NEW-YORK, dimanche 31 août 2025, (RHINEWS)– Ce mois de septembre 2025, le Conseil de sécurité des Nations Unies pourrait franchir un tournant décisif concernant la crise sécuritaire et humanitaire en Haïti. Selon les informations publiées le 29 août dans les prévisions mensuelles du Conseil, les États-Unis et le Panama, co-auteurs du dossier haïtien, « pourraient chercher à obtenir l’autorisation du Conseil pour une mission multinationale reconfigurée de lutte contre les gangs armés, ainsi que la création d’un bureau d’appui de l’ONU chargé de fournir un soutien logistique et opérationnel à cette force ». Cette nouvelle mission viendrait remplacer l’actuelle Mission multinationale d’appui à la sécurité (MSS), dont le mandat expire le 2 octobre 2025.
Dès octobre 2022, le gouvernement haïtien avait lancé un appel pressant pour le déploiement d’« une force internationale spécialisée » afin de soutenir la PNH. Le Secrétaire général António Guterres avait alors recommandé « qu’un ou plusieurs États membres, agissant bilatéralement en coopération avec le gouvernement haïtien, déploient de toute urgence une force d’action rapide ». En juillet 2023, le Kenya s’était engagé à prendre la tête de cette force, avant que le Conseil de sécurité n’adopte, le 2 octobre 2023, la résolution 2699 autorisant la création de la MSS.
Mais la mission n’a cessé de buter sur le manque de moyens. Prévue initialement pour février 2024 avec 2 500 agents, son déploiement a été reporté à plusieurs reprises, faute de financements et d’équipements. Le premier contingent n’est arrivé qu’en juin 2024, et à ce jour, « seulement environ 1 000 personnels sont effectivement déployés », bien loin des effectifs prévus.
En février 2025, le Secrétaire général a proposé la création d’un bureau d’appui de l’ONU chargé de fournir hébergement, capacités médicales, mobilité et soutien technologique à la mission. Après plusieurs réunions infructueuses, les discussions se sont accélérées en août. Le 28 août, lors d’un briefing public sur Haïti, les États-Unis ont confirmé qu’avec le Panama, ils soumettraient au Conseil un projet de résolution pour établir « une Force de répression des gangs et un Bureau de soutien de l’ONU pour fournir un appui logistique aux efforts sur le terrain ».
Parallèlement, l’Organisation des États américains (OEA) a présenté le 20 août un « plan d’action en faveur d’une feuille de route haïtienne pour la stabilité et la paix », structuré en cinq volets allant de la sécurité à la gouvernance, en passant par l’aide humanitaire et le développement. Ce plan chiffre à 2,6 milliards de dollars les besoins, dont plus de la moitié pour la stabilisation sécuritaire.
La situation humanitaire, elle, demeure dramatique. António Guterres a dénoncé un « bilan humanitaire accablant » : 1,3 million de déplacés internes – dont la moitié sont des enfants –, six millions de personnes nécessitant une aide, une insécurité alimentaire aiguë croissante et des humanitaires menacés par « violences, extorsions et enlèvements ». Les violences sexuelles liées aux conflits ont également atteint des niveaux alarmants. Selon le Bureau intégré de l’ONU en Haïti (BINUH), 708 cas de violences sexuelles ont été vérifiés en 2024, tandis que les organisations humanitaires en ont recensé 3 598. Le Secrétaire général a exhorté la communauté internationale à « renforcer la protection des civils et garantir une assistance complète et une justice pour les survivants ».
Le régime des sanctions s’est lui aussi renforcé. Le 8 juillet, le comité 2653 a inscrit sur sa liste noire les gangs Viv Ansanm et Gran Grif dans leur totalité, une première. Le 15 juillet, l’Union européenne a sanctionné trois chefs de gangs pour menaces contre la paix et la stabilité.
À l’approche d’échéances cruciales, le Conseil de sécurité doit trancher : autoriser ou non la nouvelle force multinationale et le bureau de soutien de l’ONU, tout en décidant du futur de la MSS dont le mandat arrive à expiration. Les débats promettent d’être serrés. Si les membres s’accordent sur la gravité de la crise et la nécessité d’une solution haïtienne, les divergences demeurent sur la forme de l’engagement international. La Chine et la Russie avaient déjà rejeté en 2024 l’idée de transformer la MSS en opération de maintien de la paix, tandis que la France, le Royaume-Uni et plusieurs membres élus (E10) plaidaient pour une réponse rapide aux recommandations du Secrétaire général.
Le financement est un autre nœud de discorde. Le bureau d’appui proposé serait financé par les contributions obligatoires des opérations de maintien de la paix, mais la mission multinationale resterait tributaire de contributions volontaires. Or, les incertitudes budgétaires persistent, alors même que le système onusien traverse une grave crise de liquidités et que les États-Unis menacent de cesser leur financement des opérations de maintien de la paix en 2026.
« Le Conseil est uni dans son inquiétude pour Haïti, mais divisé sur la meilleure façon de répondre », résume un diplomate onusien. Le mois de septembre sera déterminant pour savoir si la communauté internationale peut enfin doter Haïti d’un cadre sécuritaire et logistique à la hauteur des défis, ou si l’impasse persistera au risque d’aggraver encore l’effondrement de l’État et la souffrance de sa population.