Caracas (AFP) - Initialement avancée au 22 avril, l'élection présidentielle au Venezuela aura lieu le 20 mai, le chef de l'Etat sortant Nicolas Maduro briguant un second mandat de six ans, a annoncé la Commission électorale nationale (CNE).


La nouvelle date est le résultat d'un accord avec un adversaire de Nicolas Maduro visant à rassurer la communauté internationale.
"Je suis très heureux des accords qui ont été signés avec l'opposition parce que je veux aller vers un processus de réconciliation (...) Allons aux élections, j'ai dans mon coeur la certitude que nous allons gagner", a dit Nicolas Maduro dans un message sur Facebook.
Pressenti depuis plusieurs jours, après la révélation par le dissident chaviste Henri Falcon de négociations secrètes avec le gouvernement, l'accord inclut plusieurs garanties sur le scrutin.
"Nous proposons que soient organisées de façon simultanée les élections présidentielle" et des conseils législatifs régionaux, selon l'accord négocié, validé par le Conseil national électoral (CNE).
Le scrutin présidentiel, traditionnellement organisé en décembre, avait été avancé à avril par les autorités électorales. Une décision critiquée par une partie de la communauté internationale et la principale coalition d'opposition qui a choisi de boycotter l'élection.
- Apparence de légitimité -
Face au président Maduro, qui brigue un nouveau mandat pour rester au pouvoir jusqu'en 2025, se présentent Henri Falcon, militaire en retraite de 56 ans, et quatre candidats quasi inconnus du grand public.
Sur Twitter, la coalition de l'opposition, la Table de l'unité démocratique (MUD), a rappelé que "l'opposition n'a signé aucun accord avec la CNE", faisant allusion à la candidature d'Henri Falcon qui contrarie sa décision de boycotter les élections.
La MUD avait refusé de présenter un candidat, arguant que le camp présidentiel ne lui avait pas apporté toutes les garanties nécessaires à l'organisation du scrutin.
La MUD réclamait notamment la présence d'observateurs internationaux "indépendants", la tenue du scrutin au "second semestre 2018", la désignation d'un Conseil national électoral "équilibré", le vote des Vénézuéliens de l'étranger et un égal accès aux médias.
L'accord dévoilé jeudi inclut justement une requête auprès de l'ONU d'une mission d'observation électorale, la réalisation d'audits du vote, l'allongement du délai d'inscription sur les listes électorales pour les Vénézuéliens émigrés et l'"équité dans l'accès aux médias publics et privés, ainsi qu'aux réseaux sociaux" pendant la campagne.
"Cet accord confirme qu'au Venezuela on élit nos dirigeants et représentants avec les plus larges garanties constitutionnelles et démocratiques", a assuré Tibisay Lucena, présidente du CNE, institution accusée par l'opposition de soutenir le président Maduro.
Pour la politologue Francine Jacome, les autorités "cherchent à donner une apparence de légitimité à ce vote, surtout face à la communauté internationale".
Plusieurs gouvernements d'Amérique latine, les Etats-Unis et l'Union européenne avaient questionné ces dernières semaines l'élection anticipée du 22 avril, dénonçant un manque de transparence et menaçant de ne pas reconnaître les résultats.
Pour Mme Jacome, "l'accord (noué avec M. Falcon) complique encore plus la stratégie (de boycott) de l'opposition", qui pourrait en outre perdre la majorité au Parlement, seule institution qu'elle contrôle, lors des législatives anticipées attendues cette année.
Mais si des gages ont été accordés, le CNE a aussi confirmé la fin jeudi du délai d'enregistrement des candidats, qui devraient donc se limiter aux six déjà inscrits.
"Il s'agit de garantir une élection sur mesure pour Maduro, à la carte. Cela reste un scrutin sans l'opposition qui lui fait concurrence, cela ne change pas", prévient le politologue Luis Salamanca.
Au final, "c'est un montage pour que cela ressemble à une élection démocratique".
- Candidat sur-mesure -
Jeudi matin, la MUD, affaiblie par ses divisions internes et sa perte de crédibilité populaire, avait appelé Henri Falcon à retirer sa candidature, l'accusant de jouer "le jeu" de Maduro dans ses "velléités totalitaires".
Car le candidat, accusé de traîtrise tant par le gouvernement que par l'opposition, sème le flou: militant socialiste pendant dix ans, il a claqué la porte du chavisme en 2010 en critiquant la révolution menée par Chavez. Puis il a viré de bord en devenant chef de campagne d'Henrique Capriles, défait de justesse face à Maduro à l'élection de 2013.
Pour l'instant, l'Institut vénézuélien d'analyses de données (privé) le crédite de 24% d'intentions de vote, contre 18% pour Maduro. Il se dit persuadé de remporter ce scrutin, en s'appuyant sur la forte impopularité du chef de l'Etat, jugé coupable du naufrage économique du pays pétrolier.
Mais les analystes estiment que ses chances réelles de succès sont infimes, faute de soutien de la MUD et face à l'hégémonie institutionnelle du gouvernement socialiste.
L'accord, selon Mme Jacome, "prouve que (les autorités) ont fabriqué un candidat d'opposition sur-mesure".
Car les garanties négociées "sont des éléments cosmétiques", tranche Félix Seijas, directeur de la société de sondages Delphos.