On est tous dans le même bateau

PORT-AU-PRINCE, 18 Août – C’est partout la catastrophe. Une semaine avant le séisme d’Haïti, c’était des incendies de forêt en Turquie et en Grèce liés à des températures extrêmes peu ordinaires ; en Europe ce sont des inondations tout aussi surprenantes qui ont sévi en juillet en Allemagne et en Belgique ; puis des pluies torrentielles orageuses en Angleterre entrainant des inondations jusque dans les rues de Londres, provoquant des perturbations dans les transports, y compris le métro.
On parle en Allemagne d’un nouveau phénomène appelé la ‘goutte froide’ : ‘une masse d’air bloquée en haute altitude au-dessus d’une zone, se traduisant par une forte instabilité et conséquemment des inondations meurtrières.’
Oui parce qu’il y a mort d’hommes.
Les chiffres sont effarants : 279 en Allemagne ; 187 en Turquie ; 51 en Belgique ; 41 en Italie … Bilan provisoire au total : 1670 disparus.
Un mal qui répand la terreur, envoyé pour faire à toute l’humanité la guerre !
En Haïti dernier bilan provisoire du séisme du samedi 14 août écoulé : 2200 morts.
Désormais voici aussi la question du ‘réchauffement climatique’ au cœur partout des prochaines campagnes électorales.
Partout sauf en Haïti.
Encore une chance que les plus fanatiques pour avoir des élections cette année même, dont les Etats-Unis (notre allié en chef !), viennent d’accepter de reculer ces dernières.
Pas question donc d’écouter les fondamentalistes ou les millénaristes, ceux d’Haïti comme d’ailleurs, qui ont vite inscrit le nouveau séisme dans le cadre de leur évangile annonçant la fin du monde à nos portes, et comme qui dirait en Haïti déjà commencée.
Après le 12 janvier 2010, les rues de Port-au-Prince ont été envahies par des sectes venues du Sud profond des Etats-Unis pour mettre la catastrophe sur le dos de, devinez : notre pauvre Boukman.
Dutty Boukman, esclave de Saint-Domingue, né à la Jamaïque, premier hougan ou prêtre vodou reconnu dans notre Histoire, présida, le 14 août 1791, la cérémonie dite du Bois Caïman, qui préfigura la révolte générale des esclaves contre le colon français.
Il fut tué, décapité et sa tête exposée … mais cela ne changera rien à la marche comme on dit inexorable de l’Histoire.

On parle de ‘réchauffement climatique’. Traduisez ‘dérèglement général dans tout ce que nous avions considéré jusqu’ici comme normal et tout à fait naturel’ …

Aujourd’hui d’autres colons serait-ce par mentalité, voudraient nous faire porter la charge (responsabilité) du nouveau séisme qui frappe cruellement nos populations du grand Sud … comme à nouveau une punition.


Haïti la plus pauvre, la plus sale, la souillon, condamnée à disparaitre dans les feux de l’enfer pour la punir !
De quoi ?
De l’incompétence de ses dirigeants, de la corruption généralisée dans laquelle ont versé ces derniers.
Ah !
Sans avoir besoin de recourir aux arguments tels que : Avons-nous Haïtiens jamais fait aucun mal à aucun autre peuple ou race ou population ni aux immigrants d’aucun pays ou d’aucune race venant chercher abri chez nous ? …
Sans tomber dans pareille ‘petitesse’ mais appelons un chat un chat : qui a au contraire bénéficié de ce dérèglement qui caractérise nos dirigeants jusqu’aux plus récents (penser aux paquets de plusieurs dizaines de millions de dollars en cash qu’on aurait retrouvé chez le président assassiné le 7 juillet dernier … à quelles fins les destinait-il ?) ; où sont investis tous ces milliards volés à la pauvre économie haïtienne … sinon dans les comptes en banque et l’immobilier de luxe dans ces mêmes pays dont les porte-parole, officiels et officieux, profitent de toute circonstance pour tenter de nous trainer dans la boue et nous faire souffrir aussi moralement.
Vrai ou non ?

Où sont ‘les papillons de la Saint-Jean’ qui débarquaient chaque année au mois de mai pour disparaitre avec l’arrivée des fortes chaleurs de l’été. Et qui ne reviennent plus ? ...

Mais comme on vient de voir c’est nous tous qui sommes menacés par ces nouveaux phénomènes qui frappent toute la planète.
On parle de ‘réchauffement climatique’. Traduisez ‘dérèglement général dans tout ce que nous avions considéré jusque-là comme normal et tout à fait naturel.’
Comme dans notre enfance les papillons de la Saint-Jean qui débarquaient chaque année au mois de mai pour disparaitre avec l’arrivée des fortes chaleurs de l’été.
Et qui ne reviennent plus. Parce que nous avons trop déboisé sans établir le moindre lien entre les deux phénomènes.
Mais n’est-ce pas ce que l’on est en train de constater aussi à Miami Beach, l’un des joyaux de l’industrie touristique aux Etats-Unis mais construit à hauteur même de la mer si ce n’est au-dessous de son niveau. Or autre nouveau phénomène : la mer monte. Rien à voir avec notre ‘Maîtresse la Sirène’, hélas. Un premier condominium s’est récemment effondré en juin dernier. Pas moins de 121 morts.
Aussitôt toutes les constructions de même génération doivent être passées en revue.
Et voilà ce qu’il faut reprocher à nos dirigeants. Ce qui fait la différence avec ceux de tout autre pays.
Une absence totale de vision. En plus surtout de leur avidité, hélas.
Si un nouveau séisme frappait Port-au-Prince on se retrouverait aussi désemparé que l’on a été le 12 janvier 2010.
Aucune leçon n’a été tirée. Et cette semaine, n’était l’assistance internationale, en tête les Etats-Unis d’Amérique, on serait réduit uniquement à compter nos morts.
Que faire ?
C’est à nous Haïtiens de choisir, comme partout sur terre puisque c’est toute la terre qui est menacée. On reparle cette semaine des incendies de forêt en Californie : un coût de 10 à 15 milliards de dollars selon les compagnies d’assurances.

Pour un Ministère des Questions Climatiques, tout un département pourvu de toutes les ressources nécessaires, humaines et professionnelles, pour gérer la menace désormais évidente, perpétuelle, permanente, véritable épée de Damoclès …

On aura bientôt des élections. Probablement l’année prochaine. Et peut-être avec un remaniement constitutionnel mais concluant une large campagne ou consultation populaire sur les nouveaux fondamentaux de la nation.
Justement notre fameuse société civile, si tant est que cette expression recouvre encore une réalité, devrait exiger la création d’un nouveau Ministère des Questions Climatiques, tout un département pourvu de toutes les ressources nécessaires, humaines et professionnelles, pour gérer la menace désormais évidente, perpétuelle, permanente, cette épée de Damoclès : pas uniquement les séismes, même si ces derniers n’attendront plus désormais un siècle pour se manifester, peut-être désormais même pas 5 ans, et dans n’importe quel point du territoire national … par exemple le Cap-Haïtien (le grand Nord) qui est dans le viseur des sismologues … mais aussi suivre et expertiser toutes les autres manifestations d’un phénomène de bouleversement à l’échelle mondiale.
Cessons d’élire nos dirigeants sur des sujets farfelus comme leur talent d’affabulateur, de bonimenteur de foire ou de menteur tout court. Mais d’abord préparons nos futurs électeurs en les informant, les instruisant dans des domaines dont dépend la survie ou la disparition de notre Haïti Chérie.
Et non en se contentant d’ânonner par cœur, comme hier : ‘nos ancêtres les Gaulois’ !

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 18 Août 2021