Quelque chose de pourri !
PORT-AU-PRINCE, 29 Novembre – La seule réflexion qui vous vient à l'esprit est celle de Hamlet : 'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.'
Le peuple nous l'a indiqué depuis 5 années, lorsque retentit le refrain : 'ban m ti vakabon m souple'.
L'élection de Michel Martelly a été reçue dans la population comme celle d'un 'vagabond', en un mot d'une personne qui n'aurait pas dû être à cette place.
D'ailleurs le président élu a semblé même acquiescé à cette description.
D'ailleurs, qu'importe les prédispositions de ce dernier, le mot pourri signifie aussi et surtout ici la fin d'une époque ou d'un cycle, d'un phénomène qui avait été baptisé on ne sait trop par qui de 'processus de transition démocratique'. Cela de la fin de la tyrannie duvaliériste, le 7 février 1986, à date.
Donc résultat des courses : nous avions échoué. La transition est arrivée à sa fin, il y a 5 ans déjà. Et c'est échec et mat !
Pourri !
Dans la Bible, une branche pourrie doit être coupée. Mais de plus, jetée au feu. Disparition totale. Rejetée dans le néant. 'Ban m tè a blanch', vous vous en souvenez. Pour ne plus contaminer ce qui reste.
Voilà donc le message que le peuple nous a adressé lors de l'élection de Michel Martelly, le 4 avril 2011.
Mais nous avons fait semblant de ne rien entendre.
Pas étonnant donc qu'aujourd'hui cela empeste.
Et ça se sent ...
N'est-ce pas la conclusion logique à tirer des présidentielles du 25 Octobre dernier et de leurs résultats.
Avant toute autre considération, cela pue à plein nez. Cela sent. Et ça se sent.
Observateurs aussi bien nationaux que internationaux, en tout cas ceux de ces derniers qui soient réellement indépendants car il n'y a pas eu que les missions d'observation officielles (OEA, Union européenne, ONU ...), celles-là étant obligées de mettre des gants. Au sens propre du mot.
Pourri !
Ce mot signifie que le jugement aujourd'hui n'est pas seulement politique, mais d'une dimension encore plus grave. Gravissime.
C'est toute une façon de pensée qui doit être revue et corrigée. Pas seulement les procès-verbaux au Centre de tabulation des votes.
L'argent (politique) n'a pas d'odeur ...
Cependant n'ayons pas de complexes. Nous ne sommes pas le premier pays ni le seul auquel cela arrive.
Regardons ce qui se passe dans d'autres coins du monde. Par exemple les pays du Moyen Orient (Syrie, Irak, Liban, et nous osons même dire Israël).
Il y a même des grands pays qui auraient besoin de rectifier plus ou moins aujourd'hui la barre. De refaire l'alignement.
La résurgence du racisme anti-black aux Etats-Unis.
On peut parier que la France ne sortira pas sans des séquelles de la situation qu'elle vit depuis les attentats du 13 Novembre.
Mais tous ces pays savent qu'il leur faut prendre une décision majeure, qui bouscule ce qu'on appelle les idées reçues. A savoir qu'on doit toujours faire les choses comme ça, quitte à accumuler les échecs, parce que c'est ça ou c'est rien. Parce que c'est ainsi qu'on nous dit que c'est bien. On, c'est le 'blanc' bien sûr. Parce que celui-ci va jusqu'à nous payer pour faire les choses comme il l'entend. Parce que l'argent (politique) n'a pas d'odeur, tant que ce n'est pas l'argent de la drogue mais celui des élections, alors tant mieux.
Pestilence ...
Mais le peuple qui non seulement ne connaît pas la couleur de cet argent mais au contraire joue le rôle de monnaie d'échange, le peuple qui est payé en monnaie de singe, l'a exprimé clairement il y a cinq ans : c'est un jeu de 'vakabon.'
Et, 'vakabon k al nan mereng sa l pran se pa l', donc un jeu auquel il ne joue plus comme le montre le taux de participation cette année.
A peine 9% aux législatives du 9 Août. Et peut-être 27% le 25 Octobre pour les présidentielles, et encore c'est un chiffre officiel, donc qu'on n'est pas obligé de croire vu le degré de ... pestilence pour employer encore un terme biblique.
Car le paysan haïtien s'il connaît bien quelque chose c'est bien sa Bible car ne s'empresse-t-il, dès qu'il aperçoit une branche pourrie, de vite la couper d'un coup de machette, sinon avant peu c'est tout l'arbre qu'il faudra couper.
Puis de jeter au feu la branche coupée, pour que les parasites ne se propagent à tout le jardin.
Mais le temps presse. D'autant plus qu'il semblerait ne plus exister de vrais paysans en Haïti !
Voter ou pas voter ? ...
Pourri ! mot enfin qui veut dire en un mot : ne pouvant plus servir à rien. Elections sans enjeu. Voter ou pas voter, qu'est-ce que cela va changer ? En notre âme et conscience, rien.
Tout le monde sait qui sont les seuls gagnants.
D'abord l'international. Pour continuer à avoir bonne conscience. 'Le fardeau de l'homme blanc.' Haïti reste accrochée au train de la démocratie occidentale. Mais à quel prix ! Comme on dit, cela nous fait une belle jambe.
Et aussi pour d'autres intérêts que les commentateurs résument en un mot : inavouables.
Gladiateurs dans la fosse aux lions ...
Tandis que l'alternance démocratique censée assurer équilibre et stabilité permettant à toutes les tendances positives au sein d'une nation de pouvoir se succéder de manière pacifique et ordonnée pour le plus grand bien de cette nation, finit par n'être qu'un combat à mort comme les gladiateurs dans la fosse aux lions, pour arracher leur part de gloire.
Ou plutôt du cadavre. Celui qu'est devenue notre nation. Selon le mot du Hamlet de Shakespeare : il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.
Qu'allons nous faire ? En rester à cette simple constatation ?
Déjà cinq ans que le peuple en avait lancé l'alerte.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince