Unité de parole mais pas d’action !
PORT-AU-PRINCE, 13 Août – Il reste peu d’institutions qui ne souhaitent le départ du président Jovenel Moïse. Et pourtant !
A l’opposition dite radicale et aux Petrochallengers qui luttent des pieds et des mains depuis une année, aujourd’hui ce sont des institutions considérées traditionnellement comme plus réservées qui demandent aussi à l’actuel président de ‘rache son manioc’ (libérer le fauteuil présidentiel).
La cause est entendue. Participation à la dilapidation des fonds Petrocaribe ; échec à empêcher le pays de disparaître dans la pire crise économique des dernières décennies. Jovenel Moïse = zéro au quotient !
Aussi avant le temps de dire ouf voici des institutions considérées en temps normal comme quasiment apolitiques, qui se lancent aussi dans la mêlée.
Ce sont la conférence des pasteurs protestants ; l’église catholique et même le forum économique sont au bord de monter aussi à bord.
Les organisations de la société civile et celles des droits humains sont depuis longtemps à la tête du combat.
Pour ces dernières (associations de femmes, d’étudiants, de migrants etc) qui ne se comptent plus, ‘Jovenel Moïse a amené le déshonneur sur la nation.’
‘Le seul service qu’il ait rendu c’est d’avoir permis à la population de découvrir à quel point des commis de l’Etat, par leur rapacité, ont contribué à enfoncer le pays dans la misère’, lit-on dans une longue note signée par une dizaine de ces organisations.
‘Nous sommes indignés’ ...
En dernier lieu les écrivains (une bonne vingtaine) ‘prennent position et exigent la démission de Jovenel Moïse du pouvoir.’
‘Nous sommes indignés (…). Cette descente aux enfers de la nation est la conséquence d’un système social basé sur l’exclusion et un trop plein d’inégalités se traduisant en politique par une succession de régimes ou de tentatives autoritaires, loin de tous principes d’équité et de justice sociale.’
‘Dans la vie de chaque peuple viennent ces moments où il doit engager son histoire et son destin. Il est venu le temps du changement’, disent nos écrivains.
On croit revivre la veille du 7 février 1986 qui verra le renversement de la dictature Duvalier trentenaire.
Jovenel Moïse aura fait tant et si mal (et en si peu de temps). A moins que ce soit le système qu’il représente.
Tout cela autour d’un nouvel appel à manifestation pour le mercredi 14 août dont les échos proviennent des quatre points cardinaux.
Mais en ordre dispersé ...
Comme un ras-le-bol général.
Or c’est là que le bat blesse. La radio (qui est le medium le plus sollicité) résonne d’appels à ne pas rater le rendez-vous du mercredi en question mais si l’on peut dire … en ordre dispersé.
Syndicats ouvriers, syndicats des transporteurs, mouvements étudiants (ces derniers ont comme d’habitude dressé leurs propres barricades), société civile, opposition politique, etc.
L’appel est général mais sa matérialisation risque une fois encore de laisser à désirer.
Et la montagne d’accoucher, ou presque, d’une souris.
A la grande joie du pouvoir qui peut s’en prévaloir auprès de ses supports internationaux.
Qu’est ce qui pêche ?
Elémentaire. L’opposition n’est pas uniquement la somme des organisations qui prennent position, quel que soit leur nombre …
Une opposition pour être efficace, pour être effective doit mettre ses différentes forces en commun, doit dégager une alternative au pouvoir en place, et qui soit capable de remplacer celui-ci en tout temps et en tout lieu … et surtout capable de convaincre qui que ce soit, national et international, que le changement est prêt. Pas seulement en paroles, en discours mais aussi en stratégie et en cohésion.
5 X 5 vous donne déjà 25 ...
L’alternative si l’on peut dire ce n’est pas l’addition des unités ou des positions, voire de positions seulement théoriques, mais une opération de multiplication. Ce n’est pas 5 plus 5 égal 10 mais 5 multiplié par 5 vous donne déjà 25.
Tant que le mouvement pour renverser le pouvoir actuel, quelque inutile et choquant que soit celui-ci pour l’image même de notre pays (comme dit la lettre ouverte des intellectuels), tant que le ras le bol restera aussi dispersé, quoique uni, unitaire mais en esprit et pas encore suffisamment en actes, ou comme dit le créole sans un ‘tèt ansanm’ – ‘total-général-national-nationaux’, eh bien Jovenel Moïse pourra continuer à dormir sur ses deux oreilles.
Bien sûr la dégringolade du pays elle, n’attend pas, n’attend plus.
Il était une fois Haïti ! ...
Plus nos réactions se poursuivent dans la pagaille, et aussi dans un ‘quant à soi’ qui est notre marque de fabrique nationale, plus non seulement le pouvoir continue à gaspiller les ressources nationales, mais plus s’approche le jour, peut-être pas si éloigné, où on lira : Il était une fois Haïti !
Si la manifestation du mercredi 14 août pouvait être la preuve du contraire, tant mieux.
Mais qu’elle prouve surtout … que nous avons reçu le message.
Unité de parole mais aussi d’action
Qu’est devenu ce mot d’ordre des années 1970 : un peuple uni, ne sera jamais vaincu ?
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince