Dr. Ariel Henry ou ‘j’y suis, j’y reste’ !
MIAMI, 17 Décembre – Les négociations sous l’égide de la Caricom (communauté caraïbe) ayant échoué, comme on le pressentait parce que les problèmes politiques haïtiens n’ayant jamais été réglées par la négociation mais par la force – soit intérieure avec les forces armées haïtiennes – mais celles-ci aujourd’hui inopérantes, soit une intervention extérieure par les Etats-Unis comme toujours, nous voici donc repartis pour une autre transition après celle qui s’achève avec à sa tête le premier ministre Dr. Ariel Henry.
Mais nous disons bien une nouvelle transition, quitte à ajouter : quelle qu’elle soit mais malgré tout une nouvelle, serait-ce dans la forme ; et cela veut dire quoi ?
Car il serait vraiment scandaleux que le premier ministre Ariel Henry reste en place comme si de rien n’était à la fin de ce mandat comme on dit ‘de facto’, en tout cas sans avoir été mandaté par personne puisque par un président qui était assassiné dès le lendemain de la nomination donc dont la décision devait en principe s’annuler automatiquement d’elle-même.
Or les négociations menées la semaine écoulée par les GPE (grandes personnalités éminentes) de la Caricom étant déclarées un échec, réaction du premier ministre Dr. Ariel Henry : c’est d’un calme olympien que recevant, le jeudi 14 décembre, en quelque sorte les ‘vœux du corps diplomatique et des grands commis de l’Etat’ (secteur privé, médias et autres), il aurait déclaré, selon les agences de presse, qu’il regrette que ‘la dernière mission de la Caricom ne soit pas arrivée à convaincre tous les acteurs de la nécessité de parvenir à un consensus pour permettre le retour à un fonctionnement normal du pays … Il a promis (quant à lui) de « poursuivre les pourparlers et d’élargir le gouvernement » afin de trouver des pistes de solution à la crise, ce qui favorisera la tenue d’élections pour permettre à la population de choisir ses représentants.’
Voilà donc notre neurochirurgien plus que seul et unique à la barre depuis deux années, même sans aucun mandat formel puisque non reconnu dans la Constitution mais qui, de plus, décide encore de lui-même aujourd’hui de demeurer à la tête du pays pour on ne sait encore jusques à quand, bref pour une durée indéterminée.
Et toujours en dehors de tout prescrit constitutionnel …
Pardon cela vous dit quoi ?
Eh bien oui, la présidence à vie !
A force de jouer avec le feu et de s’éloigner de toute règle ‘constitutionnelle’, on finit par revenir lentement mais sûrement vers le point de départ, ‘nan pye papa a’ : Papa Doc bien entendu !
Lui non plus n’avait pas déclaré d’un seul coup : ‘je suis président à vie.’ C’est toujours le jeu du chat et de la souris.
Remarquez que nous ne sommes pas en train de traiter Ariel Henry de dictateur. Ce serait trop facile ! Ni de menacer son pouvoir. Avec quelle arme ? Non c’est un simple conseil : Attention trop c’est trop !
Toute la rue s’échauffe, annonçant de grandes manifestations pour les jours à venir parce que le mandat, si on peut l’appeler ainsi - parce qu’on est toujours mandaté par quelqu’un ou quelque chose (constitution ou institution etc), disons le temps du premier ministre prendra fin pour certains le 21 décembre, mais plus sûrement pour le 7 février prochain parce que c’est la date constitutionnelle pour l’investiture d’un nouveau président élu.
Or ce n’est pas parce que de nouvelles élections n’ont pu encore avoir lieu que le chef du gouvernement : no#1) seul détenteur du pouvoir exécutif parce que sans la présence d’un président provisoire de la république serait-ce symbolique, ce qui est bien entendu une énorme anomalie ; no#2 de plus qui a déjà dépassé le délai le plus long qui puisse être accordé même en dehors de tout principe constitutionnel (deux années), voici donc Dr. Ariel Henry qui se reconduit pratiquement lui-même et de lui-même, bref tout seul pour un nouveau mandat, toujours hors de tout principe constitutionnel ?
Si cela ne rappelle pas une déclaration de présidence à vie … alors Dieu que ça lui ressemble ?
Comprenez-nous bien. Nous le répétons et on peut penser ce qu’on veut : nous restons en dehors de toute cette querelle politique qui bat actuellement son plein et bien sûr motivée par des considérations majoritairement comme on dit politiciennes …
Mais tout cela ne doit pas nous éloigner non plus des règles élémentaires. ‘Tout jwèt se jwèt kwochèt pa ladan l.’ Tant que notre pays n’aura pas adopté une nouvelle constitution qui permettrait à un gouvernement provisoire de demeurer en place pour une durée indéterminée, celui dirigé aujourd’hui par Dr. Ariel Henry, voire après une durée de deux années qui a été la plus longue tolérée jusqu’ici, doit être confirmé ou non pour un autre mandat … Ou ça passe, ou ça casse !
Il ne suffit pas de dire qu’on va organiser les élections (ça existe aussi le ‘chat nan makout’), mais il faut cette première décision. Hic et nunc. Ici et maintenant.
Ou c’est une nouvelle présidence à vie qui, comme Papa Doc à ses débuts, n’oserait pas dire son nom ?
Comme dirait le Professeur Lesly Manigat : ‘Soyons sérieux’. Dr. Ariel Henry doit faire comme Me. Jean Jacques, pour si ce n’est justifier, mais pour expliquer sa présence.
Il y a deux options : Ou c’est un accord avec l’opposition.
Ou c’est obtenir la bénédiction d’une grande conférence nationale avec tous les corps constitués du pays.
Ou c’est l’un ou c’est l’autre. Ou ceci, ou cela.
Le contraire … c’est à la porte !
Mais rester à la tête du pays, après deux années voire avec un bilan aussi peu reluisant, sans aucune forme de mandat quel qu’il soit, fixé ni dans le temps ni dans la Constitution ou autre mais simplement du genre : ‘j’y suis j’y reste’, ‘pito nou lèd men nou la’, cela revient à rien d’autre qu’une présidence à vie, voire une qui s’ignore encore.
Le reste dépend de ce que veut Dr. Ariel Henry pour son pays ! On ne se souvient d’ailleurs pas qu’il l’ait jamais encore dit jusqu’ici.
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 17 Décembre 2023