Où va la crise politique ?
MIAMI, 31 Juillet – Le nouveau premier ministre nommé et son gouvernement ne semblent même pas pouvoir atteindre le stade de la tentative de ratification parlementaire qu’ils ont disparu dans les oubliettes de l’histoire.
Aussi la question : pourquoi cette initiative ?
Au moins le dernier premier ministre nommé sortant Mr. Jean Michel Lapin a fait 3 mois à exécuter les affaires courantes, dont un effort de calmer le mécontentement dans les quartiers populaires par quelques initiatives d’apaisement social ; présider le conseil supérieur de la police nationale (CSPN) en encourageant le corps de police à ne pas baisser pavillon devant les gangs, c’est pendant l’intermède Lapin que sont maitrisés les deux plus puissants chefs de gang : Tije et Anel.
Cependant Jean Michel Lapin s’est vu refuser la ratification par les deux branches du parlement. Point !
Il y a une semaine le président Jovenel Moïse annonce le choix d’un nouveau premier ministre, son quatrième en un peu plus d’un an (Jack Guy Lafontant, succédé par Jean Henry Céant, puis Jean Michel Lapin et aujourd’hui Fritz William Michel).
Jack Guy Lafontant c’était le confident et complice ; Jean Henry Céant, notaire universellement connu, devait être Zorro puisque nommé (et aussitôt ratifié) pour venir éteindre les flammes des émeutes surprise des 6 et 7 juillet 2018 ; Jean Michel Lapin c’est l’outsider (le fonctionnaire plus soucieux de résultats que de calcul politique) cela lorsque le président commença à réaliser que l’ennemi était dans son sein (‘se rat kay ka p manje pay kay’), par contre qu’est ce qui explique la nomination du nouveau premier ministre, Fritz William Michel ?
Signe particulier : totalement inconnu. Est-ce façon de dire qu’il n’appartient à aucune faction, qu’il n’est pas un politicien. C’est un homme neuf ?
Hélas, un petit tour sur les réseaux sociaux montre que ce monsieur a des dispositions politiques bien arrêtées, qu’il est un adepte convaincu du parti au pouvoir (un PHTK tête calée !), partisan de la ligne dure et, ce qui ne dérange rien, un laudateur du président américain Donald Trump.
Soudain même le président de la Chambre des députés, Mr Gary Bodeau, qui semblait avoir parrainé son choix vu ses déclarations après l’arrêté présidentiel confirmant la nomination, qui ne montre plus le même enthousiasme.
La nomination du ‘petit Michel’ comme l’écrit déjà une certaine presse, pas seulement à cause de son âge (38 ans), appartient-elle déjà au passé ?
Après seulement une semaine à la Primature où les ouvreuses n’ayant pas encore eu le temps de s’habituer à leur nouveau locataire, peuvent bien lui refuser l’entrée un de ces jours … Sans besoin d’un nouvel arrêté présidentiel.
Pourquoi la nomination de Fritz William Michel ?
Evidemment il y a toutes les interprétations qui fleurissent sur les réseaux sociaux : lutte des clans (pouvoirs économique et politique alliés) pour la domination dans le pillage des ressources du pays et condamner ses 11 millions d’habitants à une disparition prématurée, soit de pauvreté, soit de stress ; ou encore (et c’est plus important) décision de l’administration américaine pour tenter de percer, de briser la résistance rencontrée par son poulain (Jovenel Moïse s’entend) se révélant incapable de trouver des secteurs dans l’opposition qui acceptent de former le ‘gouvernement d’inclusion’ souhaité par les émissaires du Département d’Etat.
Alors pourquoi pas un jeune premier, un jeune premier ministre qui n’a jamais encore trempé dans aucune ‘magouille’ ?
Officiellement, oui mais …
Et une équipe gouvernementale tout aussi ‘new look’, n’est-ce pas.
Cela semble en effet le genre de calculs sortis tout droit des ‘think tanks’ (boites à penser) de Washington D.C. c’est-à-dire sans contact réel avec la réalité (vous m’excusez le pléonasme).
Comme on dit, trop beau pour être vrai !
Or le pouvoir en place a quant à lui des priorités plus terre à terre : la caisse publique est quasiment vide.
Alors vite le support budgétaire international. Le prêt de 120 millions du FMI, les promesses de la BID, de l’Union européenne …
Mais Trump n’est pas donnant, c’est là son moindre défaut. Or c’est bien entendu à Washington qu’il revient de donner le coup d’envoi.
Jusqu’ici les Américains ont exigé la mise en place d’un ‘gouvernement d’inclusion’ en vue de parer à la poursuite de la crise politique.
Comme l’opposition refuse de s’impliquer, est-ce que la nouvelle manœuvre aurait en effet le support du Département d’Etat … via les dollars verts versés à pas moins de trois firmes de lobbying dans la capitale fédérale américaine ?
Remplacer les opposants qui s’y refusent par des inconnus, qui plus est avec pour la première fois dans un gouvernement haïtien un respect total de la parité homme-femme, c’est pas beau ça, oui comme ce qu’on appelle chez nous du ‘cinéma gratis’, mais pour les lobbyists c’est du pareil au même puisqu’ils ont tout à y gagner et rien à perdre.
De toute évidence c’est une manœuvre conçue totalement en dehors de l’opposition. Et pas pour calmer la crise. Bien au contraire. Reste à savoir alors si ce n’est pas une nouvelle direction prise par le ‘puissant voisin’ ? Veye yo !
Mais est-ce que le parlement va ratifier ? Oui puisque le parti au pouvoir a la majorité dans les deux chambres.
Non si nos parlementaires s’estiment trop négligés … par rapport aux lobbyists !
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince