ce que vous laissez et de l’autre ce qui vous attend, l’extérieur plus ou moins certain et l’intérieur incertain, les deux plateaux de la balance.
Peut-on se livrer corps et âme à un pays qui n’a d’abord à vous offrir que ses difficultés ; et jusqu’à quel point sacrifier, comme disait l’autre, son ‘petit confort viennois’ ! Même quand aujourd’hui ce dernier peut laisser aussi à désirer.  

Venir mettre ses compétences au service de son pays, en l’occurrence Haïti, suppose une décision importante. Pour ne pas dire : courageuse.
    Ce n’est pas comme au lendemain de la chute de la dictature trentenaire des Duvalier en 1986 où l’on estimait son retour au pays natal comme un must. Un devoir patriotique. Avec un grand P.
    Beaucoup d’eau a coulé …
    Et le pays ne s’est pas amélioré. Sur aucun plan …
    Et n’y voyez pas le vieil égoïsme de ceux du dedans contre ceux du dehors …
    Car nous sommes tous aujourd’hui à la fois du dedans et du dehors. Il y en a beaucoup plus à l’intérieur qui ne pensent qu’à foutre le camp qu’il y en ait à l’extérieur à avoir peur de rentrer.
    La question c’est comment être vraiment utile ?
    Qu’on soit ici, là ou là-bas ?
    Et en même temps sans complexe.
    Et elle (la question) mérite d’être posée chacun à soi-même, chacun en soi, si l’on se sent tenté par l’expérience. Sans tambour ni trompettes. Il n’y a plus d’opération retour comme on disait en ces temps-là. Plus de gloriole. Plus de salut camarades !
    Mais d’un autre côté tout est aujourd’hui plus facile car il y a aussi un avantage au nivellement par le bas provoqué par la généralisation de la pauvreté, personne ne vous demande de revenir dans une Rolls Royce ni de faire la descente dans une villa 5 étoiles. Ici désormais on fait avec. N’est-ce pas.
    Aussi question, êtes-vous prêt à faire avec ?
    Etes-vous prêt à vaincre la nostalgie du ‘confort viennois’ ?
    Mais ce n’est pas encore ça.
Vous sentez-vous capable de ce supplément d’effort, qui va au-delà de l’accomplissement  consciencieux de son devoir professionnel (ce que tout cadre étranger peut satisfaire), et qu’on pourrait appeler un engagement…
Voilà.
C’est cet engagement, si tant est qu’il est véritable, qui vous aidera à survivre.
C’est à la fois lui qui vous permettra d’apporter votre pierre, en toutes circonstances, et celles-ci ne manqueront pas …
Mais aussi de tenir bon, de ne pas flancher. Bref de ne pas rater votre retour.
Mais plutôt que le mot engagement qui n’est plus à la mode, avec sa vieille consonance idéologique, nous dirons allégeance.
Les Etats-Unis considèrent qu’un citoyen américain, puisse-t-il aller vivre sur Mars ou Jupiter, ne perdra jamais son allégeance.
En un mot comme en cent, peut-on accepter de revenir comme Haïtien se mettre au service de son pays natal, cela librement sans que personne ne vous y oblige - et en même temps considérer Haïti comme une simple factory où accomplir la tâche quotidienne sans rien de plus …
Dans ce cas vous allez commettre deux erreurs : ce n’est pas ainsi que vous pouvez contribuer au relèvement que vous souhaitez, la tâche va au-delà du simple aspect ‘tâcheron’ (professionnel) parce qu’il y a trop d’imprévus…
Ensuite vous n’allez pas pouvoir vous accomplir. Et vous en sortirez meurtri !

Marcus - Haïti en Marche, 25 Octobre 2012