Et une évasion toujours inexpliquée
JACMEL, 16 Août – Clifford Brandt est à nouveau en taule, mais les 300 autres évadés courent toujours et parmi eux des malfrats autrement plus dangereux. Brandt pratiquerait le kidnapping en haut de gamme (et on n’a pas rapporté de meurtres commis par son gang) tandis que ce sont de grands assassins reconnus comme tels qui courent à nouveau les rues.
Information confirmée dans ses propos en conférence de presse, au lendemain de l’événement, le lundi 11 août, par le directeur général de la police nationale, Mr. Godson Aurélus, qui s’est ainsi plaint : ‘nous avons fait l’effort gigantesque pour enfermer les pires éléments, des meurtriers, des voleurs, des violeurs, des kidnappeurs’ etc, et les voici à nouveau en liberté.
Le Premier ministre Laurent Lamothe a juré, surtout après la capture de Brandt, que pas un seul des évadés le restera.
Une épée de Damoclès …
Mais jusqu’à présent qui sont-ils les 300 qui constituent cette épée de Damoclès sur nos têtes ? Les autorités n’ont même pas communiqué cette information élémentaire. Savoir afficher leur identité et photos, sous toutes les latitudes, partout dans le pays, n’est-ce pas curieux que cela n’ait point encore été fait ? Est-ce que les autorités pénitentiaires ne garderaient pas un relevé complet, détaillé, parfait de tous leurs pensionnaires ?
C’est cependant grâce à ce genre d’informations fournies par Haïti que Clifford Brandt et deux de ses compagnons de cavale (Jaroli Morinvil et Toussaint Richardson) ont pu être rattrapés par l’armée dominicaine et livrés à Haïti le mardi 12 août.
Mais c’est peut-être aussi une faiblesse dans la capacité d’identifier tous les évadés qui fait que seulement une trentaine aient été jusqu’ici rattrapés sur un total de 329, chiffre fourni par les autorités elles-mêmes.
Pourquoi tant de mystère ? …
Mais à ce train-là, sait-on vraiment combien il y avait de détenus à la prison de Croix-des-Bouquets lorsqu’ont éclaté les événements du dimanche 10 Août 2014 ? L’établissement a une capacité officielle de 768 prisonniers.
Tant de mystère demeure encore.
Pourquoi Brandt qui avait plus de moyens (le coup aurait été monté spécialement pour lui permettre de s’enfuir) est à nouveau derrière les barreaux tandis que presque tous les autres (la police fait état d’une trentaine de repris sur un total de 329) sont encore au large ?
Sans tomber dans l’excès d’une certaine opposition radicale selon laquelle ces voyous sont relâchés dans le but d’aller intimider les opposants au régime en place, surtout dans une atmosphère politico-électorale plus électrique que ça, tu meurs, mais il est inadmissible que la population ne soit pas correctement renseignée sur les menaces qui pèsent sur sa tête.
Des interrogations tout à fait fondées …
Sans oublier les représailles que ces criminels ont pour habitude d’exercer, dès qu’ils retrouvent leur liberté, sur des voisins qu’ils peuvent soupçonner d’avoir renseigné les autorités policières et judiciaires à leur endroit.
Dès le départ, il y a eu le réflexe automatique de l’opposition de s’emparer de l’événement comme un atout politique (à la grande joie apparemment du ministre de la justice qui aimerait garder lui aussi la question à ce niveau on ne sait trop pourquoi - les ‘ipokrit yo sezi’ et autres balivernes), mais il y a eu aussi des interrogations tout à fait fondées.
Que s’est-il passé entre la fuite de Clifford Brandt (prétendument orchestrée) et la grande débandade à la faveur de laquelle près de la moitié des pensionnaires de la prison civile de la Croix-des-Bouquets (nord-est de Port-au-Prince) ont mis les voiles ?
Etablir les responsabilités …
Il est important pour commencer que cette tranche horaire entre la fuite de Brandt et quelque temps plus tard la grande évasion (mais combien de temps au juste ?), que ce décalage soit reconstitué point par point pour pouvoir établir les responsabilités. Et de là les relations entre qui et qui - et pouvant conduire à qui peut héberger qui ? Aujourd’hui encore, qui sait.
Les autorités ont refusé publiquement la thèse de l’attaque de la prison par un commando armé pour celle d’un événement planifié avec des complicités à l’intérieur même du centre carcéral ?
Est-ce qu’elles maintiennent toujours les mêmes conclusions ?
Une semaine après l’évasion, où en sont les investigations ?
Rien n’a encore filtré en dehors des dispositions automatiques - mais non conclusives de transfert du commissaire de police de la commune de Croix-des-Bouquets ainsi bien sûr que du responsable en chef de la prison.
Gang Galil …
Est-ce cette complicité qui fait que la mutinerie n’a provoqué que deux ou trois blessés mais aucun mort ?
Faudrait alors croire que presque tous les gardiens y aient pris une part active ?
Dans ce cas, pourquoi d’autres détenus aussi importants comme Woodly Ethéard (dit Sonson la-familia), présumé chef du non moins terrible Gang Galil, n’en ont point profité ?
Avaient-ils reçu d’autres indications ? Ou d’autres garanties ?
Et qu’est-ce que cette prison qu’on avait proclamé ‘haute sécurité’ et qui ne possède même pas quelque chose d’aussi banal que des caméras de surveillance, voire un système électronique permettant de bloquer toutes les issues à la moindre alerte. Le gouvernement canadien, qui a collaboré à son installation, a perdu son argent. A moins qu’on se moque de nous !
Communiqués et formules toutes faites …
Une semaine après l’événement, on en est pratiquement au même point. En dehors de la capture de Clifford Brandt par l’armée dominicaine (et tout porte à penser que celle-ci a été instruite en haut lieu, suivez mon regard ( !), du fait que c’est le ministre dominicain de la défense lui-même, l’amiral Sigfrido Pared Perez, qui a appelé les médias dominicains et américains pour leur communiquer la nouvelle), le gouvernement haïtien se contente jusqu’à date de communiqués rédigés sur un ton un tantinet victorieux … mais l’opposition de son côté aussi de nous payer de mots et de formules toutes faites au lieu d’exiger véritablement de savoir ce qu’il en est.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince