Nations unies)
Les négociations des États-Unis avec la Chine au sujet d’Haïti ne se sont pas déroulées comme prévues.
Les États-Unis et la Chine se livrent à un bras de fer sur Haïti au Conseil de sécurité de l’ONU, mettant en péril l’engagement de l’Organisation dans ce pays en crise et l’avenir de sa mission politique qui vient à expiration vendredi soir.
Publié le 14 octobre 2021 à 16h33
AGENCE FRANCE-PRESSE
Haïti est depuis longtemps géré au Conseil de sécurité par les États-Unis. C’est une ex-ambassadrice américaine, Helen La Lime, qui est émissaire de l’ONU en Haïti.
Dans le cadre de la prolongation annuelle de la mission politique que dirige Mme La Lime (BINUH), le Conseil de sécurité avait planifié l’adoption d’une résolution jeudi matin. En vain.
Les négociations des États-Unis (qui se sont adjoint depuis peu le concours du Mexique pour la gestion du dossier haïtien) avec la Chine ne se sont pas déroulées comme prévu.
« Si demain les Chinois pouvaient fermer le bureau des Nations unies, ils le feraient », commente un diplomate sous couvert d’anonymat. Pékin est le deuxième contributeur financier à l’ONU et se comporte aujourd’hui comme les Américains sous l’administration Trump, ajoute-t-il.
Une dépense en pure perte, dit la Chine
Dans les négociations récentes, les Chinois, sans dire qu’ils étaient « contre » la mission onusienne, se sont montrés très critiques. « L’ONU n’a rien fait, tout ce qu’on a investi était à perte » pour ce pays, ont-ils ainsi fait valoir, rapporte une source diplomatique.
Ils disent “on a perdu notre argent en Haïti, il faut que cela s’arrête. Le gouvernement ne nous écoute pas, arrêtons de l’aider” ».
Une source diplomatique expliquant la position chinoise sur Haïti
Cette position est cependant à l’opposé de celle des Occidentaux qui estiment qu’il « faut continuer à dire » au gouvernement haïtien ce qu’il doit faire pour avoir « une chance qu’il le fasse », selon la source diplomatique.
Aucun commentaire n’a pu être obtenu auprès de la mission chinoise à l’ONU.
Haïti a reconnu Taïwan, Pékin furieux
L’autre raison jamais invoquée par la Chine lors des discussions onusiennes, ont indiqué à l’AFP plusieurs sources, c’est la reconnaissance par Haïti de Taïwan à la fureur de Pékin.
En juin déjà, la Chine avait sèchement rejeté un projet de déclaration du Conseil de sécurité sur Haïti proposé par les États-Unis. Le texte se bornait pourtant à déplorer « la détérioration de la situation politique, sécuritaire et humanitaire » dans ce pays.
Jeudi, Washington a officialisé un projet de texte de résolution, obtenu par l’AFP, à soumettre à un vote vendredi du Conseil de sécurité et prévoyant une reconduction du mandat de la mission pour un an, « jusqu’au 15 octobre 2022 ».
Alors que Pékin avait réclamé ces derniers jours une reconduction uniquement pour six mois, afin, selon des diplomates, de mettre la pression sur Haïti.
Ce pays en crise politique, économique, sociale et sécuritaire profonde, sans président depuis l’assassinat en juillet de Jovenel Moïse, ne prévoit plus des élections que pour, au mieux, le deuxième semestre 2022.
Affront supplémentaire à Washington, déjà affaibli depuis la récente démission spectaculaire de son émissaire pour Haïti pour dénoncer la politique de l’administration de Joe Biden, la Chine a aussi officialisé jeudi son propre projet de texte, prévoyant une extension « jusqu’au 15 avril 2022 », selon le texte obtenu par l’AFP.
Avec ce choix extrême, Pékin montre être prêt à mettre son veto vendredi sur le texte américain et à soumettre le sien ensuite au vote du Conseil de sécurité.
Perdre la face
Pour que personne ne perde la face, une solution pourrait être trouvée sans voter sur les deux textes concurrents mais en en adoptant un troisième prévoyant un prolongement technique sur quelques semaines ou mois du mandat de la mission politique en Haïti.
C’est ce qui s’était passé en septembre pour la mission politique de l’ONU déployée en Libye. En charge du dossier, le Royaume-Uni avait longuement peiné face à la Russie, pour qu’au final aucun des deux textes proposés par ces deux pays ne soit mis au vote.
Après une réunion de dernière minute du « P5 » — les cinq membres permanents du Conseil : États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France — pour dénouer l’affaire, le Conseil de sécurité avait approuvé à l’unanimité un prolongement technique de la mission pour seulement quatre mois.