GAZETTE-HAITI
- Intervenant le jeudi 13 janvier 2022 à l’émission « Premye Okazyon » de Caraïbes FM, l’économiste Etzer Emile a peint un tableau sombre de l’économie haïtienne en 2021 tout en faisant montre de son pessimisme quant à l’année 2022 durant laquelle, selon lui, les données iront probablement de mal en pis. Etzer Emile craint une émeute de la faim pareille à celle de 2008 ayant occasionné lors la démission du premier ministre Jacques Edouard Alexis.
La situation économique du pays va de mal en pis. Le phénomène de l’insécurité ajouté aux différents problèmes qui rongent la société accouchent une économie en récession depuis plusieurs années. « L’année 2021 a été extrêmement difficile pour l’économie. Les chiffres officiels publiés parlent de -1.8 % de croissance économique », a rapporté Etzer Emile qui soutient que le pays est en récession économique en raison des taux de croissance négatifs enregistrés depuis 2019 (-1.5% en 2019, -3.3% en 2020 et -1.8% en 2021). « Une période de récession jamais enregistrée par l’économie depuis le coup d'État de 1991. »
Un déséquilibre richesse et indice de développement humain
Ironie du sort, alors que le pays est plus bas économiquement avec des chiffres de plus en plus inquiétants, la population haïtienne ne cesse de croître en inadéquation avec la richesse créée dans le pays. « Il sera beaucoup plus difficile de trouver de l’emploi, plus difficile de retrouver des ressources suffisantes pour vivre », prédit Etzer Emile car la population augmente de plus en plus.
2021, des croissances négatives pour tous les secteurs
Compte tenu du taux de croissance négatif du pays, les différents secteurs ont eux aussi suivi le mouvement. Le secteur primaire qui comprend l’agriculture -4.1%, le secteur secondaire comportant l’industrie -2.4% et le secteur tertiaire -2%. « Aucun des secteurs de l’économie n’a été performant » , regrette l’économiste qui impute la cause à une série de facteurs dont l’augmentation du prix de l’engrais.
Selon lui, le prix de l’engrais qui était de 500 gourdes pendant l’administration de René Garcia Préval est passé à 6 000 gourdes. « Quand le secteur agricole ne marche pas, beaucoup de personnes au niveau de la population s’appauvrissent », a fait remarquer Ezter Emile qui associe cette augmentation excessive à l’augmentation de l’engrais sur le marché international.
Selon Etzer Emile, sous les précédentes administrations dont celle de René Préval, l’engrais était subventionné. « Ce n’est plus le cas maintenant », a remarqué l’économiste qui ajoute que les investissements publics ont complètement baissé en 2021. « J’ai pu écouter le ministre Michel Patrick Bois-vert dans Rendez-vous économique, il a déclaré que le gouvernement haïtien a fait 9 milliards de gourdes comme investissement public », a déclaré le coordonnateur de programme à l’UNIQ qui souligne que « 60% de ce montant a été destiné à la centrale de Carrefour ». « Mis à part cela, rien d’autre n’a été fait comme investissement dans l’économie. C’est l’investissement public qui peut avoir de l’impact sur les conditions de vie », dit-il précisant qu’avec aussi peu d’investissements, le chemin du développement est très loin.
Aussi chaotiques que ces chiffres puissent paraître, le pire n’est pas encore là. Selon l’économiste, durant l’année 2021, les recettes collectées par l’Etat ne sont pas arrivées à couvrir même un tiers de ce que nécessitent les dépenses. « L’argent que dépense l’Etat sort dans des prêts à l’interne dont 49 milliards de gourdes à la BRH en 2021, 36 milliards de gourdes à la BNC, ONA et les banques privées », détaille Etzer Emile.
2021-2022, un exercice mal débuté
Si les investissements publics n’ont pas été au rendez-vous en 2021, les actions posées durant le premier trimestre de 2022 présagent une situation similaire à 2021 voire pire. « Quand je regarde les dépenses de l’Etat, les investissements publics sont, pour le moment, nuls. Encore une fois, nous débutons une année durant laquelle l'Etat n’a pris aucune initiative peu importe le secteur », a signalé l’auteur du livre : « Haïti a choisi d’être un pays pauvre ».
A côté du peu d’investissements publics qui ne pourra pas changer les conditions de vie de la population, la situation d’insécurité alimentaire risque de s’aggraver en 2022 car, selon Etzer Emile, les prévisions font croire à une augmentation mondiale excessive des prix des produits de première nécessité. « Des économistes craignent un même scénario que celui de 2008 où nous avons connu des émeutes de la faim dépendamment de la façon dont évoluent les prix sur le marché international au niveau des principales denrées alimentaires », selon Etzer Emile, tirant la sonnette d’alarme.
Les chiffres publiés l’année dernière par l’Organisation des Nations-unies faisaient état de 4 millions d’Haïtiens en situation d’insécurité alimentaire aiguë entre août 2020 et février 2021.
Malgré une situation aussi délétère avec une inflation galopante à deux chiffres, les salaires des employés dans le privé tout comme dans le public restent inchangés. Alors que, selon les prescrits de la loi, le salaire de tout employé doit être révisé au cas où l’inflation atteint une augmentation de plus de 10%.
« C’est extrêmement compliqué car le dernier rapport sur l’inflation est de 24.6%. Il faudrait bien qu’il y ait au moins une augmentation de 24.6% pour avoir le même niveau de vie que celui de l’an passé », selon l’économiste Etzer Emile.
Par Daniel Zéphyr