Mais qui touchera la rançon ?

MIAMI, 8 Novembre – Trois millions de dollars sur la tête de trois chefs de gang haïtiens accusés du kidnapping de 16 missionnaires américains en 2021. Evénement sans précédent et qui ouvrait la voie à la vague d’enlèvements qui embrase aujourd’hui notre pays où il n’est pas possible de mettre le nez dehors sans risquer désormais proprement la mort.
Ce sont les fameux Lanmò Sanjou (vrai nom Joseph Wilson) directement impliqué dans l’enlèvement des 16 missionnaires dont un bébé de huit mois ; Vitelhomme Innocent et Jermaine Stephenson alias Gaspiyay (un pseudo qui dit bien son mépris de la vie humaine), les trois ont une réputation bien établie de chefs de gang impitoyables.
Le communiqué du Département d’Etat et du Département de la Justice des Etats-Unis concerne également les chefs de gang de Gran Ravine : Ti Lapli (vrai nom Renel Destina) ; Manno (Emanuel Solomon) de Village de Dieu ; Kokorat san Ras (John Peter Fleronvil) et Jean Renald Dolcin accusés eux aussi dans des enlèvements de citoyens américains.
Donc 1 million de dollars pour toute personne ou groupe qui aura permis d’appréhender chacun de ces trois individus soit principalement Lanmò Sanjou (groupe ‘400 Mawozo’), celui-ci apparemment en cavale depuis quelques mois ; Vitelhomme Innocent aujourd’hui tout puissant dans la zone résidentielle de Port-au-Prince (Tabarre, Vivi Mitchell etc) ; et Jermaine Stephenson dit Gaspiyay.
Eh bien, sans préjuger des résultats de l’initiative du Département américain de la Justice, nous craignons que la meilleure façon de faire aurait été d’aller droit au peuple. Cela s’appelle : ‘Bare Yo.’
A ce seul cri de ‘Bare Yo’, même les barrières de l’enfer ne résistent pas. Alors que les chefs de gang en question peuvent exercer une terreur telle sur leur entourage que personne n’osera les dénoncer. Ou encore sont devenus si riches qu’ils peuvent aller plus haut que la rançon de 1 million de dollars promis.
Toujours est-il que ‘promès se dèt’, si c’est le peuple qui arrivait à mettre la main sur ces individus, qui recevrait ces 3 millions ?
Nous ne sommes pas dans le Far West, nous sommes en Haïti où depuis les temps immémoriaux il n’y a qu’une façon de dénicher un ‘move je’ c’est envoyer le peuple, pourquoi on dit ‘le peuple souverain’ …
Et un seul cri c’est ‘Bare Yo’, sus aux gangs.
Cela suppose cependant que les forces de l’ordre prennent la tête (justement avec leurs nouveaux blindés) et le reste s’ensuit.
Mais bien sûr faut-il d’abord que le peuple soit mis en confiance. Ça c’est le job des dirigeants. Car ceux-ci ne peuvent pas rester assis sur leurs fesses en attendant que d’autres risquent leur vie.


Donc voilà et comme dit le célèbre détective britannique : ‘Elémentaire mon cher Watson.’
Ces trois millions ont mieux à faire à reconstruire des écoles et des dispensaires dans les mêmes quartiers tenus en otage par ces gangs que d’aller dans la poche d’autres gangs car dans les circonstances actuelles seuls des gangs qui vont prendre le risque de trahir d’autres gangs et ainsi on n’en sort pas. « Se wete gang mete lòt gang. »
Au fond le problème vient aujourd’hui de la séparation totale des structures de pouvoir d’Etat d’avec la vraie population.
Le pouvoir pour le pouvoir et les richesses qu’il procure - et rien pour le pays réel.
Comme si on avait encore plus peur du peuple que des gangs eux-mêmes.
Au contraire laissons le peuple faire le job. Même si dommage qu’on en soit encore là, un pays sans réelle application de la loi. Mais au moins les trois millions trouveront une utilisation bien plus respectable.
Sinon c’est sans le savoir, encourager la compétition entre gangs et sans le vouloir encourager la multiplication de ces derniers.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 8 Novembre 2022