MIAMI, 27 Août – Port-au-Prince - Kaboul même combat. Oui c’est un jeu de mot trop facile. Et pourtant ! Car comme dit le créole : ‘piti piti zwazo fè nich li’, c’est lentement que l’oiseau bâtit son nid.
Dans l’actualité locale c’est une communication de l’Ambassade de France aux autorités en place pour rapporter des menaces reçues de la part d’un gang très actif dans la capitale haïtienne.
La section consulaire de l’Ambassade se trouve depuis toujours au centre-ville de Port-au-Prince (au Champ de mars).
Or voici, d’après la note qui circule dans la presse haïtienne (y compris en ligne), que des inconnus auraient contacté la mission pour réclamer d’être payés afin d’assurer la sécurité de ses membres, particulièrement ses ‘agents de sécurité.’
Selon la presse haïtienne, il s’agirait de la bande à IZO, tout puissant chef de gang de la localité dénommée Village de Dieu (Port-au-Prince), là même où des blindés de la Police nationale ont été mis en échec le 13 mars 2021.
L’Ambassade dit remettre son sort aux mains des autorités officielles du pays, principalement de la Police nationale.
Depuis quelques années, et phénomène renforcé sous la présidence du défunt Jovenel Moïse, lui-même assassiné dans sa résidence le 7 juillet écoulé, le pays est livré entièrement à un nouveau phénomène, une étape de plus dans sa transformation quasi inexorable en un Etat de non droit : l’occupation de portions entières du territoire national par ce qu’on appelle des ‘gangs armés’.
On a vu le pouvoir et son opposition se renvoyer constamment la balle, à savoir pour qui roulent les gangs ?
Le secteur privé a aussitôt été soupçonné de les utiliser pour protéger ses entreprises.
Aujourd’hui, avec la mort brutale du président, ces divers camps se retrouvent d’une certaine façon à égalité, vu la nécessité de rebattre les cartes, pour repartir.
Mais les gangs n’ont pas l’intention d’accepter le chômage forcé, serait-ce aujourd’hui la condition générale, renforcée par le séisme qui vient de frapper durement trois départements géographiques du pays qui sont des greniers alimentaires indispensables.
Par conséquent, encore plus qu’avant les loups sortent des bois.
Personne désormais n’est exempt. Jusqu’à menacer les missions diplomatiques étrangères.
Alors Kaboul - Haïti, aucune relation ? Qu’en pensez-vous ?
Gangs en Haïti – Terroristes en Afghanistan, bien sûr c’est pas pareil.
Mais ce n’est pas une différence tellement de nature que plutôt de degré. Ne voit-on pas les gangs qui évoluent jour après jour sous nos yeux, en quête de nouvelles victimes, de nouveaux territoires de chasse.
Après avoir écumé tous les milieux locaux : enlèvements de professionnels, milieux d’affaires, ecclésiastiques, autant que les petites gens, beaucoup de ces derniers ont pu renforcer leur sécurité, quitte à laisser le pays si l’on peut.
Voilà donc qu’en dernier lieu la menace se tourne vers les milieux internationaux.
Pardon vers le corps diplomatique lui-même.
Alors Kaboul – Haïti, toujours aucun rapport ?
Car la seule différence ce serait si les autorités haïtiennes auxquelles s’adresse aujourd’hui la mission française, y pouvaient effectivement quelque chose.
Personne n’y croit.
Outre que ce n‘est pas une simple question de vol et d’extorsion, accompagné souvent aussi de meurtre, mais on a affaire à des bandes d’individus armés jusqu’aux dents et qui ont pu plusieurs fois mettre en déroute les forces de l’ordre locales.
Donc sûres de leur suprématie.
Et ne sachant gagner autrement leur vie.
Et voilà qui rend possible la dernière étape du passage du simple banditisme local … au terrorisme international.
Peut-être qu’en Haïti on est mûr pour que cette étape soit franchie. Tout comme en France plusieurs recrues djihadistes étaient des enfants perdus des quartiers négligés.
Ainsi, et comme cela vient donc peut-être de commencer, la menace est donc désormais autant pour les représentations chez nous des grandes puissances en question que pour les locaux, sinon davantage encore.
Comme hier les ‘enfants soldats’ dans certains coins de l’Africa-mater. Entrainés malgré eux dans un cataclysme universel.
En Haïti on est très peu porté vers l’analyse de perspective. Ce qui explique que la situation nous ait aujourd’hui totalement échappé.
Alors Kaboul - Haïti, est-ce toujours tellement loin ?
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 27 Août 2021