Comment Petrocaribe menace d’échapper aux Haïtiens

JACMEL, 22 Septembre – Dans le dossier Petrocaribe, c’est comme si on assistait à une course contre la montre entre les officiels haïtiens et la communauté internationale d’un côté et de l’autre les forces mobilisées par la demande de justice contre les dilapidateurs des 3.8 milliards de dollars américains tirés d’un fonds spécial du trésor public haïtien.

Pendant que des marches ont lieu quasi quotidiennement en Haïti et dans la diaspora haïtienne répondant au mot d’ordre ‘Où est passé l’argent de Petrocaribe ?’, soudain les pouvoirs publics en Haïti (président de la république, parlementaires et organismes de contrôle des finances de l’Etat – Cour des comptes, ULCC et UCREF) se mettent tous à bouger.
Déclaration du président Jovenel Moïse : ‘L’Etat doit traiter le dossier Petrocaribe avec la rigueur nécessaire et donner des explications’, tout en invitant la population à rester calme dans l’attente des résultats du travail des institutions compétentes.
L’agence Alterpresse rappelle qu’il y a quelque temps, Jovenel Moïse avait assimilé les premiers rapports d’enquête sur la gestion des fonds en question à de la ‘persécution politique.’
C’est aussi la Chambre de commerce et d’industrie qui dit espérer que la Cour des comptes et du contentieux administratif tiendra son engagement ‘d’auditer impartialement tous les projets (qui ont été) financés’ par les fonds Petrocaribe.
Faute de quoi, le pays risque de capoter, selon elle, ‘dans une incertitude politique pouvant déboucher sur un chaos généralisé.’
Si l’international se garde quant à lui d’aller droit au but pour ne pas risquer peut-être d’être accusé d’interférence, cependant le fait qu’ont coïncidé les félicitations adressées par ses principales représentations en Haïti (ONU, Union européenne et l’Ambassade américaine) à l’occasion de la ratification par les deux chambres du Parlement du programme politique du nouveau chef du gouvernement, Jean Henry Céant, dont le dossier Petrocaribe figure en tête de liste - avec l’engagement du président Moïse de faire le jour sur la question, cela invite à réfléchir.

Peut-être un signal positif et une indication …
Le pays ne peut rien actuellement sans le déblocage d’un certain support budgétaire international qui tarde à se concrétiser.


Justement la semaine dernière la Banque mondiale a annoncé une assistance de 20 millions de dollars dans ce domaine.
Ce n’est pas grand chose mais c’est peut-être un signal positif et une indication.
Ainsi peu à peu, le dossier se met à avoir une résonnance sur le plan international.
Depuis l’apparition fracassante sur les réseaux sociaux du site #PetroCaribeChallenge ?’
A cette longue déclaration de la Fondation Héritage pour Haïti (filiale de Transparency International, organisation de lutte contre la corruption) qui sans mâcher ses mots (20 septembre 2018) demande au ‘Président de la République et au gouvernement de lancer aussitôt que possible un appel d’offre pour recruter une des branches locales de firmes internationales d’audit pour épauler la Cour des comptes dans cette tâche et pour servir de garantie additionnelle de l’indépendance de cette vérification.’

La Communauté internationale seul juge tout comme pour nos élections …
La Fondation Héritage, branche haïtienne de Transparency International, ‘suggère (aussi) au Président de la République et au gouvernement de solliciter auprès de l’OEA, de l’ONUDC et des Etats partie à la Convention Inter-Américaine Contre la Corruption (CIACC) et à la Convention des Nations Unies Contre la Corruption (CNUCC) leur appui, selon les articles 14 et 43 desdites Conventions, en matière de dépistage et de recouvrement des gains illicites déposés dans des comptes à l’étranger’ (fin de citation).
Le dossier Petrocaribe serait donc sur le point d’échapper aux Haïtiens.
Sous quel prétexte ?
La Fondation Héritage ‘met en garde les éternels agitateurs et semeurs de troubles puissants qui oeuvrent dans l’ombre et se sont insinués dans le mouvement citoyen pour fomenter un climat instable, violent et chaotique propice à leurs propres opérations louches et criminelles.’
Vrai ou faux ? Allez savoir.
Mais on retrouve le même accent dans la prestation du Président Jovenel Moïse sur Radiotélémétropole.
‘Jovenel Moïse demande à la population d’éviter de faire des amalgames pour que les honnêtes gens ne soient pas victimes, ni injustement indexés dans le dossier’ (information reprise par l’agence Alterpresse).
Faut-il rappeler que des conseillers proches du chef de l’Etat sont également cités dans le dossier.
Conclusion : le dossier Petrocaribe peut être sur le point d’échapper, lentement mais sûrement, aux parties haïtiennes, celles-là même qui ont lancé le mouvement.
Mais celles-ci peuvent-elles y échapper ?
Il faudrait pour commencer que toutes ces voix puissent accorder leurs violons. On ne peut en même temps vouloir tout et le contraire de tout. Comme faire appel aux mêmes, que l’on conteste.
Rappelez-vous le lion de la fable, qui mit les plaideurs d’accord … en croquant l’un et l’autre.

Haïti en Marche, 22 Septembre 2018