Intervention humanitaire ou Intervention militaire ?

MIAMI, 7 Octobre – Haïti est prête pour une intervention internationale mais laquelle ? Et qui veut l’intervention ? Le pouvoir de facto apparemment oui. Mais que veut l’opposition ?
Quant à la population elle n’a comme d’habitude pas vraiment son mot à dire.
Haïti réunit donc toutes les conditions pour une intervention.
On irait même jusqu’à dire que les conditions sont volontairement réunies pour que puisse avoir lieu une intervention étrangère … s’il n’y avait le choléra qui s’est depuis deux semaines mis aussi de la partie.
Mais quelle intervention ?
L’international est celui, et peut-être le seul, qui hésite encore.
Humanitaire … ou militaire ?
Que veut dire intervention humanitaire ?
Ecoutons notre premier ministre de facto Dr. Ariel Henry dans son message du mercredi 5 octobre écoulé : « Aujourd’hui je lance un appel solennel à tout le peuple haïtien, à toutes les personnes de bonne volonté pour faire entendre notre voix, pour nous mobiliser, pour nous rassembler et pour barrer la route à toutes ces mauvaises personnes qui pensent qu’elles peuvent mettre tout un peuple à genou et pensent que c’est la seule route pour arriver à prendre le pouvoir. »
Et tout de suite après : « Je demande à toute la communauté internationale, à tous les amis d’Haïti de se tenir à nos côtés et de nous aider à combattre cette crise humanitaire (…). Nous voulons que la communauté internationale aide le pays à faire sortir le carburant pour qu’il soit distribué et pour que les activités reprennent. »
Mais quelque chose ne va pas. D’un côté Ariel Henry présente la situation comme une crise politique : « pour barrer la route à toutes ces mauvaises personnes qui pensent qu’elles peuvent mettre tout un peuple à genoux et que c’est la seule route pour arriver au pouvoir » …
Puis la minute d’après pour continuer : « Je demande à toute la communauté internationale, à tous les amis d’Haïti de se tenir à nos côtés et nous aider à combattre cette crise humanitaire. »
Il faudrait donc conclure que c’est une crise à la fois politique et humanitaire.
Un titre du Miami Herald semble le résumer, tout en offrant une porte de sortie du moins dans sa traduction en français : « Le Premier ministre Ariel Henry appelle à une aide internationale … au milieu de la crise humanitaire. »
Mais qu’en pense l’opposition ?


Son principal porte-parole, le BSA (Bureau de suivi de l’accord Montana), n’a pas raté l’occasion pour s’écrier au lendemain du message du mercredi 5 octobre : ‘Ariel Henry fait appel à une intervention ! »
Comme quoi celui-ci accepterait qu’il ait échoué.
Mais les ‘Montana’ ne disent pas non plus comment ils comptent faire sans …
Sans une intervention internationale.
Selon le Miami Herald (édition du 5 octobre 2022), même les Haïtiens jusqu’ici les plus récalcitrants à l’entrée de forces internationales dans leur pays qui aujourd’hui doivent s’y résigner devant l’état de la situation.
Mais sans ajouter que ces derniers n’y peuvent rien. Réduits au rang de simples spectateurs devant toutes les calamités tombant sur leur pays, et en majorité dues à la mauvaise foi de certains compatriotes.
Pour le premier ministre ce sont d’abord ‘ses’ ennemis politiques …
Pour l’international ou encore appelé en Haïti le ‘blanc’, c’est une combinaison de facteurs : le blocage du carburant par un puissant gang armé (‘Mr. Barbecue’ pour ne pas le nommer) forçant à l’arrêt des opérations essentielles que sont : fourniture d’eau potable, services hospitaliers alors que le cholera à nouveau hante (deux morts et une soixantaine de cas suspects) etc., y compris les moyens de communication (transports mais aussi téléphone et internet) menacés de s’arrêter …
Les ambassades étrangères ont dû cesser de recevoir directement la clientèle.
D’ailleurs avant même l’appel du premier ministre de facto, on a vu le ‘blanc’ passer à l’action.
Comme dans un pays en guerre, comme on agite le drapeau blanc dans un pays en état de guerre civile (voyez-vous ça !), voici lesdites grandes ambassades qui lancent un « SOS auprès des gangs bloquant le terminal de Varreux S.A. en faveur de la mise en place d’un couloir humanitaire afin de permettre l’approvisionnement en priorité des hôpitaux, des centres de traitement d’eau et des compagnies de téléphonie mobile. »
Incroyable mais vrai, les gangs sont donc les seuls qui s’en tirent avec gloire de cette pétaudière !

Comme quelque chose qui est en train de mariner. ‘Something is cooking’ …

Malgré tout, une semaine plus tard, toujours aucun changement.
D’ailleurs dans son appel du mercredi 5 octobre, le premier ministre Ariel Henry mettait davantage l’accent sur ses ennemis héréditaires : « toutes ces mauvaises personnes qui pensent qu’elles peuvent mettre tout un peuple à genoux et que c’est la seule route pour arriver au pouvoir ».
Par conséquent rien n’a changé et on est au même point. Mais aussi comme quelque chose qui est en train de mariner. ‘Something is cooking.’
Les organisations internationales auraient, quant à elles, fait tout ce qu’elles peuvent pour préparer le terrain.
Jusqu’au BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) s’inquiétant du nombre élevé de décès dans les prisons et demandant au gouvernement de « prendre des mesures pour assurer la distribution de nourriture, d’eau, de médicaments et de produits de première nécessité dans les prisons, notamment dans les centres de rééducation des mineurs et la prison des femmes. »
Voyez-vous ça !
Jusqu’aux dépôts de produits humanitaires que le peuple continue de piller depuis plusieurs semaines dans divers coins du pays (Cayes, Jérémie, Gonaïves, Cap-Haïtien etc) mais en même temps qu’on commence à se demander s’il s’agit vraiment de pillage et si on ne laisse pas exprès ces dépôts sans protection …
Enfin !
Car il est de plus en plus évident que les acteurs haïtiens n’ont plus aucune prise sur les événements : ni notre fameux neurochirurgien de premier ministre mais qui, comme on appelle familièrement le psychiatre aux Etats-Unis, n’est pas loin d’être le ‘shrink’ ou rétrécisseur de cerveau (le ‘jivaro’ de la chanson) ; ni l’opposition réduite brusquement au seul Accord Montana peut-être parce que c’est ce dernier qui ait aussi les relations en haut lieu, autrement dit Washington D.C. …
Quant au peuple haïtien, il en est réduit, pour paraphraser un proverbe de chez nous, à prendre chaque jour pour la Noel …
Attendant comme c’était le cas jeudi soir (6 octobre) dans les rues de Pétionville, provoquant un charivari jusqu’en diaspora, l’avion qui viendra emporter au loin le nouveau tyran. Comme toujours …
Mais nous n’avons pas répondu à la question : intervention humanitaire ou intervention militaire ?
Or on ne peut confondre. La preuve : Barbecue n’a pas cédé à la demande des grandes ambassades pour un ‘couloir humanitaire’ et qui permettrait d’alimenter en carburant les hôpitaux, les entreprises d’eau potable, les communications, bref à la vie de commencer à reprendre son cours plus ou moins normal.
Conclusion : Barbecue ferait-il partie d’un complot ?
Réponse : il ne reste probablement que d’attendre !

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 7 Octobre 2022