Carifesta : yes we can mais Où ?
PORT-AU-PRINCE, 29 Août – Dimanche 25 août 2013, le président du Suriname, Desi Bouterse, passait le bâton honorifique à son homologue haïtien Michel Martelly, pour l’organisation en Haïti, en 2015, de cet important événement régional connu sous le nom de Carifesta.
Un pays qui ne s’est pas relevé du séisme dévastateur de janvier 2010 peut-il assumer une telle charge ?
A première vue non. Et pourtant Si. Yes we can. C’est un grand rendez-vous culturel et artistique des pays de la région. Et à ce niveau ce n’est pas trop de dire que Haïti est un des plus riches.
Vous me direz : en a-t-on les moyens, financiers ?
Il suffit de le vouloir. N’a-t-on pas eu deux carnavals cette année ? Il suffit d’en avoir un seul en 2015, et qu’il corresponde avec le Carifesta. Bien sûr pas question d’attendre la dernière minute, selon nos habitudes. Haïti a pris la responsabilité d’organiser l’événement régional (qui sait même planétaire si nous nous y prenons bien), alors il faut assumer dès aujourd’hui. Tout de suite. Mettre sur pied un comité d’organisation. C’est un défi aux yeux du monde entier.
Peu de participation et de support …
De plus nous ne sommes pas les seuls engagés dans ce projet. On est supposé avoir la collaboration des autres membres de la communauté caraïbe. Mais à ce sujet nous serions méfiants quand on lit les réactions rapportées dans la presse régionale du ministre de la culture de la Barbade, Eleston Adams, encourageant ses homologues régionaux à apporter leur support au Carifesta et exprimant son désappointement.
‘J’ai le regret de dire que je suis déçu par le peu de participation et de support des ministres de la culture de la Caraïbe pour le Carifesta’, a dit Adams.
‘La culture, a-t-il poursuivi, devrait être plus proéminente si nous voulons en récolter les bénéfices, spécialement dans le domaine du tourisme.’
A côté de la Barbade, les principaux participants ont été cette année la Jamaïque et Curaçao.
Un succès fou …
Et bien sûr Haïti pour qui le mot tourisme n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
La délégation haïtienne comptait plus de 80 personnes, en majorité les membres des Ballets Bacoulou, comme invité spécial du Carifesta.
Ces derniers ont eu un succès fou. Ce qui veut dire qu’en dehors de la question budget, pour le reste c’est dans la poche. Culture, danse, artisanat. Mais où ?
C’est la question préjudicielle, comme on dit en droit. Celle qui doit être tranchée avant toute autre considération.
Où peut-on organiser en Haïti un festival qui doit rassembler en dehors des locaux plusieurs milliers d’étrangers, si ce n’est davantage, dont des personnalités éminentes, venant des pays de la Caraïbe et du reste du continent ?
Dans le passé ! …
La seule certitude est Port-au-Prince, la capitale, mise tout de suite hors jeu par le séisme.
Comment avons-nous fait par le passé ? Pour les festivités du Tri-cinquantenaire de l’Indépendance en 1954, le gouvernement du président-général Paul E. Magloire avait choisi les ruines du Palais Sans Souci à Milot (Cap-Haïtien, Nord) où se produira la célèbre cantatrice afro-américaine Marian Anderson.
On aurait pu tout aussi bien préférer le Bicentenaire ou Cité de l’Exposition à peine construite (1949) pour le bicentenaire de la fondation de Port-au-Prince.
Nous n’avions que l’embarras du choix.
Doit-on tout laisser au pouvoir ? …
Aujourd’hui différences tendances vont probablement s’affronter au sein de l’administration Martelly-Lamothe (premier ministre Laurent Lamothe).
Il existe plusieurs localités qui peuvent aspirer à cet honneur. Pétionville, en banlieue de la capitale, qui a bénéficié de nombreux travaux d’infrastructures après le séisme (rues, squares rénovés, stores élégants) mais surtout deux grands hôtels dernier cri.
Mais récemment n’a-t-on pas entendu que c’est l’Ile-à-Vache, un atoll de verdure au large de la presqu’île du Sud, qui est le nouveau chouchou du gouvernement !
Or un tel choix devrait-il seulement dépendre des cercles du pouvoir qui sont normalement trop sensibles à la propagande partisane et aux succès rapides ? Et trop souvent sans lendemain. Alors que nous avons besoin d’engranger chacun de nos gestes. Rien ne se perd, devrait être la nouvelle devise.
Une constante fête ! …
Evidemment il reste Jacmel qui au niveau localisation tient la comparaison avec tous les autres. Ouverte sur la mer Caraïbe, une industrie hôtelière en plein boum mais avec de plus une histoire dominée par l’échange avec le reste du monde et une tradition artistique (arts populaires, artisanat) en constant renouvellement.
Jacmel est en elle-même une fête ! Et tous les derniers festivals que nous avons réalisés en attestent. Le festival de jazz comme celui plus récent des arts populaires qui ont tous reçu leur coup d’envoi dans le chef-lieu du Sud-est.
Cela permettrait aussi de faire avancer, d’ici 2015, les projets déjà en cours de réalisation dans le plan directeur pour la relance du tourisme, l’une des plateformes de développement les plus sûres. Les plus ‘natif-natal.’ Et dont les revenus sont le plus largement partagés.
Haïti en Marche 29 Août 2013