MIAMI, 1er Juin – Le Covid se déchaine en Haïti. Cela depuis quelques trois semaines. Chaque jour des gens meurent. On n’en parle pas. Pas assez. Dans les médias, dits justement traditionnels. Par contre téléphones et réseaux sociaux ne chôment pas. On apprend des morts. Des gens qui la veille se portaient comme une fleur. A l’exemple du directeur général de l’ONA (office national d’assurance vieillesse), Chesnel Pierre, qu’on montre trois jours plus tôt dansant avec sa mère si fière du succès de son fils, avec peut-être un peu trop d’embonpoint, ce qui a peut-être précipité la fatalité, ce variant qui frappe en Haïti (anglais ou brésilien on ne sait) étant plus impitoyable, apprend-on, que le Covid-19 lui-même.
Tel a été aussi le sort de Patrick Pompilus, le mal ne fait pas non plus bon ménage avec le diabète. Comme aussi de notre ami Jacques Antoine (d.j. Gwo Lobo), enlevé à son épouse Lionise et ses enfants.
En même temps nombreux, oui nombreux sont ceux qui s’embarquent, ou essaient car peu sont ceux qui y arrivent, pour aller chercher ailleurs du secours.
Et c’est là le hic. C’est là qu’on constate qu’on est prisonnier. Faits comme un rat dans notre morceau d’île. On pense immanquablement à La Fontaine : ‘Les animaux malades de la peste.’
Un mal que ce n’est pas le ciel dans sa fureur mais notre négligence, inventa pour nous punir. En effet plus que partout ailleurs nous voici prisonniers sur nous-mêmes. Prisonniers d’un virus, pardon d’un variant qui nous détruit chaque jour plus vite. Et nulle part où se cacher.
Malgré tout, contrairement à partout ailleurs Haïti est le pays où l’on consacre le moins d’attention apparemment, le moins de grands titres à ce fléau. Presque pas mentionné dans ces derniers consacrés presqu’uniquement à la politique. On chuchote à peine (« tu as entendu ? ») dans l’élite. Dans le peuple, c’est carrément le déni. On dit ‘bagay la.’ Il s’ensuit donc que c’est le variant qui est le seul gagnant.


On s’étonne que des gens en ayant les moyens ne s’envolent pas vers d’autres cieux parce que, ironiquement, les vaccins qui nous sauveraient, ailleurs en ce moment sont facilement à portée. A Miami Beach, nouvelle mode, cela s’appelle le tourisme vaccinal. Et c’est ‘gratis ti cheri’.
Mais voilà, pour être admis par les lignes aériennes à Port-au-Prince il faut avoir une attestation de test négatif. Par conséquent interdit à ceux-là mêmes qui en ont le plus besoin si vous êtes déjà contaminés.
A moins d’avoir les moyens financiers pour faire venir un avion-ambulance. On compte sur les doigts d’une seule main ceux qui l’ont pu, ces derniers jours. Bien entendu chut, faut citer aucun nom. Secret de Polichinelle. Bien sûr. A l’haïtienne.
Voici donc comment, à force de vieux préjugés, un peuple, toutes classes sociales confondues, est en train de se condamner par lui-même.
Parce que, pendant que nos hôpitaux sont débordés, manquant aussi bien de personnel que de matériels, obligés d’envoyer les malades se soigner, se ré-oxygéner à domicile, ce qui se fait déjà difficilement même dans les hôpitaux les mieux équipés du monde ; ou encore qu’on se précipite, du moins ceux qui le peuvent, dans le pays voisin, la République dominicaine, qui a eu le temps de se mettre à la hauteur des circonstances parce que ayant été frappé le premier …
Eh bien chez nous, malgré tout ça, malgré qu’on meure aux quatre coins du pays, eh bien business as usual.
On s’entasse les uns sur les autres dans les tap-taps (transports en commun) ou à quatre sur une moto, et bien entendu sans masque.
Le gouvernement a d’autres chats à fouetter. Il a déjà vidé toute la caisse publique dans un seul objectif : imposer son référendum pour une nouvelle constitution fixé au 27 juin.
Jovenel Moïse c’est Caligula qui joue du violon pendant que Rome brûle.
Il a annoncé que le vaccin arrivera bientôt. Sans fixer de date ni quel vaccin. De toute évidence c’est encore de la propagande. Plus Caligula que ça, tu meurs !
Tandis que ailleurs on lit que pour le moment seul le vaccin qui peut faire barrage au virus et à ses variants qui frappent et tuent encore plus vite comme vous voyez que le Covid-19 originel. Encore faut-il que les trois quarts de la population soient vaccinés pour qu’on puisse espérer un break.
En Haïti on a annoncé la formation d’une nouvelle commission scientifique devant cette sauvage remontée du virus mais cette fois personne semble-t-il qui se manifeste. En effet le pouvoir annonce une commission dès qu’il se trouve devant un problème mais c’est toujours une façon de contourner ce dernier puis business as usual. Mais bien du business !
Pour finir, devant une question aussi grave, de vie ou de mort, c’est la confusion la plus totale. Même le président qui a dit : vaccin pour ceux qui acceptent !
En espérant donc que personne ne lui en voudra si le vaccin ne vient pas. Puisque la population est divisée elle aussi à ce sujet.
Nous sommes probablement le seul pays où un gouvernement peut à ce point éviter (éluder) ses responsabilités. Mais ne sommes-nous pas aussi le pays des proverbes comme ‘chak koukou klere pou tou je l’, ‘pye sa m manje m pa ba w’, ‘degaje pa peche’ etc.
Après avoir agité un arrêté de couvre-feu d’une semaine, la bande à Jovenel est retournée à son dada : le référendum du 27 juin.
Pendant que dans le pays les gens enterrent leurs morts par coronavirus comme n’importe quel autre : en faisant une veillée funèbre de plusieurs jours.
Seul en profite le virus, pardon le variant pour se répandre encore plus vite et plus facilement que partout ailleurs.
On a l’habitude de croire que Haïti est un pays chanceux. Mais est-ce que cette fois la chance n’en a pas marre et plus envie de nous foutre son pied au derrière ?

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince