Retourner les insultes à notre avantage
MIAMI, 16 Janvier – Ce n'est pas seulement à cause de la violence de l'insulte proférée à notre égard par le président Donald Trump que vu l'immense mouvement de protestation auquel cela donne lieu, et sur plusieurs continents, que nous ne pouvons répondre de n'importe quelle façon.
Toute réaction de la part des Haïtiens, aussi bien officielle que privée, doit être proportionnelle à la nouvelle conjoncture soulevée.
Et spécialement en Haïti même.
Ce ne sont pas les discussions oiseuses sur les antennes, ni les manifestations 'de grenn gòch' ou improvisées à la hâte, qui conviennent au moment présent.
Au contraire tout ce qui n'a pas assez d'impact peut seulement vouloir dire que nous ne prenons pas l'insulte assez au sérieux et que nos réactions ne sont pas vraiment profondes et que ce sera vite oublié. Bref, comme disait l'autre, le peuple qui chante et danse sa misère ...
Après nous avoir traité de 'pays de merde', que disait le président Trump au lendemain devant les protestations soulevées par ses mots : « Je n'ai jamais dit que Haïti est un pays de merde. Je n'ai jamais dit 'Take them out', je m'entends très bien avec les Haïtiens. »
Et le président américain de poursuivre : tout le monde sait cependant que « Haïti est pauvre et que c'est un pays sujet à des troubles ».
Politiques, bien sûr.
Or justement, alors que Trump parlait ainsi une manifestation politique faisait rage dans la capitale haïtienne mais pour finir dans la désunion chez les parties prenantes.
Voilà donc notre instabilité politique prise comme excuse par le président du pays qui est censé avoir (et avoir eu) le plus d'influence sur notre politique. Trump retourne contre nous une instabilité dans laquelle Washington a une part de responsabilité probablement presqu'aussi grande que ... nos 'Comedians' (pour reprendre l'expression de Graham Green).
Il faut donc prendre garde à ne pas répondre à l'insulte en faisant étalage de la même instabilité.
A ne pas tomber dans le même piège. Comme toujours.
En un mot, Trump vient de mettre le doigt sur nos faiblesses en en énumérant les deux principales : la pauvreté et l'instabilité.
D'abord les deux conditionnent les réactions du gouvernement haïtien, que plus d'un considère comme manquant de punch, manquant de 'caractère' (comme dit le créole) devant la blessure à notre dignité nationale. Et raciale.


Mais l'opposition, même plus libre à ce sujet de ses mouvements, n'a pas forcément carte blanche pour étaler ses divisions actuelles, ses limitations, son absence de toute organisation pour toute réponse.
Sans vouloir fermer la bouche à aucun secteur, il serait mieux que l'on ne mélange pas la politique (forcément électoraliste étant donné la conjoncture et les thèmes du moment) à cela. Aussi bien côté opposition que du parti au pouvoir, dans un corps à corps en vue soi-disant de montrer qui se soucie le plus de la dignité nationale. Peut-être qu'on en oubliera le scandale des fonds Petrocaribe, n'est-ce pas !
Gare à la confusion, qui ne peut profiter qu'à l'insulteur. Qui nous dit quelle est sa véritable intention. Qui nous dit qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle forme de manipulation. Dans quel but ? Qui sait.
Devons-nous rester cependant les bras croisés ? Point du tout. Mais c'est un test pour tous les Haïtiens. Ce n'est pas seulement une insulte. Une insulte à notre dignité ! C'est trop théorique comme raisonnement. Mais un défi à notre capacité même à relever un tel défi. Bien sûr on sort automatiquement le drapeau dessalinien (du nom du fondateur de notre indépendance). Mais en sport, il y a ce qu'on appelle : transformer l'essai !
C'est-à-dire retourner une situation à votre avantage. Les insultes du président Trump ont provoqué une levée de boucliers internationale. Les petits crétins 'racistes' de la Maison Blanche, (car Trump sans expérience politique ne fait que répéter ce qu'on lui glisse à l'oreille), ne connaissent pas le proverbe 'Ayiti se tè glise'.
Or voilà que c'est eux-mêmes qui nous ouvrent un horizon inattendu, qui font bondir l'image internationale d'Haïti.
Ce sont donc tous les secteurs de notre pays qui sont appelés à relever le défi. A transformer l'essai, comme on dit en sport. Pas seulement par des mots. Mais c'est nous tous qui par nos actes, devrions prouver que nous ne sommes pas des 'trous du cul', selon l'expression de la Maison blanche.
C'est nous tous qui sommes sollicités. Pas seulement les politiciens, les journalistes et les artistes. Tous, jusqu'au simple citoyen, comme celui qui jette ses déchets directement sur la rue transformant en effet la capitale en un (je n'ose dire le mot).
Mais tous ceux qui ont une certaine influence, que ce soit politique, économique, sociale, culturelle etc.
Rappelez-vous quel rôle fut joué dans la fin de l'Occupation américaine de notre pays (1915-1934) par une nouvelle catégorie d'acteurs sociaux regroupés dans un mouvement baptisé l'Indigénisme.
C'est-à-dire haïtien 'natif natal.'
Mouvement dont l'esprit gagna les pays voisins. Ce fut 'Ainsi parla l'oncle' de Jean Price-Mars, inspirant le Sénégalais Senghor et le Martiniquais Aimé Césaire ; ce fut Jacques Roumain, les Cubains Nicolas Guillén et Alejo Carpentier et le poète Afro-américain Langston Hugues. Etc.
Ce fut aussi un peu plus tard le grand mouvement touristique des années 1950 en Haïti.
Nous bénéficions cette semaine d'une sorte d'engouement international qui pourrait déboucher, si nous le voulions, sur une fin aussi heureuse.
A condition de mettre de côté les profiteurs de toutes catégories qui ne progressent que justement sur les maux qui alimentent les insultes des Trump et Co.
Retourner l'insulte à notre avantage, ou comme dit le créole : 'fè men m krache a retonbe sou pwent nen lennmi.'
Yes we can !

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince