MEYER, 19 Juillet – Le Secrétaire général de l’ONU prend la défense des Dominicains d’ascendance haïtienne menacés d’apatridie - de se retrouver sans nationalité à cause des préjugés anti-haïtiens d’une partie de la classe politique dominicaine actuellement au pouvoir.
Prenant la parole devant les deux chambres du Parlement dominicain, le mercredi 16 juillet écoulé, Ban Ki-moon a trouvé des mots très corrects pour demander que les victimes de l’arrêt (168-13) de la Cour constitutionnelle dominicaine soient rétablis dans leur droit à la nationalité du pays où ils ont pris naissance et qu’ils ont toujours considéré comme leur.
Appelant les parlementaires à trouver une ‘solution humanitaire’, dans un contexte où cette question soulève beaucoup d’émotion dans la république voisine, le numéro 1 des Nations Unies reconnaît que ‘ce ne sera pas facile. Cela requiert un compromis et des consultations difficiles. Je fais appel à votre compassion comme êtres humains et comme leaders de ce pays.’
Nationalité au plus offrant …
D’autre part, le Secrétaire général de l’ONU a mis en garde les autorités dominicaines contre ce qu’il appelle ‘la privatisation de la nationalité.’ Privatiser ou offrir au plus offrant. Au meilleur prix. Alors que dans l’optique de l’ONU, la nationalité se rattacherait aussi au concept des droits humains.
Peu de réactions positives semblent avoir été enregistrées du côté des parlementaires dominicains (à en croire le compte-rendu de Associated Press, repris dans le New York Times) :
Pour Vinicio Castillo (ultra-droite), le discours de Ban Ki-moon n’est que de ‘l’interférence’ dans les affaires d’un pays souverain.
Reinaldo Pared, président du Sénat, considère que le gouvernement dominicain est en train d’essayer de résoudre ‘un sérieux problème d’immigration.’
« Ce n’est pas vrai que nous faisons de la discrimination contre les Haïtiens à cause de leur race ou de leur couleur, ni à cause de questions de nationalités … ».
Il ajoute que les Nations Unies devraient au contraire aider à augmenter la sécurité à la frontière entre Haïti et la République dominicaine.
La veille, le Secrétaire général de l’ONU avait rencontré le président Danilo Medina. Il s’est entretenu aussi avec des officiels onusiens qui l’ont probablement renseigné sur le dossier.
Sa tournée avait débuté en Haïti, les lundi et mardi 14 et 15 juillet, où il a lancé, écrit Associated Press, un programme pour aider à améliorer la sanitation (assainissement) et combattre ainsi le choléra.
Les casques bleus de la mission de maintien de la paix de l’OUN en Haïti (Minustah) sont accusés d’avoir introduit le terrible mal dans un pays où il avait disparu depuis au moins 100 ans.
Santo Domingo est-il menacé pour autant ? …
Le message du Secrétaire général tire son importance qu’il est prononcé par le numéro 1 des Nations Unies. Et donc, en principe, au nom de tous les pays membres de cette organisation.
Si Santo Domingo décidait de faire la sourde oreille, cela le mettrait-il automatiquement au ban des Nations?
La question est d’autant plus importante que d’autres (et non des moindres) s’exprimant (récemment) sur le même sujet n’ont eu que des félicitations pour le président dominicain Danilo Medina.
En effet le président Medina a promulgué le mois dernier une loi qui recommande de reconsidérer tous les cas de Dominicains d’ascendance étrangère frappés par l’arrêt 168-13, et qu’on estime à plus de deux cent mille ; cependant une analyse plus pointue montre que la majorité des descendants d’Haïtiens concernés seraient rejetés de la citoyenneté dominicaine malgré la loi Medina.
Or le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, en visite à Santo Domingo, en a félicité le président dominicain.
Mais, que disons-nous, le président haïtien Michel Joseph Martelly, lui aussi, a fait de même.
On ne peut être plus royaliste que le roi, doivent penser les officiels dominicains.
Retour au temps de la Guerre froide ! …
La République dominicaine a donc plein de motifs pour ne pas craindre de tomber sous le statut de Etat hors-la-loi.
D’ailleurs aujourd’hui c’est courant de commettre des actes jugés quasi génocidaires, sans encourir la foudre des grandes puissances.
Il suffit de se trouver du bon côté de la barricade.
Oui, comme au temps de la Guerre froide !
Israël envahit la bande de Gaza à la poursuite de ses ennemis du Hamas. Le bilan s’élève à plus de 400 morts, où la population civile, c’est-à-dire de simples citoyens sans aucun rapport avec l’organisation terroriste, compte pour les trois quarts, et où près de la moitié des victimes sont des enfants.
Les grandes puissances sont partagées entre une certaine gêne comme les Etats-Unis ou l’appui inconditionnel à Israël, comme le gouvernement canadien.
Samedi la police française a chargé à Paris des manifestants dénonçant le sort fait au peuple de Gaza.
‘Entité chaotique non raisonnable’ …
Gaza est une bande côtière soi-disant libérée de l’occupation israélienne mais aussi bien que le Hamas s’y dissimule pour balancer des roquettes sur l’Etat hébreu, l’armée israélienne n’utilise pas moins la population gazaouie comme chair à canon pour poursuivre les militants du Hamas.
Qui oserait dire que Israël est un Etat voyou ?
Comme hier l’Iran des ayatollah, l’Irak de Saddam Hussein, ou la Syrie de Assad. Ou, toutes proportions gardées, Haïti sous Jean-Bertrand Aristide (2001-2004). Haïti, classée aux côtés de l’Afghanistan, comme entité chaotique non gouvernable alors que ce serait plus juste de dire ‘entité chaotique non raisonnable’ !
Oui, nous voici donc revenus au temps de la Guerre froide, entre l’ouest capitaliste et l’est communiste.
Lorsque Nixon-Kissinger passe l’éponge sur les pires exactions de Papa Doc, ou de Pinochet, ou du général X du Pakistan parce que étant des alliés dans la lutte idéologique contre le communisme.
Epaulettes et lunettes noires …
Prenons encore le nouveau président d’Egypte, le maréchal Al Sisi, le tombeur du premier président égyptien élu dans des élections démocratiques (comme si cela portait toujours malheur !), Mohammed Morsi.
A peine élu à son tour, Al Sisi condamne, oui, à mort tous les dirigeants du parti adverse, les Frères musulmans.
Les grandes puissances protestent. Du bout des lèvres.
Se sentant le vent en poupe, le nouveau pharaon à épaulettes et lunettes noires, jette en prison les journalistes qui osent le critiquer, nationaux et étrangers.
Protestations. Il répond alors qu’il n’avait pas demandé de condamner mais seulement d’expulser.
Le maréchal-président égyptien fait un peu mieux que Papa Doc qui condamnait, lui, ses journalistes à mort après d’horribles tortures à la prison de Fort Dimanche ; lui-même leur donne le choix entre la prison et l’exil …
Entre la famine ou la disparition …
Mais pire malgré tout que le pouvoir en place en Haïti où la presse indépendante ne semble avoir le choix qu’entre la famine ou la disparition.
Or vous verrez que dans le prochain rapport de Reporters sans frontières, l’Haïti de Martelly-Lamothe aura gagné encore quelques bons points au chapitre de la liberté d’expression. La dernière fois on était tout juste après les Etats-Unis.
Oui c’est le monde renversé. Et attention que ce ne soit sur votre tête !
Récemment nous nous étonnions que les Etats-Unis renvoient en Haïti sans aucune considération des enfants retrouvés en mer parmi des boat-people.
Le pays de Lincoln et de Jefferson, figurez-vous.
On a eu la réponse cette semaine lorsque, sous la pression des Républicains, le président Obama a déporté vers leur point de départ des centaines d’enfants, qui fuyant la violence faisant rage dans certains pays d’Amérique centrale, ont cherché refuge en traversant la frontière avec les Etats-Unis.
En même temps qu’on ne doit pas s’étonner que les mêmes Américains considèrent que l’Italie devrait accepter les milliers de réfugiés qui lui arrivent des pays d’Afrique du Nord (dévorés par la guerre civile) et de l’Afrique sub-saharienne par la misère et le chômage.
Bel exemple du chacun pour soi !
Haïti en Marche, 19 Juillet 2014