ROBERT MALVAL
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*Le Premier ministre Ariel Henry n’a pas besoin des conseils des anciens chefs de gouvernement car il ne peut en tirer bénéfice vu sa situation singulière. Tous ceux qui ont occupé la Primature de 1988 à janvier 2020 étaient revêtus d’au moins l’un des attributs de la légalité. Nos institutions, même quand elles oscillaient sur leur socle, n’ont jamais été brisées sous le fallacieux prétexte qu’elles entravaient la gouvernance.*
*Le seul détenteur du pouvoir exécutif qui aurait pu lui souffler à l’oreille les errements à éviter eût été le général Henri Namphy, s’il était encore de ce monde. Ce dernier n’avait pas su mesurer ses atouts. Ovationné par la foule le 7 février 1986, il n’avait pas compris que le pays attendait de lui une œuvre rédemptrice. À la fois le produit et l’otage du duvaliérisme, il ne s’en était jamais affranchi.*
*À défaut des conseils de l’ancien chef du Conseil national de gouvernement (CNG), le Premier ministre Henry a intérêt à méditer sur l’échec de Namphy pour éviter d’être très vite l’objet de la désaffection populaire. Saura-t-il mieux jauger les avantages de sa situation ? Ils sont nombreux, pour le moment, mais il risque très vite d’en être dépouillé s’il ne se décide pas à pétrir le concret. Je l’appelle à l’action immédiate car la montée de température se fera sentir dès la rentrée des classes et elle risque de faire sauter le thermomètre.*
*Quels sont les atouts d’Ariel Henry ? Tout d’abord une image de bonhomie sans la prétention orgueilleuse d’un Claude Joseph. Ensuite il n’exacerbe pas l’hostilité de l’opposition, elle-même en proie à la division et à l’impuissance. C’est lui qui a en outre le soutien de Washington et non son gouvernement, par conséquent dans notre microcosme politique, la partie est plus importante que le tout. Enfin, issu d’une formation politique autre que le PHTK, lequel est aujourd’hui plus une tendance (ou plusieurs) qu’un parti, il ne peut en être le prisonnier. Il doit agir et ne pas se contenter d’abstractions. S’il a le pouvoir de déclarer la guerre, il peut aussi bien se transcender et procéder au retrait des décrets inconstitutionnels et à la dissolution du Conseil électoral provisoire illégal. Il répondra ainsi aux vœux de la population et à ceux du Core Group qui ne peut ignorer, à moins d’être composé de marchands d’irrationnel, que la stabilité politique qu’il ne cesse de préconiser ne pourra prendre corps tant que le désordre de la nation persistera. S’il ne peut innover, il doit au moins être un aplanisseur de terrain. Il y a des conjonctures politiques où les décisions les plus hardies sont souvent les plus sages. Si le Premier ministre n’a pas assez de muscles, il devra passer la main.*
*Robert Malval*