30 août 2025 Vant Bef Info brèves VBI
À Delmas, Nazon et Solino, les rues portent encore les stigmates de la terreur. Les murs noircis par le feu témoignent des incendies qui ont ravagé les maisons ; les portes fracturées, les toitures arrachées et les meubles emportés et des carcasses carbonisées racontent l’histoire de familles anéanties en l’espace d’un instant.
Port-au-Prince, 30 août 2025. – Au cœur de ces quartiers naguère bouillonnants de vie, des habitants errent parmi les décombres, les yeux rougis par les larmes et la poussière. Ils racontent, avec une voix brisée, comment une existence entière bâtie à force de labeur s’est effondrée sous les assauts meurtriers des gangs de la coalition Viv Ansanm.
« Revenir vivre sur les ruines ? »
Après des mois de violences inouïes, les chefs de cette fédération criminelle affirment vouloir « se retirer » et invitent les déplacés à réintégrer leurs maisons. Mais pour les sinistrés, la proposition sonne comme une gifle. « Revenir sans réparation, sans justice, sans garantie de sécurité ? Est-ce cela la paix ? », s’interrogent-ils, dénonçant une « paix pèpè », une paix contrefaite, imposée par ceux-là mêmes qui les ont dépouillés et réduits à la misère.
Dans les campements improvisés, la colère gronde. Des mères de famille racontent comment elles ont tout perdu : leurs lits, leurs ustensiles, leurs économies ; et comment leurs enfants, traumatisés, refusent de fermer les yeux la nuit. Des hommes, autrefois artisans, chauffeurs ou commerçants, avouent leur impuissance : « Nous avions peu, mais nous l’avions construit de nos mains. Aujourd’hui, il ne reste rien. »
La position des autorités
Face à cette situation, la Police Nationale d’Haïti (PNH) se veut prudente. Elle avertit que les retours ne doivent pas se faire « sous le parapluie des gangs » et insiste sur un processus graduel et sécurisé, une fois les zones stabilisées par des opérations policières.
La Primature, de son côté, a annoncé vouloir renforcer l’aide humanitaire et « structurer la relocalisation des déplacés ». Mais les victimes de Viv Ansanm semblent vouloir plus. Ils souhaitent du concret et surtout de la réparation, de justice. « On redoute de se retrouver une nouvelle fois abandonnées par l’État », confient-ils.
Au niveau international, l’ONU et ses agences alertent : près de 1,3 million de déplacés internes survivent désormais dans des conditions précaires. Le Conseil de sécurité discute d’un élargissement de la mission de sécurité pour Haïti, tandis que la population attend des actes concrets.
Des ruines comme horizon
À Solino et Delmas 30, des familles tentent timidement de regagner leur quartier. Mais elles retrouvent des ruines, parfois encore fumantes. Certaines dressent des abris de fortune sous les restes des toits écroulés, d’autres errent à la recherche de tôles pour reconstruire un semblant d’espace. « C’est une humiliation », souffle une jeune femme devant ce qui fut sa maison, réduite en cendres. « On nous demande de vivre parmi les souvenirs de douleur, comme si rien ne s’était passé », lâche-t-elle tenant un certificat que lui avait décerné sa faculté comme seul objet retrouvé sur place.
Une paix conditionnelle
Les habitants, eux, l’affirment d’une seule voix : il n’y aura pas de paix véritable sans sécurité, sans justice, sans réparation. Ils exigent des enquêtes, des procès, des indemnisations et surtout la certitude que leurs enfants pourront dormir sans craindre de nouvelles flammes ou rafales.
Le mot d’ordre est clair : « Pas de paix pèpè ». Tant que l’État et ses partenaires ne donneront pas de garanties réelles, la méfiance restera entière. Dans les ruelles de Port-au-Prince, la paix imposée par les armes à un goût amer, et le peuple réclame une paix authentique, celle qui se construit sur la dignité, la justice et l’espoir.
Wandy CHARLES,
Vant Bef Info (VBI)