A la recherche d'une troisième voie
MEYER, 26 Juillet – Un pas en avant, un pas en arrière. On n'en sort pas. No way out. Le pouvoir ne peut bouger. Ni l'opposition. L'international hésite.
Le Conseil électoral est au complet. 9 membres sur 9. Mais il semble en train de défaire tout ce qui avait été fait sous l'influence du pouvoir. Du moins quand c'est un choix de l'exécutif qui le présidait. Ce n'est plus le cas. Le processus électoral est en voie de révision. Le pouvoir est forcé aussi de reconsidérer ses cartes.
Vous pensez que l'opposition est satisfaite. C'est oublier qu'elle est multiple. Trop. Entre ceux qui apprécient les changements entrepris au conseil électoral pour accepter de prendre le train en y apportant des correctifs au fur et à mesure, un travail d'épuration progressif et déjà en cours ; ceux qui veulent au contraire continuer à multiplier les obstacles (comme les partisans obstinés de l'application de l'article 289 de la Constitution pour la formation du Conseil électoral provisoire, autrement dit rejetant entièrement celui en fonction) - et pour finir ceux qui ne veulent rien entendre à des élections sous le pouvoir actuel dont le départ immédiat est la seule chose qui puisse les satisfaire.
Et chacun de ces trois groupes trouve de l'écho dans le public.
Autrement dit ce dernier lui non plus n'est pas bien avancé puisque dans l'incapacité aujourd'hui de faire un choix, de voir clair dans la situation.
Des signaux pour le moins équivoques ...
Ainsi les politiques ne sont pas les seuls à hésiter devant les élections. L'électeur l'est tout autant.
Quant à l'international qui multiplie gestes (financement et logistique) et signaux pour le moins équivoques (en effet mélangeant dans un même élan profession de foi démocratique et coups de chapeau au pouvoir en place), lui aussi paraît hésiter, semble calculer jusqu'où on peut aller trop loin. D'un autre côté, étonné de la résilience (mais tantôt résistance, tantôt mauvaise foi) de l'Haïtien, dans ce domaine aussi.
L'Organisation des Etats américains (OEA), après s'être entendu avec le président Michel Martelly lors d'une visite de ce dernier à Washington, n'a pas encore donné suite à l'envoi annoncé d'une commission exploratoire.
Est-ce la fin d'une certaine lune de miel ? ...
Mais le pouvoir est celui qui semble le plus perdre du terrain dans cette nouvelle conjoncture. Du fait des difficultés économiques qui font rage actuellement. Et touchant de plein fouet le citoyen, pardon l'électeur dont le pouvoir d'achat est parti en fumée.
Ce qui peut amener l'international, prenant acte de cet échec, à diminuer le potentiel de crédit qu'il semblait faire jusqu'ici à l'exécutif.
Présager la fin d'une certaine lune de miel ? Mais n'allons pas trop vite en besogne.
Surtout que l'opposition est trop diverse dans son approche, pour en tirer éventuellement parti. De plus il n'y a pas de 'têtes' qui s'en dégagent. D'ailleurs serait-ce le cas que celles-ci n'iraient pas bien loin car cet émiettement, cette banalisation absolue n'est pas un effet du hasard mais la caractéristique principale d'un système bâti uniquement sur le chacun pour soi, l'individualisme forcené (mais qui ne concerne pas aujourd'hui que la classe politique !) et l'ignorance totale des responsabilités de la res publica.
Pouvoir pour rire ...
D'où le peu d'effet provoqué par le rappel à l'ordre combien martelé que les élections avant la fin de l'année (législatives et communales) sont un must, un sine qua non sinon la Nation tombera dans le chaos. A commencer par l'attribution des pleins pouvoirs au chef de l'Etat. Un qui est plus préoccupé par la tenue de 'son' carnaval des fleurs que par le dialogue si utile en pareil contexte. Le Président multiplie au contraire les sujets conflictuels. Plus récemment avec le secteur du football national.
Malgré tout, cette perspective, quelque menaçante qu'elle puisse paraître, n'est pas vraiment prise au sérieux.
Le pouvoir aujourd'hui en Haïti s'étant tellement déconsidéré.
Pouvoir pour rire ... et aussi pour pleurer !
D'où viendra le nouveau deus ex machina ? ...
Dans une telle situation, où tous les acteurs sont bloqués sur place, y compris l'international, la seule solution est une nouvelle carte. Une troisième voie. Un deux ex machina. Au sens propre.
Pendant longtemps c'était la société civile. Mais celle-ci s'est tellement investie par le passé sans résultat probant, qu'il lui sera difficile de retrouver une totale sainteté.
Evidemment il n'existe plus, comme autrefois, le balancier inévitable, nos fameuses FAD'H (Forces armées d'Haïti) qui ne refuseraient jamais une occasion aussi inespérée pour un coup d'Etat. Mais pour se complaire plutôt dans les massacres et violations des droits humains.
Enfin l'OEA, intervenue si souvent et de façon si peu cavalière dans nos affaires (la dernière fois en 2011, pour consacrer l'élection de Michel Martelly), qu'elle semble se faire un peu plus prudente aujourd'hui.
Bref, d'où viendra le nouveau deus ex machina ? Comme dans la légende, nul ne peut encore le dire.
Haïti en Marche, 26 Juillet 2014