La Rédaction - 12 juillet 2025
Je crains qu’il ne soit presque trop tard pour Haïti, mais j’exercerai jusqu’au bout mon ministère de la parole libre. Je le fais parce que mes convictions patriotiques dépassent largement, ni mes ambitions personnelles, ni celles de ma famille politique.
À chacun ses responsabilités devant l’Histoire.
Il est des temps où notre conscience humaine devrait tout surmonter pour sortir Haïti du bourbier. Nous élever à la dimension du rêve des Fondateurs de la Patrie, devrait être aussi un leitmotiv premier. Malheureusement, nous nous battons encore sur les chétives dépouilles d’une riche colonie devenue libre, les armes à la main, sans nous soucier des sacrifices consentis.
À ce moment où le monde dérape, privilégiant une réthorique de la force sur le droit, la République Haïtienne peine encore à se gouverner souverainement et à travailler au bonheur de son peuple, voire à se positionner de façon historique comme une Nation mère de Liberté.
Toute proportion gardée, les États-Unis et Haïti ont réussi sur le continent américain, les deux plus merveilleuses révolutions qui ont incurvé l’histoire universelle. Ces deux nations représentent deux faces de l’Amérique ; l’une qui a imposé sa puissance militaire et économique et l’autre qui a ignoré la force de sa spiritualité et de sa culture. Le continent a donc perdu un peu de la mystique de son équilibre et de l’essence des secrets de sa grande diversité.
L’HEURE D’UN NEW DEAL!
220 ans après la publication de la Constitution Impériale de Jacques 1er. en 1805, 110 ans après l’occupation américaine en juillet 1915, 80 ans après le mouvement populaire des jeunes ayant abouti au renversement de Lescot en janvier 1946 et 40 ans après l’effondrement du régime duvaliérien, nous sommes toujours à la croisée des chemins. René Dépestre crierait « la révolution de 1946 est pour demain » tandis que François Duvalier scanderait « la révolution de 1804 doit continuer. » Je ne fais aucune comparaison, encore moins des allusions tendancieuses. Je constate simplement que nous traînons encore de vieux fardeaux idéologiques et des rengaines intellectuelles usées et dépassées. Nous alimentons à notre détriment, des querelles de chapelle démodées qui hantent notre subconscient de peuple, grugé par des noirs et des mulâtres, par des dirigeants de droite et de gauche. En vérité, nous nous détruisons…
L’utilité du malheur frappe à notre porte; elle nous suggère de cesser d’être des idiots utiles manipulés contre les intérêts nationaux. Nous devons nous inspirer de la pensée louverturienne, dessalinienne, christophienne et des idéaux progressistes d’un Léon Dumarsais Estimé pour remettre le pays en chantier.
DIAGNOSTIC DE LA SITUATION
A mon sens, nous nous sommes entendus pour la LIBERTÉ sous le leadership de Dessalines, mais nous n’avons jamais eu de consensus sur l’après-indépendance. Alors, nous payons encore les avatars nés de notre glorieuse histoire, les conséquences de l’assassinat de l’Empeureur et nous subissons aussi l’ostracisme international, le résultat désastreux de nos luttes intestines et surtout les mauvais scores de la gouvernance de ces dernières années, marquée de sceau de l’intolérance, de la corruption caractérisée et du rejet de la primauté du droit face à nos pulsions dictatoriales. Le pays a souvent été gouverné avec un rare incivisme dans une désinvolture déconcertante.
Je n’ai pas la prétention de m’ériger en moralisateur ou en redresseur de torts, mais le devoir patriotique qui est mien, me force à m’impliquer pour dire tout haut ce que la majorité pense tout bas. Messieurs et dames, cessons cette pétaudière!
L’effondrement de l’État n’est profitable qu’aux amateurs de fric-frac, aux flibustiers, aux trafiquants et aux extrémistes politiques étrangers ou locaux qui font d’Haïti une plaque tournante pour faire fructifier leur juteux négoce. Le démantèlement de nos institutions républicaines dont nos Forces Armées, l’affaiblissement de notre système judiciaire, l’inopérabilité de nos services d’intelligence et de renseignements font partie de ce grand plan concocté par des tenants de l’économie criminelle et des thuriféraires d’idéologies tombées en totale désuétude. Même les symboles de l’État ont disparu. Actuellement, c’est une routine administrative qui fait fonctionner le gouvernement sans aucune vision ni repères. Disons le mot, la barque nationale est à la dérive.
C’est l’heure d’un New Deal !
PROPOSITIONS
Le CPT et son Gouvernement ont fait leur temps. Plus d’une année sans aucun résultat, il leur faut tirer la révérence. Aucune gouvernance transitoire ne sera fiable, avec au pouvoir, les mêmes acteurs qui vont concourir aux prochaines joutes électorales. Il y a des sacrifices et des choix à faire. Dans l’imaginaire populaire et la tradition de gouvernance républicaine, l’État est « orphelin » depuis quatre ans. Pourquoi, je reste fidèle à l’expression publique répétée de la Force Louverturienne Réformiste, de ses partenaires du Bloc du Milieu et de la Coalition Nationale.
Je soutiens l’investiture d’un Président Provisoire de la République ou d’une Présidence d’un Gouvernement de Mission, coiffée d’un un Magistrat de la Cour de Cassation. Cette solution institutionnelle peut avoir la vertu de pallier au déficit d’une légitimité populaire. C’est la neutralité présumée du Magistrat que je recherche pour équilibrer, le cas échéant, toute autre formule de gouvernance impliquant les acteurs politiques, les secteurs économiques, intellectuels et sociaux.
A ce carrefour difficile, il est vraiment dommage que nous nous accommodons aux bons offices des instances internationales pour nous dire en face nos pleines vérités. C’est l’heure d’un NEW DEAL!
La feuille de route qui attend nos nouveaux dirigeants est pourtant très claire et souventes fois exprimée par la population :
. Rétablir la sécurité
. Entamer la réforme de l’Etat
. Adopter un Programme d’Urgence pour soulager la population
. Combattre l’impunité, la corruption et les trafics illicites.
. Organiser des élections.
Mais en vérité, rien ne sera possible sans ce Newl Deal salvateur, car les mêmes causes produiront les mêmes effets. La fracture sociale est trop grande et l’État Haïtien, tel quel, n’est pas au service du plus grand nombre.
Haïti doit se prendre en charge.
ENSEMBLE, MAINTENANT !!!
Dr. Emmanuel Ménard