JACMEL, 24 Juin – La Minustah n'a pas apporté la stabilité au sens normal du terme, la preuve en est qu'au moment où elle plie bagages, après 13 ans de présence, notre pays est classé (par les institutions internationales les plus reconnues) parmi les 4 ou 5 les plus à risques pour les investissements extérieurs tandis que le Département d'Etat américain recommande aux citoyens américains de ne pas voyager en Haïti si ce n'est pas obligatoire.
Est-ce que nous nous sommes trompés sur le terme 'stabilisation' : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti ?
En attendant qu'on nous explique un jour que le mot 'Justice' dans la dénomination de la nouvelle mission : 'Mission des Nations Unies pour la Justice en Haïti' (Minujusth) ce n'est pas non plus ce qu'on croit.
Pour les Nations Unies, la Minustah a fait son travail puisque, entretemps, 3 présidents de la république ont pu être élus (René Préval, Michel Martelly et Jovenel Moïse) et les deux premiers terminer jusqu'au bout leur mandat.
Oui mais il y a aussi les cas d'abus sexuels reprochés à des casques bleus (canadiens et sud-américains). Oui, mais pour une raison ou une autre, cela fait moins de bruit que les mêmes torts commis sous le même drapeau des Nations Unies en République centrafricaine quand c'est par des soldats onusiens natifs d'autres pays d'Afrique !
Par contre il n'y a pas moyen de faire également passer par pertes et profits le cholera.
Après plusieurs années de dénégation, le Secrétaire général sortant, Ban Ki-moon, a fait son pèlerinage à Jérusalem.
Aujourd'hui l'ONU s'est engagée à collecter US$ 400 millions pour l'éradication du cholera en Haïti : eau potable et assainissement à l'échelle nationale.
Haïti n'aura pas un 'cent' ...
Cependant les temps sont difficiles ! Sans hypocrisie, le président Trump a déclaré que son administration ne donnera pas un 'cent', la tâche s'annonce donc bien difficile pour l'envoyée spéciale Josette Sheeran, chargée par les Nations Unies de cette collecte.
De toutes façons, quel que soit le montant obtenu, tout ce que peut souhaiter le citoyen haïtien c'est qu'il n'aboutisse pas dans le trésor public haïtien car il connaitrait le même sort que ... les fonds Petrocaribe (crédit de plus d'un milliard de dollars à un taux négligeable consenti sur le pétrole vénézuélien vendu en Haïti) !
Même le dossier cholera qui n'a plus le même retentissement qu'au début. Peut-être parce que trop s'en servent pour alimenter leur capital politique ...
Une présence symbolique ...
Ainsi à l'heure du départ de la mission internationale (pour commencer départ auquel beaucoup n'osaient pas croire), la question qui démange (en même temps qui dérange), c'est sommes-nous prêts à combler le vide ?
Ce n'est pas, comme cela aurait dû être, quel est le bilan de la Minustah ?
Non, c'est beaucoup plus large si l'on peut dire. Comme si Haïti est un pays où rien ne peut réussir, on le sait à l'avance ; la seule question c'est 'what's next', que peut-on encore faire ?
C'est ainsi que l'observateur étranger (et même impartial) probablement le voit. Ou en tout cas, n'est pas loin de le voir.
Bref, est-ce que le seul mythe de la présence étrangère levé ou disparu, on ne va pas recommencer les mêmes extravagances qui ont conduit à son atterrissage dans nos murs en mars 2004 ?
Autrement dit il faut être arrivé à ce moment précis (comme dit le créole : 'nan lye vérité n') pour comprendre que la Minustah devait être dès le début : une simple présence symbolique.
Oui, symbolique.
Un épouvantail, oui, destiné par conséquent à désamorcer toutes nos folies. Nos enfantillages !
Trente ans à jouer avec des allumettes (de la chute de la dictature Duvalier en février 1986).
'Se chak koukou klere pou tou je w !' ...
Le résultat : il est sous nos yeux. Le résultat : la présence des bottes étrangères (oui, au pays de Dessalines, comme disent nos apprentis démagogues) mais qui n'a rien mangé, nous n'avons rien appris, c'est évident, et sommes prêts à recommencer de plus bel.
La seule différence, attention, aujourd'hui c'est le contexte international qui, lui, n'est plus le même. Mr Trump le dit : America first ! En créole : 'se chak koukou klere pou tou je w !'
On peut parier aujourd'hui que la prochaine fois il n'y aura pas de mission internationale mais qu'on nous laissera totalement disparaître dans nos propres flammes, celles que nous aurons allumées et qui finiront par tous nous emporter.
Une 'implosion' ...
Comme quoi, et on peut parier que c'est ce que les stratèges internationaux, (les fameux 'think thank') de Washington ou de Paris, pensent aujourd'hui : Haïti, quoi qu'on fasse, est condamnée à disparaître.
Mais il faut faire en sorte que sa disparition affecte le moins possible le reste du monde. A commencer par les pays de la région.
Il faut que ce soit ce qu'on appelle une 'implosion', c'est-à-dire un phénomène contrôlé pour agir sur place, un phénomène en circuit fermé, confiné dans un cordon sanitaire, disons cyniquement comme le séisme du 12 janvier 2010, contrairement à une explosion.
'Alea jacta es' ...
Nous sommes d'autant plus renforcés dans cette conviction, que les responsables ne font rien pour prévenir cette suite de l'histoire.
Ni les responsables nationaux. Ni les internationaux.
Il serait tout à fait normal que l'on explique à la population le sens de la présence étrangère. Pourquoi elle était venue. Ce qu'elle a pu accomplir. Et ce que le pays doit faire lui-même pour ne pas retomber dans la même situation.
C'est un grand moment dans la vie de la nation et qu'il importe de bien mettre en lumière.
Mais rien.
Comme quoi 'alea jacta es', le sort en est jeté ; comme si le sort d'Haïti était déjà scellé !
Haïti en Marche, 24 Juin 2017