Haïti-Diaspora : même combat !
JACMEL, 1er Septembre – A l’appel du hashtag#Petrocaribechallenge, la communauté haïtienne de Montréal manifestera ce samedi (1er septembre) pour demander que les présumés dilapidateurs des fonds Petrocaribe (3,8 milliards de dollars détournés du trésor national) soient retournés dans la caisse publique et que les présumés dilapidateurs (certains anciens et actuels dirigeants ainsi que des entrepreneurs privés) soient forcés de reconnaître leur tort.
La démonstration à Montréal partie devant la statue dans cette ville d’un héros de la guerre de libération d’Haïti (1804), Toussaint Louverture, devait se terminer devant le consulat d’Haïti.
Tandis que la communauté haïtienne de New York (USA) devrait relever le gant à son tour le lundi 3 septembre, à l’occasion du défilé traditionnel de la fête du Labor Day (Jour du travail).
Le dossier Petrocaribe est devenu le sujet numéro 1 de l’actualité nationale, surpassant même les démêlés autour du choix puis de la ratification d’un nouveau Premier ministre, en l’occurrence le notaire et ex-candidat à la présidence, Jean-Marie Céant et le choix du nouveau cabinet ministériel, cela dans une interminable attente de près d’un mois déjà.
Dans les rues de Port-au-Prince, s’il n’y a pas encore eu de confrontation directe entre les pour et contre un procès Petrocaribe, par contre les affiches appelant à la manifestation du vendredi 24 août devant la Cour supérieure des comptes qui doit apporter des pièces vitales au dossier, ont été détruites par des commandos d’individus pas si inconnus.
Cependant depuis que le mouvement a gagné les fameux réseaux sociaux (Whatsapp, Facebook, Instagram etc) c’est la diaspora qui s’enflamme.
Après Montréal et New York, d’autres place-fortes de la communauté haïtienne à l’étranger vont prendre la relève. Probablement Miami Little-Haïti, West-Palm Beach (aux portes mêmes de la résidence floridienne du président Donald Trump, Mar-a-Lago) etc.
La diaspora a cela pour de bon qu’elle est une plateforme essentielle pour sensibiliser l’opinion internationale à une cause qui tient à cœur à la nation haïtienne.
Ceci depuis la longue lutte contre la dictature Duvalier (1957-1986), pendant les longues années où cette dernière avait le contrôle total et où les seules voix dissidentes ne pouvaient venir que de l’extérieur (USA, Cuba …).
Cependant la diaspora a ses limites. Elle ne vit pas directement la situation, elle n’est pas plongée dans les contradictions du milieu alors que en Haïti c’est le plus grave problème – les Haïtiens ont tendance à s’empêtrer eux-mêmes dans leurs difficultés, à cause d’un manque de confiance de la part des uns envers les autres ; or étant loin de cette contradiction, hélas bien réelle, la diaspora a-t-elle tendance à idéaliser Haïti !
Haïti … ainsi que certains Haïtiens qui bénéficient momentanément d’une certaine ferveur populaire, mais avant même qu’ils aient vraiment fait leurs preuves.
Puis c’est encore la diaspora qui est la première à en faire le reproche aux compatriotes vivant au pays. Au pays réel.
Nous avons vécu cette situation plus d’une fois depuis le renversement du régime dictatorial le 7 février 1986.
Déjà le ratage du processus démocratique que nous subissons aujourd’hui, y tient aussi pour une bonne part.
Rentrés au pays après un exil de 29 années, la plupart de nos leaders politiques n’avaient ni un plan bien établi pour le relèvement national. Et surtout peu d’entente entre eux.
La solution aujourd’hui ne pourrait donc venir que d’un leadership commun (nous insistons, surtout parfaitement intégré) entre ceux du pays et ceux en diaspora.
En commençant par vaincre certains préjugés telles que : la diaspora comme réserve de cadres, outre les plus de 2 milliards l’an en transferts annuels au pays, tandis que ceux du pays considèrent nos frères du dehors comme des ‘snobs’ qui ne peuvent rien comprendre à la réalité du terrain.
Ceci dit, le pouvoir en Haïti et les richesses du pays étant aujourd’hui le monopole d’un tout petit groupe capable d’étouffer toute initiative locale, seule une campagne d’opinion à l’échelle internationale qui peut permettre aux voix de l’intérieur d’être entendues.
Et c’est là que les réseaux sociaux apportent un changement sans précédent.
Le moindre fait de l’actualité en Haïti est catapulté aux quatre coins de la terre et peut à l’occasion interpeller la conscience universelle.
Aujourd’hui que partout, de Washington à Pretoria, de Sidney à Buenos Aires etc la lutte contre la corruption est le nouvel évangile, le dossier Petrocaribe a lui aussi des chances d’être entendu.
De plus, aux Etats-Unis ce sera dans deux mois, le 6 novembre prochain, ce qu’on appelle les élections de mi-mandat, ou renouvellement d’une bonne partie des membres du Sénat et surtout de la Chambre des représentants.
Or il est possible de mobiliser le vote des Haïtiens-Américains pour sensibiliser à leur cause les futurs élus dans leur circonscription respective.
Comme on avait su le faire dans les années 1991-1994 pour établir comme un ‘deal’ avec le futur président élu Bill Cinton, pour ne pas abandonner Haïti sous la botte des militaires putschistes.
Une fois la question apparemment réglée, la suite, une fois de plus, ne plaira peut-être pas à tout le monde. Entre autres, à cause de cette différence d’approche entre une diaspora qui rêve d’un pays idéal, mais avec toujours les moyens du bord et de l’autre côté un pays réel toujours englué dans les contractions individuelles même les plus banales, mais qui ne favorisent aucun mouvement d’ensemble.
Est-ce que aujourd’hui les réseaux sociaux, qui ont les moyens d’incarner aussi une véritable révolution au niveau des mœurs, pourraient servir à corriger aussi cette grave dichotomie – en vue d’atteindre une solution mieux partagée.
Pourquoi pas !
Haïti en Marche, 1er Septembre 2018