Martelly-Lamothe : après l’ivresse, le vide du pouvoir …


NEW YORK, 27 Septembre – A New York, le Président Michel Martelly et le Premier ministre Laurent Lamothe ont plaidé leur cause devant les grandes instances : Assemblée générale de l’ONU, rencontre avec les ONG internationales, réunion avec les bailleurs etc.
Ils l’ont fait apparemment avec compétence et dans les meilleures intentions du monde. Or quelque chose cloche !
Les deux chefs de l’exécutif haïtien semblent au sommet d’une pyramide mais avec un grand vide au milieu. Le courant ne parait pas passer suffisamment avec le reste de l’administration. La logistique ne suit pas.
Pour la bonne raison que celle-ci (l’administration ou fonction publique) n’existe pas.
Au-delà des critiques conjoncturelles portées par l’opposition politique, la question est certainement plus complexe. Et nous nous sommes surpris à y réfléchir.

 

Le pouvoir est avant tout une équipe …

Cela sans chercher à dédouaner le pouvoir en place qui, comme la plupart de ses prédécesseurs, cherche davantage comment garder le pouvoir au-delà du mandat constitutionnel (5 ans) qu’à développer le pays.
 Le jour où des élus mettront vraiment le bien de la Nation avant le pouvoir, le sort d’Haïti commencera immédiatement à changer.
Le deuxième reproche qui fait suite au précédent, c’est le manque de conscience citoyenne qui fait que l’on peut rechercher la prise du pouvoir alors qu’on ne dispose d’aucun moyen même le plus élémentaire pour remplir vraiment cette fonction au bénéfice de son pays.


Mais ne faisons pas l’enfant, direz-vous !
Toujours est-il que nous avons retourné le problème dans tous les sens sans pouvoir discerner comment résoudre l’équation actuelle.

Le Premier ministre Laurent Lamothe parle avec passion.

Le Président Martelly voudrait réussir. Serait-ce par orgueil !
Mais le pouvoir ce n’est ni une personne. Ni deux : un président et son premier ministre.
C’est avant tout une équipe.
Celle-ci peut être un parti politique bien structuré.
Ou bien un pays déjà organisé.

 

Parti National et Parti Libéral …
Le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) vient de remporter les présidentielles au Mexique. C’est un parti qui a dirigé le pays pendant près d’un siècle. Et qui a donné déjà plusieurs présidents dont la compétence n’a jamais été mise en doute.
Comme si chez nous le Parti National du président Salomon et le Parti Libéral de Boyer Bazelais (fin 19e siècle) existaient encore.
Bien entendu toutes les tâches principales sont déjà réparties au sein du futur gouvernement mexicain.
La question n’est pas si le pays sera dirigé mais dans quelle direction il le sera. Au plan économique. Mais aussi du respect des libertés démocratiques. Sans oublier la lutte contre les cartels de la drogue qui fait du Mexique un cimetière à ciel ouvert. C’est son échec dans ce domaine qui a été l’une des causes principales de la défaite du président sortant, Felipe Calderon.
Alors que pour la France ce n’est pas tant le parti que le pays d’abord qui dispose de l’une des fonctions publiques les plus stables de la planète. Depuis le cardinal de Richelieu au 16e siècle …

 

Rien d’autre que le fanatisme des foules …
Vous me direz : Haïti n’est pas dans cette situation seulement aujourd’hui ?
Non, mais aujourd’hui plus que jamais auparavant.
Michel Martelly a été élu sur son propre nom et rien d’autre. C’est un chanteur populaire qui a été porté au pouvoir par rien de plus que le fanatisme des foules qui l’idolâtrent.
En dehors d’un certain support international - ce dernier estimant le président sortant, René Préval, pas assez ouvert sur le capital étranger.
De plus Martelly, malgré son discours d’unité nationale, s’est retranché dans un petit carré délimité par le conflit générationnel (un gouvernement de jeunes, mais qui ne veut pas dire forcément un ‘gouvernement jeune’, n’est-ce pas ?), une certaine frange de la bourgeoisie conservatrice (et peu soucieuse jusque-là des problèmes du plus grand nombre) et enfin des amitiés issues du duvaliérisme et des gouvernements militaires subséquents qui l’avaient accompagné dans sa trajectoire de musicien.
Signe particulier : aucune trace de carrière dans l’administration publique.

 

Luttes entre leaders politiques …

Mais quelle administration publique ?
Celle-ci n’existe pas en Haïti. Ou si peu …
Lorsque le dictateur François Duvalier est arrivé au pouvoir en 1957, il n’a pas eu beaucoup de difficultés à cet égard.
Mais la cruauté de son régime va vider le pays de ceux qui devaient assurer la relève.
Les années 1960. C’est la grande émigration des cadres haïtiens vers les pays d’Afrique nouvellement indépendants.
Puis vers le Québec. Et les Etats-Unis.
Puis la voie reste ouverte. Troubles politiques, catastrophes naturelles voient aujourd’hui encore, et sans relâche, les Haïtiens continuer irrémédiablement à partir pour des cieux plus cléments.
Quant à l’autre alternative, celle du parti politique bien structuré et fonctionnant dans le cadre de l’alternance démocratique ?
C’est un rêve qui s’est vite évanoui peu après la chute de la dictature en 1986 et dès les premiers pas de la transition démocratique.
Les luttes entre leaders politiques, aussi renfermés les uns que les autres dans leur orgueil ou même leur suffisance, ont mis fin à cet espoir avant même de l’avoir une seule fois expérimenté.
Mais cela ne suffit pas à expliquer l’échec qui menace le pouvoir actuel, il y a aussi que Martelly ne s’est guère donné une chance de trouver des alliés à cause même de sa propagande au départ trop arrogante et poussée idéologiquement vers un certain radicalisme duvaliériste.

 

Petits intérêts mesquins …
Cependant les faits sont là. Rien ne bouge. Tout est bloqué. Et aujourd’hui les deux chefs de l’Exécutif haïtien ne peuvent ne pas se rendre compte qu’ils sont bien seuls et qu’ils ont besoin pour sortir du blocage d’alliés (politiques, économiques, société civile, syndicats, cadres techniques et administratifs).
Qu’ils le veuillent ou non, nouvelles générations ou pas, ils sont les produits d’une histoire qu’ils ne peuvent pas faire disparaître d’un coup de baguette magique.
Mais, voilà, comment faire pour que des négociations ne se limitent pas (ne continuent pas à se limiter) à de petits intérêts personnels ou mesquins …
Dès lors la question s’adresse à nous tous. Qui est crédible et qui ne l’est pas ?

Haïti en Marche, 27 Septembre 2012