La vraie majorité silencieuse

PORT-AU-PRINCE, 29 Septembre – Tout le monde se plait à dire, et surtout depuis que les réseaux sociaux (whatsapp principalement) permettent à un grand nombre de s’exprimer en toute quiétude - que le peuple haïtien enfin a son mot à dire.
Cependant une catégorie, et non des moindres, reste totalement silencieuse. Ce ne sont pas ceux qu’on considère comme les plus pauvres, quoique personne qui ne soit touché par la crise actuelle. Ni comme les plus riches car ces derniers traditionnellement ne se prononcent pas sur les problèmes nationaux. Pas publiquement, en tout cas.
Appelons-les classes moyennes. Au niveau de la fortune. Socialement parlant. A moins d’être directement impliqué dans l’actualité politique - et encore ceux-là se comptent sur les doigts d’une seule main, on ne trouve désormais aucune trace de cette catégorie-là dans le grand débat qui agite aujourd’hui la nation.
Pourtant ils sont bien parmi nous. Pourquoi ne disent-ils mot ?
Trop occupés par leur survie. Comme tout un chacun.
Comme s’ils pensaient aussi que leur intervention, à quelque niveau que ce soit, ne peut rien y changer !
Comme quoi, tout est foutu ?
Alors que leur absence totale sur l’échiquier ne peut que profiter à nos fossoyeurs. C’est une loi de la nature.

Dictature à revers …
Définitivement il y a une classe qui n’en revient pas de cette chute brutale et totale-capitale traversée aujourd’hui par la nation.
On se croirait revenu sous la dictature Duvalier. Mais à revers. Ce n’est pas que la liberté d’expression n’existe pas aujourd’hui, mais c’est son inutilité qui immobiliserait certains.
On trouve parmi ceux-là différentes catégories de déçus de ces trente dernières années.


Déçus de l’expérience démocratique. Du moins jusqu’à l’entrée des forces internationales de maintien de la paix (2004).
Déçus de l’effort de développement que le pays semblait pouvoir amorcer … jusqu’au coup fatal du séisme de janvier 2010.
La dilapidation des fonds destinés au redémarrage (11 milliards d’assistance post-séisme et 3.8 milliards des fonds Petrocaribe) c’est le coup fatal.
Ne me parlez pas d’Haïti !
Sans tomber dans le même vocabulaire que le président Trump, disons : Haïti n’existe pas !
On se préoccupe plutôt de sauver sa peau. Et celle de ses plus proches. En essayant de caser ces derniers à l’étranger pendant que soi-même on lutte sur le terrain mais pour la survie … Et en fermant sa gueule.
Dans cette catégorie-là on en trouve, il est vrai, qui de tout temps n’ont jamais pris de risques.
Ceux-là qui ont attendu d’être totalement sûrs que Baby Doc avait pris l’avion, le 7 février 1986, pour remplacer sur leur voiture le drapeau noir et rouge des Duvalier par le bleu et rouge national.

Fatigue ? Déception ? Trahison ? …
Mais où sont aussi ceux et celles qui, une fois le départ des Tontons macoutes, ont participé en grand nombre à la lutte pour le triomphe de la démocratie et en faveur du développement national ?
Pourquoi cette démobilisation ?
Fatigue ? Déception ? Trahison ? Probablement un peu de tout.
Si ce n’est l’âge, contre lequel, on ne peut rien. Donc c’est aussi qu’on n’a pas su transmettre le flambeau.
Plein de choses qu’on n’a pas su comment faire, certainement.
Trop de pièges aussi placés à dessein sur votre chemin !

Sauvez l’honneur ! …
Mais une seule chose qui ne pardonne pas. C’est la désertion si l’occasion se présente à nouveau de réparer les erreurs passées.
Pour prendre ses responsabilités !
Les chevaliers d’autrefois disaient : Tout est perdu, fors l’honneur !
L’honneur c’est ne pas déserter le bon combat. Quel que soit quand il se présente.

Haïti en Marche, 29 Septembre 2018