Haïti disparaît corps et âme
A qui la responsabilité ?

PORT-AU-PRINCE, 24 Octobre – On connaît le mythe de la Boite de Pandore. Dans la mythologie grecque une boite mystérieuse que le dieu des dieux Zeus donna à une dame, Pandora, et qui se révéla contenir un cadeau empoisonné, et comment : tous les maux les plus terribles.
La crise actuelle en Haïti est devenue une véritable boite de Pandore. C’est-à-dire sur la crise initiale : l’exigence de départ du pouvoir du président Jovenel Moïse, accusé d’incompétence et de corruption (rapports de la Cour des comptes sur le dossier Petrocaribe), est venue se greffer une multitude d’autres crises et qui pire que la crise politique en elle-même, sont en train de conduire le pays droit vers la disparition totale.
Car une crise politique a une durée limitée sinon elle devient avant le temps de s’en apercevoir, un phénomène à plusieurs dimensions comme l’hydre à 7 têtes (merci Hollywood !) c’est-à-dire une montagne de crises dans la crise, d’abord une crise économique majeure dans l’effondrement de la machine économique, que cela se passe en Haïti comme aux Etats-Unis ou autre - chez nous ce sont depuis deux semaines plusieurs entreprises privées qui mettent la clé sous la porte, secteurs commerciaux, industriels et hôteliers, renvoyant leurs employés et renforçant un chômage déjà traditionnellement de plus de 60 pour cent ; ce sont les enfants qui ne vont pas à l’école et sont lâchés dans les rues pour un bon nombre menaçant de grossir un phénomène déjà avancé de gangs des rues ; et c’est se développant sous nos yeux effarés, et nous y arrivons : un éclatement au sens propre du corps social.
Chômage, misère noire, la faim fait sortir les loups des bois, disparition totale de l’autorité publique, la police rase les murs par peur d’une jeunesse ayant jusqu’ici eu la rue pour foyer, soudain aujourd’hui armée jusqu’aux dents et enragée.
La capitale, le pays tout entier, enveloppé dans cette immense boule de violence comme un soleil des plus brûlants.
Et le pays qui se retrouve totalement désarmé.

La politique est peut-être trop perçue comme un jeu …
Qui parle encore de crise politique ?


L’appel à la démission du président de la république est déjà un simple prétexte depuis longtemps dépassé, nous sommes à une autre phase : la chute libre dans le vide, dans l’inconnue.
Il a suffi de quelques semaines de crise. Crise totale ou comme on dit ici : pays ‘lock-ed’. Mais c’est comme se lancer dans un saut dans l’espace et sans parachute.
Car tout est dans tout mais aussi tout doit avoir une fin. Et en toute chose, comme dit le proverbe, il faut savoir toujours considérer la fin.
Mais pour l’Haïtien, et il l’a prouvé ces trente dernières années, disons depuis la chute de la dictature (1986) et notre entrée en démocratie, la politique est peut-être trop perçue comme un jeu.
Qui pis est, d’abord pour les leaders politiques eux-mêmes. Il est vrai aussi : leaders auto-proclamés !
Comme quoi manifester contre le pouvoir c’est trop souvent une autre forme de carnaval.
Comme on l’a vu en 2004, avec une participation spéciale de ‘la haute’, comme on a recommencé aujourd’hui dans un même élan.
Il est vrai que ce ne sont pas les plus pauvres qui y participent qu’une jeunesse désoeuvrée, qui se cherche.
Mais voici que après plus d’un mois de cette mobilisation, on ne voit toujours rien venir.
Le président dont on réclame la démission a fait une alliance probablement avec le diable ( ! ) et reste en place pour combien de temps on ne sait.
En face l’opposition oui s’est renforcée – les foules qui descendent dans les rues sont encore plus nombreuses, et encore plus furieuses, mais aux dépens de quoi et de qui ?
Du pays réel qui s’enfonce plus vite que jamais dans la misère, la crise alimentaire aigue frappant de plus en plus de régions, le chômage plafonnant à près de 90 pour cent on ne sait plus, les enfants qu’on ne peut plus maintenir en place à l’appel des gangs qui arpentent les rues jour et nuit, mettant en fuite la police, prenant totalement le pays sous leur contrôle.
Car ‘pita pi tris’ comme dit le créole. Non seulement les gangs ont pris le contrôle du pays mais c’est la guerre des gangs qui règlent leurs comptes en plein jour.
Le matin on se réveille, que ce soit à Pétionville, la riche banlieue (soit-disant), que dans un bidonville quelconque, pour marcher sur des cadavres.
Ce sont ceux faits par la guerre des gangs pendant la nuit.
Aux ordres de qui sont les gangs, désormais on ne sait plus. La confusion est totale. Et entretenue de main de maître.
Où est l’opposition qui a lancé l’opération de déguerpissement du président de la république malgré que ce soit pour cause de corruption, d’incompétence ou même de massacre de population (La Saline et autres) ?
L’opposition se tient coi, ne dit mot à propos de ces excès en cours, l’opposition devrait commencer à se voiler la face pour n’avoir pas su assez bien chronométrer l’opération car rien n’est gratuit voire mettre dans la rue pendant plusieurs mois tout un peuple, même dans un pays comme le Chili où existe une crise similaire que ce n’est pas facile, il faut savoir gérer une crise politique car il y va de la vie de plusieurs millions. Et de l’avenir d’une nation. Y compris par rapport aux autres qui nous entourent !

Crimes contre l’humanité !
Pas étonnant si après une telle expérience, un peuple devenait déçu de ses dirigeants et décidait de ne plus suivre personne.
Mais il y a pire encore : s’il décidait de tout casser. Ne plus écouter personne et tout démolir. ‘Détruire, dit-il.’ Quitte à disparaître aussi dans les flammes.
Eh bien ce serait encore la classe politique la seule responsable.
Quant au président de la république qui laisserait son pays disparaître ainsi, uniquement pour s’accrocher à un pouvoir sans aucune utilité pour la nation, eh bien il n’a qu’un nom : assassin !
A moins que l’on fasse appel puisque les Nations Unies sont déjà sur place, à une autre formule plus à la mode : Génocide.
Crimes contre l’humanité !
Jovenel Moïse veut-il pousser Haïti vers une catastrophe à la Rwanda (7 avril - 17 juillet 1994) ?
Mais c’est toute la classe politique, aussi bien le pouvoir que l’opposition, qui par son jusqu’auboutisme en porterait la responsabilité, évidemment à des degrés différents.
Amen !

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince