Est-ce l'adieu à Petrocaribe ?

PORT-AU-PRINCE, 23 Octobre – Un dilemme total. Comment en est-on arrivé à payer la gazoline plus cher alors que ses prix sur le marché international sont au plus bas ?
Le gouvernement haïtien a augmenté en effet les prix du carburant à la pompe, la gazoline devant connaître d'ici à mars 2015 une hausse d'environ 25%, le diesel et le gasoil presque idem.
Or cela n'a rien à voir avec les tarifs internationaux. Comme tout produit importé, le coût de la gazoline monte ou descend conformément à son appréciation sur le marché international.
Le gouvernement haïtien prend la précaution de nous expliquer que ce n'est pas en rapport avec les tarifs internationaux qu'ont lieu les nouvelles augmentations mais c'est parce que l'Etat haïtien n'est plus en mesure de consentir la subvention qu'il accordait jusqu'ici au secteur du pétrole.
Mais comme explication c'est un peu court. Car pourquoi la subvention n'est-elle plus possible aujourd'hui ?
La réponse est plus compliquée et semble provenir d'une série de malentendus dont tous ne relèvent pas directement de notre volonté en Haïti.
Si tout a été tranquille pendant les dix dernières années sur le front de la gazoline en Haïti, c'est grâce à un certain accord signé avec le plus grand exportateur mondial de fuel et qui n'est autre que notre voisin, le Venezuela.
Et cet accord s'appelle bien entendu Petrocaribe.
Petrocaribe nous fournit non seulement la gazoline sur une base régulière et constante et à un prix avantageux, mais aussi met à notre disposition une ligne de crédit qui a permis à l'Etat haïtien d'entreprendre un grand nombre de travaux d'infrastructures : routes et ponts, centrales électriques etc.
De 2006, date de la signature de l'accord par le président René Préval à date, non seulement nous n'avons jamais manqué de carburant comme c'était autrefois tout le temps le cas, mais les prix à la pompe sont restés fixes.


Le gouvernement haïtien nous apprend que c'était grâce à une subvention, mais qu'il n'est plus en mesure d'assumer aujourd'hui.
Sans nous dire pourquoi. Le gouvernement actuel est très avare d'explications, quand il ne peut pas les inscrire à son palmarès des réalisations. La propagande, c'est là son faible. Pardon, son fort !
Il est vrai que les explications en question seraient très longues à donner.
D'abord tout semble découler des difficultés que traverse actuellement notre bienfaiteur providentiel, le Venezuela.
Le plus grand exportateur mondial de pétrole a des problèmes de trésorerie. Cela arrive même aux plus riches.
Le Venezuela ne semble produire que du pétrole et rien d'autre. C'est là son moindre défaut ! Il doit tout importer. Et peut se retrouver à court de n'importe quoi. Y compris de papier hygiénique, selon les mauvaises langues.
Jusqu'à importer, eh oui, du pétrole. Mais pas pour les mêmes raisons que les autres.
Toujours dans le souci de protéger ses revenus, dont il a un grand besoin aujourd'hui, le plus grand exportateur au monde doit acheter du pétrole d'un pays comme l'Algérie pour augmenter la qualité de sa propre production.
Du coup le coût de production du pétrole vénézuélien devient plus élevé. Les conséquences sur l'accord Petrocaribe ne se sont pas faites attendre.
On apprend que les hydrocarbures vénézuéliennes sont lourdes, et que le coût de la 'naphta, le diluent utilisé pour faciliter le transport du fuel dans les pipelines, est élevé.
Aussi dans le souci de ne pas augmenter ses coûts de production, la compagnie vénézuélienne PDVSA a choisi d'ajouter à ses stocks du pétrole algérien plus léger.
Toujours dans le but d'augmenter ses revenus, le Venezuela aurait ajouté à ses clients un gros consommateur, l'un des plus gros de la planète, nous voulons dire : la Chine.
Et nous arrivons à ce qui nous intéresse plus directement : PDVSA a décidé aussi de stopper les envois de pétrole qui ne rapportent pas suffisamment.
Bien entendu, Petrocaribe.
Si Haïti, pour des considérations humanitaires et historiques, n'est pas totalement mise de côté, mais nous ne recevrions plus la même quantité.
Voici le gouvernement haïtien qui se trouve en devoir d'aller 'marchander' ailleurs. D'où, par exemple, les fréquents voyages du président Michel Martelly au Trinidad, qui est une plateforme de raffinage pétrolier importante dans la Caraïbe.
Nous voici donc dans la pire situation qui se puisse imaginer. La réduction des fournitures de pétrole vénézuélien nous force à aller en acheter sur le marché libre international ; en même temps que le manque à gagner sur le pétrole non reçu du Venezuela, prive l'Etat haïtien des possibilités de continuer à subventionner le carburant à la pompe.
Bref, en même temps que nous devons payer plus cher les importations de pétrole, nous perdons aussi (en tout cas pour une bonne part) les moyens de subvention offerts par l'accord Petrocaribe.
Et encore plus paradoxalement, voici que nous devons payer la gazoline plus cher en Haïti, alors que les prix internationaux sont au plus bas (à cause du ralentissement économique).
Et, qui plus est, qui pis est, nous sommes, lentement mais sûrement, en train de revenir aux époques noires (oui, comme le blackout) des stations service sans une goutte d'essence pendant des jours.
Outre l'électricité au compte-gouttes.
Ceci sans considération d'une utilisation inconsidérée qu'ont pu faire les gouvernants de la ligne de crédit laissée à leur disposition par Petrocaribe.
Le temps des vaches grasses semble n'être plus qu'un souvenir.
A qui le dites-vous ?

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince