Winner, un projet couvrant toute la chaîne de production agricole
JACMEL, 18 Mai – Clôture du programme Winner, un projet de développement agricole financé en Haïti par le gouvernement des Etats-Unis.
Vendredi 16 Mai. La grande salle de convention de l’hôtel Karibe, au Canapé Vert, est pleine à craquer.
Associations paysannes de divers coins du pays. Cadres. Coopérants. Membres de la mission diplomatique américaine. Et quelques officiels du gouvernement haïtien.
Les intervenants défilent. Agriculteurs. Cadres. Personnel du projet. Tous impliqués directement. Peu de grands discours !
En même temps que défilent des vidéos montrant les réalisations accomplies. Construction de digues et canaux. Terres remises à l’agriculture. Amélioration des cultures par l’apport d’expériences concoctées sur place ou empruntées à des écosystèmes pareils. Serres pour l’agriculture protégée des intempéries. Silos. Et formation. A tous les niveaux. Directement du producteur au consommateur !
C’est une bien belle expérience que nous a invité à voir le directeur général du programme Winner, l’agronome Jean Robert Estimé.
Pour l’ambassadeur des Etats-Unis, Pamela White, avant même la production, c’est de la dignité du paysan haïtien qu’il s’agit, lui qui se trouve au cœur, le ‘poto mitan’ (pilier), du système.
‘Bay piti pa chich’ …
‘Feed the future’, c’est le nom de code du projet, ou préparons l’avenir !
Avec pour cellule centrale : l’association paysanne. Celles-ci sont fortement représentées dans la salle. Au micro aussi. Toutes disent leur satisfaction. Et qu’elles se sentent suffisamment équipées pour poursuivre dans le chemin tracé. Le projet a pris fin, après 5 ans, mais les réalisations sont évidentes, disent les orateurs - déchiffrant leur petit discours en créole. En ajoutant que toute assistance supplémentaire, bien entendu, serait toujours la bienvenue. ‘Bay piti pa chich’, dit le proverbe.
Selon Jean Robert Estimé, le coût total du projet a été de US$127 millions. Avec comme bénéficiaires plus de 100.000 paysans. Ensuite, des subventions à plus de 300 organisations. Et 117 entreprises en sous-contractants.
On assiste à une démonstration du développement agricole à tous les échelons. Gestion de l’eau. Que ce soit dans la réhabilitation de bassins versants ou dans la Plaine du Cul de sac, non loin de la capitale, le barrage en construction ou les murs en gabion sur la Rivière Grise et la Rivière Blanche, afin d’éviter les inondations qui détruisent l’espace cultivable.
Modernisation du monde rural …
Savez-vous qu’il existe aussi des systèmes d’alerte afin de prévenir les dégâts de l’inondation !
D’ailleurs le directeur général du programme, Jean Robert Estimé, ne voit d’autre issue à notre ‘tragédie nationale’ que dans la ‘modernisation du monde rural haïtien.’
Les chiffres qu’il cite sont accablants. En 1980 la production agricole représentait 50% du PIB, aujourd’hui seulement 25%.
Or 6 millions d’Haïtiens vivent dans le monde rural. De quoi vivent-ils ?
Nous importons pour US$800 millions de produits agricoles et produisons pour à peine US$30 millions.
Avec des techniques bien apprises, on peut tout renouveler, dit Jean Robert Estimé, selon qui un hectare irrigué peut rapporter US$2.000 par an. C’est évidemment mieux que ce que l’on gagne à la factory !
‘Zéro pour cent’ …
Faux donc de dire que l’agriculture en Haïti n‘est pas rentable. La tonne de riz importée qui coûte 300 dollars reviendrait, produite en Haïti, à 170 dollars.
Cependant le taux de crédit bancaire en Haïti à l’agriculture est égal, tenez vous bien, à ‘zéro pour cent.’
Winner, disons-nous, a d’abord pour vis-à-vis les associations paysannes. Ce sont elles qui doivent assurer la succession. Et elles se disent prêtes.
Mais en plus d’encourager le petit agriculteur à travailler en associations, aussi bien au niveau de sa portion que dans l’utilisation des moyens de production mécaniques appropriés (soulignons-le), en plus de ce travail de conscientisation ainsi que de formation dans l’utilisation de techniques susceptibles d’augmenter le rendement sans perdre de la valeur ajoutée (cela grâce aussi à la collaboration de chercheurs de l’Université de Florida), mais le programme a aussi un volet commercialisation (‘marketing’) d’importance presque égale.
Directement du producteur au consommateur …
Oui, avant de se terminer, Winner a aussi œuvré à établir des contacts entre les associations paysannes et le marché.
D’ailleurs la cérémonie était aussi illustrée d’une exposition de produits locaux, notamment à l’actif des cultivatrices-promotrices.
Directement du producteur au consommateur …
Tout en disant félicitations, souhaitons cependant que le projet Winner n’aura pas le même avenir que, par exemple, le café ‘Haitian Bleu’ qui, après avoir conquis le marché international, a disparu mystérieusement. Forçant des milliers de petits planteurs des ‘association caféières natives’ à aller offrir les mêmes services chez le voisin dominicain. A cause de la rapacité de certains promoteurs pour la plupart improvisés …
A cause bien entendu aussi de l’absentéisme de plus en plus renforcé du gouvernement haïtien qui aujourd’hui encore nous paie de mots. Non seulement n’investissant qu’une portion minimale du budget public dans la production agricole, mais n’ayant même pas la décence d’appliquer les réglementations les plus ordinaires comme pour aider au partage, par exemple, de l’eau entre les portions individuelles, comme l’ont dénoncé les paysans agriculteurs sur les vidéos.
Nous n’osons même pas dire que la démarche de ‘Feed the Future West/Winner’ n’est pas tout à fait la même, se veut plus intégrée et plus enracinée, car Haïti peut être un pays tellement décevant quand elle s’y met.
Mais définitivement vendredi l’heure était plutôt aux encouragements.
Haïti en Marche, 16 Mai 2014