L'ONU a rejeté jeudi (21 février) la demande d'indemnisation pour les victimes de l'épidémie de choléra qui sévit en Haïti depuis plus de deux ans, et attribuée par plusieurs experts aux troupes onusiennes dans le pays - avançant les "privilèges et immunités" dont elle bénéficie.


L'épidémie de choléra s'est déclarée en octobre 2010. Elle a fait depuis plus de 7.700 morts et infecté plus de 620.000 personnes, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Son origine a été attribuée par certains experts à un contingent népalais déployé dans le pays (Centre).
5.000 victimes du choléra - malades ou familles de personnes décédées de la maladie - exigent des Nations unies des centaines de millions de dollars de compensations.
Le groupe d'avocats (BAI – Bureau des avocats internationaux) qui les représente réclame 100.000 dollars pour chaque mort, et 50.000 dollars pour chaque personne infectée.

Jeudi, l'ONU "a fait savoir aux représentants des demandeurs que cette demande n'était pas recevable au titre de la section 29 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies" de 1946, a annoncé le porte-parole de l'organisation, Martin Nesirky.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, "a téléphoné au président haïtien, Michel Martelly, pour l'informer de la décision prise et lui répéter que l'ONU est déterminée à éliminer le choléra en Haïti", a indiqué M. Nesirky.

Réagissant à la décision onusienne, un des avocats des plaignants, Brian Concannon, a confirmé à l'AFP que le groupe avait l'intention de déposer plainte auprès d'une "juridiction nationale", en Haïti, à New York, ou "devant un tribunal en Europe", citant la Belgique et les Pays-Bas.
"Il y a toute une jurisprudence qui affirme qu'immunité ne veut pas dire impunité", a-t-il plaidé. "Le fondement de notre plainte est que l'ONU a déversé ses égouts dans la principale rivière d'Haïti", le fleuve Artibonite.

En juin 2011, une étude publiée par les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) avait conclu que le choléra avait été introduit en Haïti par des Casques bleus népalais.
Un précédent rapport d'experts indépendants, publié en mai 2011, avait identifié une souche de virus venue d'Asie du Sud, sans toutefois incriminer les Casques bleus népalais.
L'ONU n'a jamais reconnu sa responsabilité dans l'épidémie, estimant impossible de déterminer formellement l'origine de la maladie.

Le porte-parole, M. Nesirky, a cependant souligné les efforts déployés par les Nations unies pour traiter l'épidémie et améliorer les infrastructures sanitaires en Haïti.
En décembre, l'ONU a lancé un appel de fonds de 2,2 milliards de dollars afin de financer une campagne pour éradiquer l'épidémie. Ce programme, sur dix ans, sera centré sur l'amélioration des conditions sanitaires, la fourniture d'eau potable et une nouvelle méthode orale de vaccination.

"Le secrétaire général réaffirme qu'il est extrêmement sensible aux terribles souffrances causées par l'épidémie de choléra et demande à tous les partenaires présents dans le pays, ainsi qu'à la communauté internationale, d'oeuvrer ensemble afin que les conditions de santé s'améliorent pour le peuple haïtien, et qu'un avenir meilleur s'ouvre à lui", a déclaré M. Nesirky.

Interrogé sur le délai mis à répondre à la demande de compensation, introduite en novembre 2011, il a indiqué que l'ONU "avait pris le temps nécessaire pour examiner de près les plaintes sous tous leurs aspects".

"L'ONU ne semble pas pressée" alors que 900 Haïtiens sont morts du choléra l'an dernier, a commenté Brian Concannon. "Nous allons continuer à nous battre aussi longtemps que nécessaire".