PORT-AU-PRINCE, 11 Août – Comme dit la chanson : ‘Tout le monde ment !’ Le gouvernement ment. La police nationale ment. La justice ment. Ment énormément !
 
Nous voulons dire personne n’a une explication pour la fuite du présumé chef kidnappeur Clifford Brandt qui s’est échappé, ce dimanche 10 août, de la prison civile de la Croix-des-Bouquets supposée être la plus sécurisée du pays, construite récemment avec un financement du gouvernement canadien.
 
Personne ne peut expliquer le scandale, parce que toutes les autorités ne pensent au contraire qu’à camoufler aussi vite que possible ce qui est arrivé pour que la vie puisse repartir ‘business as usual’.
 
Pour que l’on continue de mentir en rond, de ‘brasser’ en rond.


 
Parce que comme chacun de nous, ces autorités savaient que le détenu Clifford Brandt est un colis trop encombrant (en créole un ‘gombo cho’), c’est-à-dire qu’on ne peut manipuler de quelque côté qu’on le retourne (jugez le il peut avilir trop de grosses légumes, liquidez le c’est trop tard, il ne restait qu’à lui ouvrir les portes de la prison … et aujourd’hui les mêmes autorités sont trop heureuses que l’oiseau se soit envolé), ouf, bon débarras ! Voire essayer de le rattraper. Farceurs !
 
Cependant l’Haïti de 2014 reste malgré tout le seul pays au monde où cela peut encore se passer avec autant de facilité.
 
Où surtout les autorités peuvent se permettre de se fiche à ce point de la tête du citoyen.
 
Un détenu aussi important s’envole, les responsables de la sécurité (du ministre de la justice au directeur général de la police – le premier ministre qui est le no.1 du conseil supérieur de la police nationale (CSPN) et qu’on voyait tant ces derniers temps parler de restauration de la sécurité etc, s’est éloigné sur la pointe des pieds, jugeant plus prudent de ne pas être à la conférence de presse de ce lundi … ) car jamais nos responsables n’avaient autant brillé par leur cynisme. Incompétence et cynisme. L’accord parfait !
 
Comment c’est arrivé ?

Comment comment c’est arrivé, cela arrive dans les plus grands pays. Au Canada récemment un hélicoptère n’a-t-il pas assuré l’évasion de deux grands noms de la mafia !
 
C’est la réponse du directeur général de la police mais en bégayant ‘si tellement’ (comme dit le créole) qu’on a du mal à y croire.
 
Mais il y a une différence de taille. Oui un tel événement peut se produire dans n’importe quel pays. Que ce soit à Toronto, ou en Sicile ou particulièrement à Marseille (en France) ou même à la prison de la Santé à Paris (qui ne se souvient de la formidable évasion du gangster Mesrine, l’ennemi public numéro 1) …
 
Mais les autorités ne restent pas assises sur leur superbe en déclarant : cela arrive dans n’importe quel grand pays, et alors ! …
 
Non, des décisions interviennent immédiatement. Et notamment aux Etats-Unis (puisque les principaux conseillers de nos autorités sont des américains), oui aux USA, voici ce qui se passe aussitôt.
 
Immédiatement les principaux responsables n’attendent pas qu’on leur montre la porte, ils présentent leur démission.
 
C’est ainsi que réagissent de véritables responsables, au plein sens du mot. Du président de la République au dernier hoqueton.
 
Dans un cas comme celui-ci, le DG de la police est le premier à partir. Il n’encourt pas la honte d’être renvoyé, il présente lui-même sa démission.
 
Cela c’est pour faciliter l’enquête qui a démarré aussitôt. Et cette enquête n’est pas conduite par les mêmes qui avaient la responsabilité d’empêcher la fuite du détenu ou des détenus car parmi les 300 autres évadés, il y en a probablement de plus dangereux encore que Clifford Brandt pour vous et moi qui n’avons pas des millions pour attirer des réseaux de kidnapping aussi puissants. Notre vie à nous est entre les mains des petits voyous armés, pourquoi le nombre de 300 évadés fait dresser les cheveux sur nos têtes.
 
L’enquête est évidemment conduite par des institutions indépendantes. Soit la police des polices comme en France (et comme devrait l’être notre inspection générale de la police nationale (ISPN), soit la justice fédérale aux Etats-Unis.
 
Mais le directeur général de la police n’est pas seul en cause. La prochaine tête à rouler est le ministre de la justice et de la sécurité publique à partir du moment où il se révèle que les responsabilités ne relèvent pas seulement du domaine de ‘simple police’ mais aussi que les politiques n’ont pas fait leur devoir pour empêcher le scandale de se produire. Voire si des éléments laissent soupçonner que les politiques ont fermé les yeux … Quels qu’ils soient.
 
A ce moment le ministre de la justice doit se retirer lui aussi afin que l’investigation puisse avancer sans entraves …
 
Et de fil en aiguille l’investigation peut remonter jusqu’au numéro 1 du CSPN, le premier ministre.
 
Celui-ci sera appelé à venir s’expliquer devant les différentes commissions parlementaires et siégeant dans leurs attributions bi-partisanes et pas à huis clos mais en séance publique parce que la Nation doit savoir.
 
Et c’est sur la base des conclusions de cette investigation qu’on décidera si le premier ministre ne doit pas lui aussi tirer sa révérence.
 
Mais ce qui fait la force des gouvernements comme le nôtre, c’est qu’ils peuvent se fiche allègrement de ce que pense la Nation. Ils n’ont aucune inquiétude à avoir tant surtout que leurs patrons internationaux eux aussi n’ont rien à cirer. Tant que ceux-ci sont maitres de la situation. Tant qu’il y a la Minustah (les casques bleus) pour assurer leur protection.
 
Cynisme que le directeur général de la police qui ne trouve d’autre excuse, que cela peut arriver même dans le meilleur des mondes …
 
Comble du cynisme qu’un ministre de la justice qui a l’audace d’accuser l’opposition politique, en disant que d’après son expérience ces choses-là se produisent toujours en période pré-électorale.
 
Mais cela veut dire que la même chose peut se produire à nouveau demain que cela ne changera rien. Cela veut dire qu’on est dirigé par des autorités non seulement incapables mais aussi irresponsables. Au sens plein du mot.
 
Cela veut dire que le pouvoir lui-même fonctionne exactement comme une mafia. C’est-à-dire on s’en fout, on n’a pas de comptes à rendre !
 
Quant au président de la République, qui n’a pas un rôle officiel en matière de sécurité, ou il est un vrai gogo, ou il ne devrait pas se sentir aussi bien dans sa peau !

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince