La démocratie c’est aussi une école

MIAMI, 14 Août – Les médias au service de l’éducation. En ces temps d’épidémie (Covid-19), pas un pays qui n’ait recours au ‘on line’ comme substitut autant que possible aux cours dispensés en classe. Cela à tous les niveaux, de la maternelle aux terminales universitaires. C’est une véritable révolution, de plus accomplie sur le tas. Chapeau !
Par contre, il y a une révolution qui se fait attendre dans notre pays, Haïti. Celle qui doit faire entrer le peuple haïtien véritablement dans l’ère démocratique. Jusqu’à présent la démocratie en Haïti c’est quoi ?
Rien d’autre et rien de plus que les élections, hélas. Tous les quatre ans pour les parlementaires. Et tous les 5 ans pour les présidentielles.
Pas étonnant que le peuple finisse par en être blasé. D’autant plus que peu de changements ont eu lieu dans sa vie réelle. Lentement et sûrement, il s’est par conséquent détourné des élections aussi.
Ces dernières sont alors devenues automatiquement la proie, le monopole des professionnels de la chose politique, leur chose, point barre.
Et nous avons abouti à la situation actuelle. Messieurs-dames les politiciens-politiciennes jouant avec les élections comme bon leur semble. Justement comme au casino !
Situation sans précédent où les élections sont renvoyées tout simplement aux calendes grecques par un exécutif que cela dérange dans ses plans maléfiques (ceci parce que n’ayant apparemment aucun autre but que faire du mal autour de lui, à tout ce qui ne se courbe pas ventre à terre devant ses élucubrations qui se révèlent plus que fantaisistes, mais de plus en plus inspirées par on ne sait quel diable …).
Vous semblez penser (et avec raison) qu’Haïti n’est pas un cas unique et qu’il y a d’autres pays où des dirigeants peuvent être tentés également de jouer avec le processus électoral à leur seul profit …
Y compris de grands pays. Et des pays à système démocratique bien établi.
Mais vous avez dit système démocratique bien établi. Justement dont le citoyen en connait et reconnait l’importance, toute l’importance et les avantages qu’il revêt (et revêt pour lui comme pour tous ses concitoyens, chacun d’eux et chacune d’elles), cela par rapport aux autres systèmes.


Mais tout cela, cette préparation ne tombe pas du ciel comme nous l’avons cru jusqu’ici, en Haïti. Cela s’acquiert. Cela en un mot, s’apprend. Et pas en un jour, pas aussi facilement qu’on croit. La réponse est quelque part entre deux citations célèbres.
Celle de Winston Churchill : ‘La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.’
Et celle de John F. Kennedy dans son discours d’investiture (20 janvier 1961) : ‘Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays.’

‘Kisa mouche leta janm fè pou mwen ?’ …

En guise de démocratie en Haïti, nous voici en effet entre d’un côté ceux, plus probablement la majorité, pour qui la démocratie c’est attendre toujours beaucoup plus de l’Etat …
Riches comme pauvres.
‘Kisa mouche leta janm fè pou mwen ?’
Et une autre catégorie, les petits malins, pour qui la démocratie c’est l’Etat pris en otage, à leur seul profit, avec ses pompes et ses œuvres, ses fastes et ses comptes en banque croulant à ras bord.
Voilà donc à quoi a abouti l’expérience démocratique en Haïti. Qui peut prouver le contraire ?
Mais faut-il pour cela rejeter la démocratie ?
Nous répondrons qu’on ne peut pas rejeter ce qu’on ne sait pas, comment condamner avant d’avoir appris.
De plus attention à ne pas faire le jeu des mêmes qui ont pris et gardé la démocratie dans notre pays en otage et qui seraient encore les premiers à prêcher et à promouvoir un autre système, quelconque.
Comme dit Churchill, la démocratie est difficile à pratiquer, encore plus à faire respecter par les magouilleurs de toutes espèces, mais c’est le moins mauvais des systèmes politiques.
Pourvu aussi que l’on prenne le temps de savoir ce que c’est. De lire le mode d’emploi. Comme un médicament qui, utilisé comme il faut, peut faire le plus grand bien.
Mais qui, dans le cas contraire, peut déboucher sur les pires drames.
Cette idée nous vient - devinez comment ? Eh bien en regardant les émissions les plus prisées actuellement à la télévision aux Etats-Unis (et bien entendu que vous pouvez suivre aussi aujourd’hui en Haïti que nous avons des réseaux de distribution très up-to-date) : ce sont les émissions qui s’enchainent toute la journée et sur un même thème : le droit, la justice, l’éducation à la justice.
Les décennies passées c’était la grande vogue des ‘soap opéras’, à longueur de journée : ‘All my children’, ‘One life to live’, ‘General Hospital’ etc.
Ces derniers existent encore mais les voici lentement détrônés par un nouveau genre dont les titres s’alignent comme on aurait vu autrefois sur les portes des chambres d’accusation au tribunal civil de Miami : ‘Divorce Court’, ‘Judge Juddy’, ‘Judge Lynn’, ‘Paternity Court’, ‘Jerry’ etc.
Il s’agit de shows télévisés, aussi passionnants que le ‘soap’ dont le style les a probablement inspirés, mais on n’est plus dans le roman-photo que dans la réalité. Le vrai. ‘The real thing.’
Avec des juges réels et des accusés et des accusateurs bien réels aussi. Mais le débat est mené de façon qu’il soit pour le spectateur une occasion de se familiariser avec le droit, avec la justice et ses interactions avec la société et le monde dans lequel nous vivons. Comment la justice participe dans la vie de tout un chacun et pas seulement s’il nous arrive de franchir la porte d’un avocat ou du tribunal.

Une femme peut-elle donner naissance à des jumeaux mais pour deux pères différents ? …

Du travail bien fait. Avec des professionnels du droit comme aussi du show télé. Par voie d’un montage très alerte nous participons au débat devant ‘Judge Lynn’ sur un cas de divorce, qui peut finir plutôt, eh oui surprise, dans une réconciliation.
Le plus passionnant ce sont les cas de procès en paternité. Une femme peut-elle donner naissance à des jumeaux mais pour deux pères différents ?
Rendez-vous à ‘Paternity Court’.
Même les cas si l’on peut dire les plus communs ou même banals qui ne sont pas négligés, suivez avec ‘Judge Juddy’ les litiges entre propriétaires de maisons et locataires, ou les cas d’animaux domestiques qui vont fouailler la nuit dans les poubelles chez le voisin. Tout cela est capable, comme on sait, de soulever de l’animosité dans le milieu social.
Bref comment familiariser la population avec les principes du droit (droit usuel) ou disons … tout ce que vous pouvez connaitre sur la justice sans avoir jamais les pieds à la Faculté de droit !
Eh bien, c’est de la même façon que nous aurions dû commencer en Haïti avec la démocratie.
Que faut-il en dire de plus ?
Sauf que nos universités en sont encore aux théoriciens du communisme pré-marxiste … tandis que nos soi-disant disciples d’Adam Smith avaient tôt fait de faire disparaitre ses théories … au fond de leurs poches.
Y compris aussi les fonds (avec un ‘s’) qui pourraient avoir été fournis à ce sujet par une certaine communauté internationale … mais dont ce n’est pas l’affaire l’usage que vous en faites !

Marcus Garcia - Haïti en Marche, 17 Juillet 2020