PHTK contre Jovenel !

PORT-AU-PRINCE, 20 Avril - L’actualité est dominée par deux faits saillants : le défi lancé au pays entier, pour ne pas dire au monde entier, par le chef du gang qui maintient en otage 7 religieux catholiques (5 prêtres et deux sœurs), le dénommé ‘Lanmò 100 Jou’, chef du gang au nom aussi original (‘400 Mawozo)’, qui a annoncé lundi qu’il accorde 24 heures aux autorités de la république pour régler la rançon qu’il réclame en échange de la libération des otages, officiellement 1 million de dollars, sinon il ne répond pas de la vie de ces derniers …
L’autre grand titre, c’est une espèce de panique qui commence à régner au sein du parti au pouvoir et auquel appartient le président Jovenel Moïse.
Alors que la présidence continue à faire campagne pour son projet de referendum en vue de changer la Constitution en vigueur, sous prétexte que celle-ci est en elle-même un obstacle au développement du pays, ce sont les plus proches du chef de l’Etat qui ont entamé un mouvement de repli.
Ce sont l’ex-maire des Cayes (Sud) Gabriel Fortuné ; l’actuel président du Sénat, Joseph Lambert (élu du Sud-Est), ainsi que le président du parti au pouvoir, PHTK, Liné Balthazar, et d’autres.
Leur argumentaire : il ne reste pas suffisamment de temps avant la fin de l’actuel mandat présidentiel (7 février 2022) pour le référendum voulu par Jovenel Moïse alors que l’actuel pouvoir est supposé organiser aussi des élections législatives et présidentielles en vue de remettre le pouvoir constitutionnellement à un successeur élu.
Rappelons que pour l’opposition ledit mandat de l’actuel président a pris fin depuis le 7 février 2021 dernier en vertu d’une disposition de la même Constitution mais amendée.
Les nouveaux opposants au referendum sur la constitution prennent pour principal argument le retard enregistré dans la distribution de la nouvelle carte d’identification des électeurs.
On en est à un peu plus de 4 millions alors qu’il faut plus de 6 millions (la population totale d’Haïti est de quelque 12 millions d’âmes).
Evidemment c’est un tournant dans l’actualité politique, voire de la part de personnages connus comme des piliers du parti au pouvoir (le PHTK – Pati Ayisyen Tèt Kale) né avec l’ex-président Michel Joseph Martelly (2011-2016).
Or ce n’est pas l’opposition qui menace à ce point un parti politique ayant pour particularité qu’il ne repose sur aucune base idéologique, aucune idée socialo-politique particulière (l’opposition, remarquez-le, étant elle aussi actuellement un même fourre-tout sans un leadership particulier) - que uniquement sur l’intérêt de ses membres.
PHTK ou ‘Pati Ayisyen Tout Koulè poliyik’.
Qu’est-ce qui fait donc si peur au PHTK pour ouvrir ce conflit dans ses rangs et avec l’occupant actuel de la présidence, outre que ce dernier ne prétend pas à se reconduire au pouvoir.
Jovenel Moïse (et son principal allié, Washington, l’exige) doit laisser le pouvoir le 7 février 2022.
Alors il ne reste qu’une explication : les PHTK-istes ont peur d’être écartés du pouvoir si Jovenel Moïse continue d’en faire à sa tête.


Le programme du palais national : c’est le référendum pour changer la Constitution quelque part en juin, puis les élections législatives et présidentielles en novembre prochain.
C’est l’ordre du jour du nouveau premier ministre par interim, Claude Joseph, et de son gouvernement actuellement expédiant comme on dit les affaires courantes.
Dans leurs explications qui dominent depuis deux jours sur les antennes radiophoniques, les nouveaux anti referendum expliquent que ce n’est pas le changement constitutionnel en soi qu’ils combattent mais c’est le calendrier et quand ils disent que c’est parce qu’ils ne voient pas comment le pouvoir peut organiser à la fois le referendum puis les élections c’est plutôt parce qu’ils craignent que le pouvoir ne s’égare dans ‘son’ projet de referendum alors que, pour le parti, ce sont les élections tenues avant le 7 février 2022 qui importent. Car une fois qu’ils n’auraient plus le contrôle de la présidence de la république, ce sera autre chose. Ils seront ni plus ni moins qu’un parti comme les autres. Du moins théoriquement … car le PHTK possède certainement le meilleur trésor de guerre que tout autre.
Et voilà pour un des deux principaux faits qui agitent les ondes en ce moment.
L’autre bien sûr c’est le maintien en otage par un des gangs parmi les plus violents du pays, de 7 religieux catholiques (5 prêtres et deux bonnes sœurs) dont deux de nationalité française. Le chef des ‘400 Mawozo’ et dénommé lui-même ‘Lanmò 100 Jou’, n’a pas caché que si on tarde à lui remettre la rançon qu’il exige (pas moins de 1 million de dollars), eh bien il ne répond pas de la santé, ni de la vie des otages.
La menace semble être prise au sérieux dans l’opinion nationale. Cependant le pouvoir en place ne semble avoir aucun moyen à sa disposition pour solutionner le problème. Pour mettre fin au défi.
Car ‘Lanmò 100 Jou’ a de toute évidence lancé un défi à Jovenel Moïse. Il a dit : ‘ils savent très bien de quoi je suis capable.’
Et c’est là aussi probablement l’une des causes de ce mouvement de repli soudain qui vient de commencer dans le camp des plus proches de la présidence comme un Gabriel Fortuné, ancien maire des Cayes et plusieurs fois pressenti pour le poste de premier ministre sous l’actuel pouvoir, tout comme le sénateur et actuel président du sénat – de dix sièges sur trente, faute d’avoir tenu les élections à temps (depuis novembre 2019), Joseph Lambert, surnommé ‘l’animal politique’ autrement dit qui a le nez fin - voire l’actuel numéro 1 du parti au pouvoir, Liné Balthazar.
En attendant d’autres défections qui ne vont pas manquer.
Ce qui permet en même temps aussi au PHTK d’occuper le devant de l’actualité – face à une opposition qui se cherche encore.
Conclusion : les plus proches du pouvoir sont inquiets, outre que cette dernière lubie de Jovenel Moïse qu’est le referendum risque de leur faire rater la possibilité de tenir les législatives et présidentielles avant la fin du mandat de ce dernier, comme les Etats-Unis aussi le souhaitent … mais le président est totalement désarmé devant les kidnappeurs et ce ‘Lanmò 100 Jou’ (qui n’est autre que lui aussi une créature du régime actuel !) est sur le point de tout foutre en l’air.
Conclusion : soudain le premier adversaire du parti au pouvoir ce n’est pas l’opposition, mais il s’appelle Jovenel Moïse !

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince