PORT-AU-PRINCE, 15 Septembre – Le gouvernement laisse trop de crises s'accumuler. Il se condamne à jouer les pompiers sans pouvoir en solutionner aucune. Jusqu'à se retrouver un jour prochain totalement le dos au mur.

Après toute une année de tranquillité comme un round d'observation, ou une sorte de bénéfice du doute accordé au nouvel élu, le président Michel Joseph Martelly - la base sociale a commencé à bouger.

La semaine dernière des manifestations populaires ont éclaté en divers points du territoire.

Les revendications sont diverses. En tête la cherté de la vie et l'insécurité. Deux préoccupations on ne peut plus évidentes.

La rentrée dans deux semaines ...

Ensuite la rentrée dans deux semaines. Aussi bien les parents d'élèves que les enseignants sont aux abois, ces derniers aussi inquiets pour la sécurité de leur emploi que pour leur salaire (les uns se battant pour faire confirmer leur nomination, les autres pour des arriérés de salaires, et tous pour une augmentation difficile à arracher à une administration qui a modéré son ton triomphaliste et fait aujourd'hui ouvertement état de ses difficultés).

Signe des temps : on a manifesté aussi pour dénoncer l'insécurité environnementale.

Du nord au sud de la capitale, à Carrefour Marin (Croix-des-Missions) comme à Léogane la population est sortie dans les rues pour exiger que des travaux plus définitifs soient entrepris pour contrôler les débordements des cours d'eau qui pendant la saison des pluies tropicales emportent sans distinction corps et biens : Rivière Grise, la Rouyonne etc.

L'insécurité en première ligne ...

Mais une crise tout aussi pressante et montée ces dernières semaines en première ligne c'est celle de l'insécurité. Généralisée. Galopade effrénée. Oui nous disons crise parce que le problème est arrivé à son point critique. Ou ça passe ou ça casse ! Mais alors le total retour au chaos.

Le gouvernement à ce stade devrait avoir un 'task force' (une cellule de crise) qui travaille sur toutes ces questions en général et sur chacune d'elles en particulier.

En les plaçant dans un certain ordre de priorité. Selon leur gravité mais aussi selon ses capacités d'intervention.

Surtout éviter les 'exercices-pompiers' pour lesquels les dirigeants haïtiens sont passés maître. C'est à dire courir ici et là au gré des revendications locales. Populisme toujours sans lendemain.

La rentrée scolaire est un test incontournable chaque année mais qui n'est jamais réussie à cent pour cent.

Par contre le problème insécurité conditionne tout le reste.

La semaine dernière, le responsable a.i. de la police de Pétionville, l'inspecteur Patrick Rosarion, a exposé courageusement (et preuves à l'appui) comment des petits voyous qui rançonnent et tuent sans vergogne sont remis en liberté par les autorités judiciaires le jour même où ils ont été appréhendés par la police.

Assez jouer au gendarme et au voleur ...

C'est la preuve entre mille que malgré l'escalade vertigineuse de la criminalité des rues et les cris poussés jusque dans le milieu diplomatique international, le pouvoir en place n'a pas encore conçu une politique bien spécifique à ce sujet, se contentant de jouer au gendarme et au voleur.

Faisant confiance à la Minustah (mission des casques bleus) pour le cas où les choses se gâteraient pour de bon. Donc faisant passer implicitement les citoyens par pertes et profits.

Mâter cette insécurité serait aussi de bon augure pour l'économie et les efforts de relance. Les victimes sont dans de nombreux cas des responsables de petites et moyennes entreprises qui sortent de la banque avec le payroll des employés.

Trop d'émiettement de l'aide officielle ...

On reconnaît que la tâche la plus laborieuse, si ce n'est le vrai dilemme, c'est la création d'emplois. Comment mettre des gourdes (monnaie haïtienne) dans la poche des gens d'autant que le réveil de la production nationale prendra, même en y mettant le meilleur de nous-mêmes, au moins plusieurs années après qu'on se fut condamné pendant si longtemps à tout recevoir de l'extérieur.

Pour l'instant les autorités tentent d'amoindrir le choc par la création de différents programmes d'assistance sociale.

Laissons parler les manifestants. Aussi bien ceux qui ont fait gronder les rues du Cap-Haïtien (deuxième ville du pays) le mercredi 12 septembre que les riverains de la Rivière Grise, au nord de la capitale, tous ont dit leur désapprobation de cet émiettement de l'aide officielle sous de multiples casquettes. Parce qu'on ne sait à quel saint (ou sainte !) se vouer !

Qui paiera l'addition ? ...

Là encore c'est la preuve que le pouvoir n'a pas une politique bien définie (encore moins centralisée) même en matière de ce qu'il appelle la pauvreté extrême ! Et d'ailleurs il ne s'agit pas seulement aujourd'hui de pauvreté mais d'une politique que tout pays, même les Etats-Unis, se doit de concevoir face à une crise économique dont nul ne peut encore prévoir l'issue.

Mais qui paiera l'addition ? L'international nous a lancé plusieurs signaux qu'il nous faut cette fois nous débrouiller presque tout seuls.

Gigantesque course d'obstacles ...

Le gouvernement a reçu le message. La lutte contre la contrebande et l'évasion fiscale semble s'amplifier.

Mais des faux pas comme dans la liste des contribuables frappés d'interdiction de départ - et dont certains ne seraient pas concernés c'est encore une preuve d'un manque de coordination et donc de l'absence d'un véritable esprit de mise en commun de toutes les ressources, mais vraiment toutes (financières et techniques et toutes autres expertises, à plus forte raison celles qui ont déjà fait leurs preuves sur le terrain), dans la lutte pour traverser cette gigantesque course d'obstacles que représentent les différents défis auxquels en même temps fait face le gouvernement Michel Martelly – Laurent Lamothe mais qui c'est une seule et même crise : une économie haïtienne plus encore qu'installée dans une totale dépendance, mais surtout totalement arriérée.

Donc tout décollage économique doit aussi être moderne - dépasser le fantoche des 'révolutions économiques' à la Baby Doc (1971-1986) - ou il ne sera pas !

Vous voyez que nous n'avons point noté la crise politique ? Quelle importance !

Haïti en Marche, 15 Septembre 2012