Meurtres en haut-lieu et sans explications

Le Bâtonnier Monferrier Dorval tué
MIAMI, 29 Août – Nous entrons dans une autre catégorie d’assassinats. Celle des meurtres dits ciblés. Dont les victimes sont pour la plupart des personnalités connues et qui sont abattues on dirait sans raison apparente.
Dans le même temps qu’on rapporte au contraire une diminution au niveau des holdups ou vols à main armée souvent accompagnés aussi de meurtre mais ici davantage par accident, survenus plus par hasard.
En effet tous rapportent une certaine accalmie aux points traditionnellement chauds de la capitale (Martissant, Grand-Ravine, Village de Dieu, zone commerciale de Port-au-Prince etc) … et ce serait, dit-on, le résultat de l’alliance des gangs sous une même ombrelle, le fameux ‘G-9’.
Dès lors, de quoi ces derniers vivent-ils désormais ? Allez savoir.


Ont-ils franchi une étape supérieure dans le métier du gangstérisme comme le montrerait l’attaque, en plein Port-au-Prince, le lundi 24 août écoulé, du fourgon de la Direction générale des Impôts (DGI) qui a été un ‘sans-faute’ ou réussite parfaite puisque les bandits sont partis avec le pactole mais en faisant peu de dégâts, des blessés mais aucun mort.
Comme dans les célèbres ‘blockbuster’ avec Jean Gabin et Alain Delon : ‘Le Samourai’, ‘Le Doulos’, ‘Du rififi chez les hommes’ etc.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce grand coup qui fera l’actualité en fin de semaine, qu’une nouvelle série noire d’assassinats plus troublants que jamais auparavant parce que n’étant justifiés par aucun élément à charge évident.
Que ce soit celui du patron du populaire supermarché Piyay Market (ci-devant Piyay Nasyonal ), Michel (Toto) Saieh, abattu jeudi dans une avenue très fréquentée, Bourdon (Lalue) par des individus à moto mais qui ont mitraillé la voiture à l’arme automatique puis sont partis sans rien emporter. Donc des tueurs en mission.
Puis, dès le lendemain, vendredi, c’est l’exécution du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de la capitale, mais toujours sans tentative de vol assez évidente.
On apprend que Me. Monferrier Dorval, avocat de renom, professeur de droit constitutionnel à l’université d’Haïti, un citoyen engagé, apprécié de ses confrères et un exemple pour les nouvelles générations, a été abattu devant sa résidence, à Pèlerin, par des inconnus qui l’ont criblé de balles puis sont partis, ni vus ni connus.
Deux autres assassinats survenus dans le même temps semblent rejoindre en apparence cette même série noire : celui d’un autre entrepreneur, Jean Wilner Bobo, propriétaire de ‘Café Créole’, une boite de nuit de Pétionville (banlieue de la capitale), tué jeudi alors que (du moins selon l’agence de nouvelles Vant Bèf Info) il a été attaqué par des braqueurs tentant de le rançonner alors qu’il venait de garer sa voiture.
Tandis que le 4e cas concerne un animateur radio. Son nom Francky Bony. Il anime une émission humoristique, ‘Rigolo Terapi’, sur Caraïbes FM.
Frantz Adrien, dit Francky Bony, a été tué d’une balle à la tête près de l’Hôtel Oasis, également à Pétionville, ‘par des individus à bord d’un véhicule RAV4 de couleur noire’ (Rezonodwes).
Ces dernières informations devraient aider à retrouver les meurtriers. Mais encore une fois ce ne sont pas des petits braqueurs à moto ou à pied.
Alors qui ?
Que se passe-t-il ?
Comment interpréter cette nouvelle configuration du crime dans la capitale haïtienne ? Quels intérêts y interviennent ? Financiers ? Politiques ? Financiers et politiques en même temps ?
Crime organisé comme dans l’affaire du fourgon de la DGI détourné lundi dernier 24 août avec succès et sans grande effusion de sang, une sorte d’’Attaque du train postal’, le chef d’œuvre du genre, à l’haïtienne.
Crime organisé et à l’échelle internationale ? De même que (sous l’effet du Coronavirus qui contraint à la fermeture d’autres capitales du jeu et de la prostitution dans le reste du continent) notre pays serait en train de devenir un foyer international du casino et de la grande prostitution, faut s’attendre qu’une nouvelle forme de criminalité vienne avec. La pègre internationale.
Et ce n’est pas un hasard que ce soit Pétionville, banlieue traditionnellement huppée, qui figure le plus souvent dans cette chronique !
Mais comme on voyait plus haut, cela en même temps qu’on se plait à dire qu’il existe un calme apparent sur un plan plus général.
Les petites marchandes du centre commercial sont moins harcelées qu’auparavant par les petits voyous locaux. Ceux-ci, nous dit-on, pris en charge par le ‘G-9 et alliés’, là où le pouvoir en place et sa police ont piteusement échoué.
D’où ce sentiment que l’Etat en effet ne sert à rien. N’est d’aucun secours dans cette nouvelle chronique de meurtres de plus en plus hors du commun.
Pendant que la police nationale lance une opération plus publicitaire que tout, d’ailleurs son appellation style Robocop le dit bien : ‘Terminator 1’ (1er épisode ! ), eh bien dans le même temps débarquent désormais sur une base quotidienne des stocks de plus en plus lourds et de plus en plus anonymes d’armements automatiques et de munitions comme ceux qui ont réduit en passoire jeudi le véhicule dans lequel se trouvait ‘Toto’ Saieh, son épouse Gladys Saieh et leur chauffeur. Gladys en est sortie grièvement blessée. Et aussi le chauffeur, croyait-on sur le moment.
Oui désormais c’est par tous les ports ouverts (et non ouverts) du pays que débarquent (ouvertement ou presque) les fusils automatiques et les montagnes de munitions, aussi bien à Lafito, Saint Marc (Artibonite) qu’à Port-au-Paix (Nord-Ouest) et au warf de la capitale.
Et venant toujours de Miami, Floride.
Et neuf fois sur dix, aucune interpellation.
Haïti serait donc devenue la poubelle des Etats-Unis ou plutôt son sous-traitant pour le commerce international des armes.
Mais peut-on s’attendre à autre chose d’un pays qui figure en tête des plus grands scandales de détournement de la fortune nationale (plus de 4 milliards des fonds Petrocaribe envolés … plus ce qui continue aujourd’hui à suivre le même chemin puisqu’avec la garantie qu’il n’y aura jamais de comptes à rendre), c’est partant chaque semaine que l’actualité dans les médias locaux, sera encore plus noire.
Surtout si en échange du calme apparent que l’on dit apporté par le G-9 et compagnie, c’est livrer le pays à la pègre internationale.
Et nouveau ‘Code pénal’ à l’appui.
Conclusion : désormais le combat politique (y compris pour l’opposition) doit s’élargir pour comprendre d’autres domaines inconnus jusqu’ici chez nous.
En serons-nous capables ?

Marcus - Haïti en Marche, 29 Août 2020